Allez-y, faites votre propre scénario comme dans un roman dont vous êtes le héros. Actionnez les manettes du ministre des Finances du Québec durant deux minutes et reconstruisez le système fiscal à votre goût.

Et hop! Une baisse d'impôts par-ci. Une hausse des taxes à la consommation par-là. À moins que vous préfériez remodeler les prestations pour les enfants?

Vous pouvez maintenant calculer l'effet de toutes ces décisions sur les coffres de l'État et sur le portefeuille des ménages, grâce au nouveau simulateur fiscal mis en ligne hier par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.

À l'aube de la prochaine campagne électorale, ce sera l'outil idéal pour mesurer le véritable coût des promesses lancées par les différents partis politiques. Les électeurs risquent moins de se retrouver devant des élus qui leur avouent, tout contrits, que leurs promesses coûteront plus cher que prévu au lendemain des élections.

Vous vous souvenez peut-être des «petites» erreurs de calcul de Justin Trudeau? Lors de la dernière campagne fédérale, le chef libéral avait promis de réduire l'impôt de la classe moyenne. Cet élan de générosité devait être entièrement financé par une hausse de l'impôt des plus riches.

Or, le Directeur parlementaire du budget du Canada (DPBC) ne voyait pas les choses du même oeil. L'organisme indépendant, qui dispose déjà d'un simulateur fiscal, estimait que la réforme ferait fondre les revenus de l'État de 1,6 milliard pour 2016-2017.

Il avait drôlement le compas dans l'oeil, car Ottawa a été forcé d'admettre dans son premier budget que la réforme coûterait 1,5 milliard. On est loin de la réforme à coût nul promise en campagne électorale avec une calculatrice qui voit les chiffres en rose!

Même si les partis n'ont pas encore présenté leurs promesses en vue des élections de l'automne prochain, amusons-nous déjà avec le nouveau simulateur fiscal du Québec.

Regardons, par exemple, combien coûterait un rehaussement du montant personnel de base qui correspond à ce qu'un Québécois peut gagner sans payer d'impôt. Québec l'a relevé à 14 890 $ en 2017. Mais on pourrait aller jusqu'à 17 000 $ pour se rapprocher du seuil de faibles revenus. On s'assurerait ainsi que les personnes qui vivent dans la pauvreté ne paient pas d'impôt, ce qui paraît raisonnable.

L'ensemble des salariés, pauvres comme riches, profiteraient d'une économie d'impôt de 300 $ par année. Cela rendrait la mesure populaire, mais coûterait aussi très cher à l'État. Selon le simulateur, la ponction serait de 1,25 milliard de dollars par année. Pas donné.

Voyons maintenant combien coûterait une baisse d'impôt plus ciblée pour la classe moyenne et supérieure. Québec pourrait baisser d'un point de pourcentage le taux du deuxième palier d'imposition, qui est présentement de 20% sur les revenus entre 43 000 $ et 85 000 $.

Réduire ce taux à 19% priverait le gouvernement de 461 millions. Mais les contribuables auraient droit à une bouffée d'air allant jusqu'à 431 $. D'ailleurs, le simulateur permet d'évaluer l'effet de chaque mesure sur différents types de ménages et de nombreuses strates de revenus.

Pourrait-on faire payer les plus riches pour toutes ces largesses, un peu comme Ottawa voulait le faire? Ce n'est pas si simple, car il faut tenir compte des effets secondaires.

Si l'on haussait de deux points de pourcentage le taux d'impôt qui s'applique sur les revenus supérieurs à environ 104 000 $, on irait chercher 455 millions. En théorie.

Or, cette mesure aurait des effets indirects, comme une baisse du revenu disponible qui engendrerait une diminution des taxes à la consommation. Cela dégonflerait les coffres de l'État de 15 millions.

Mais surtout, une hausse de l'impôt des riches aurait un effet comportemental significatif. Les contribuables réduiraient leurs heures de travail ou feraient preuve de créativité fiscale pour esquiver la hausse. Tout cela ferait perdre une autre somme de 99 millions.

Au bout du compte, la hausse d'impôt ne procurerait que 341 millions, si je me fie au simulateur qui ventile tous les effets de chacune des mesures.

L'effet comportemental serait aussi très important si l'on décidait de relever le taux d'inclusion du gain en capital de 50 à 75%, comme le Parti québécois et la Coalition avenir Québec avaient promis de le faire lors de la campagne de 2012.

En fait, si Québec voulait accorder des baisses d'impôt à coût nul, il pourrait relever la taxe de vente du Québec (TVQ) comme l'a déjà proposé la Commission d'examen sur la fiscalité du Québec.

Une hausse d'un seul point de pourcentage rapporterait la coquette somme de 1,65 milliard. Toutefois, cela ne tient pas compte d'une bonification du crédit à la solidarité qui serait certainement nécessaire pour éviter que les moins nantis subissent la hausse de la TVQ.

Attendons de voir si cette idée ressurgit lors de la prochaine campagne électorale...