Les cheveux blonds aux épaules, Renaud Pelletier et Nicolas Lauzier ont le look des parfaits beach bums avec leur planche de surf sous le bras. Le soleil brille et l'eau est chaude : 21,6 degrés précisément. Il ne me reste plus qu'à suivre les deux instructeurs et à plonger dans l'eau pour mon cours d'initiation au surf.

Non, je ne suis pas à Hawaii, mais plutôt dans les rapides de Lachine, à quelques minutes du centre-ville de Montréal. Depuis une quinzaine d'années, les surfeurs y ont adopté la « vague à Guy », une vague stationnaire qui tire son nom d'un pionnier du kayak qui a découvert l'endroit.

Moi qui ai grandi à Montréal, une île entourée d'eau, je n'ai jamais osé mettre mon gros orteil dans le fleuve... encore moins la tête. Il faut dire que la métropole compte bien peu d'endroits qui permettent de jouer dans l'eau, malgré ses 80 parcs riverains. C'est comme si les résidants étaient coupés des berges.

Mais aujourd'hui, je me mouille.

« L'eau est beaucoup plus propre que les gens pensent », me rassure Hugo Lavictoire, président fondateur de Kayak sans frontière (KSF), qui donne des cours de kayak, de surf et de surf à pagaie ou stand up paddleboard (SUP).

« Comme entreprise, c'est notre défi de démolir les mythes. Les gens peuvent faire beaucoup plus d'activités qu'ils pensent. Ils peuvent sortir de la ville, sans prendre le pont », s'emballe l'entrepreneur dont l'école de plein air urbain accueille 7000 clients par année, sur six sites autour de l'île.

C'est un fait. La qualité de l'eau est bonne à la vague à Guy, comme le démontrent les tests du Réseau de suivi du milieu aquatique qui analyse des échantillons chaque semaine.

Mais dans l'est de l'île, dans la rivière des Prairies ou même à la Cité du Havre-Habitat 67, où l'on trouve une autre vague idéale pour le surf, la qualité de l'eau laisse parfois à désirer. Là-bas, il vaut mieux attendre 48 heures après des pluies abondantes si vous ne voulez pas avoir d'otites ou d'infections aux yeux.

Glup !

Bon, d'accord, je me ferme la bouche et je saute.

La vague à Guy n'est pas si effrayante. Perpendiculaire au rivage, son rouleau d'environ quatre pieds de haut s'allonge sur une vingtaine de pieds de long. La vague est formée par un trou dans le lit du fleuve qui crée une cassure dans le courant et fait remonter l'eau à la surface.

Les surfeurs doivent se positionner en amont, sauter à l'eau sur leur planche, pagayer avec leurs bras tout en se laissant dériver dans le courant, puis faire pivoter leur planche pour faire dos à la vague et réussir à se lever juste au bon moment.

Toute seule, bonne chance ! Mais grâce aux valeureux instructeurs, j'ai réussi à me tenir debout cinq secondes. Ensuite ? Plouf ! La tête dans les rapides.

À travers les bouillons, il faut remonter sur la planche et pagayer pour revenir au bord. Ma fille de 13 ans qui m'accompagnait a eu bien peur de dériver jusqu'à Québec. Mais il n'y a aucun danger. Dans le pire des cas, les surfeurs néophytes aboutissent dans un bassin très calme au milieu des canards.

De retour sur la terre ferme, il ne reste plus qu'à marcher le long du fleuve avec sa planche pour revenir en amont de la vague et tenter sa chance à nouveau.

Sur le gazon, une poignée de surfeurs plus aguerris lézardent au soleil, sous l'oeil intrigué des cyclistes qui roulent sur la piste cyclable. Les fins de semaine, certains surfeurs apportent leur pique-nique. D'autres installent leur hamac et passent l'après-midi dans le parc des Rapides, à LaSalle.

La communauté de surfeurs est joyeusement variée. « Mon plus vieux client a 72 ans et il a commencé avec nous il y a trois ou quatre ans », raconte Hugo Lavictoire, dont les enfants de 5 et 7 ans ont déjà trouvé le tour de se tenir debout sur une planche.

Comme résidants de LaSalle, ils ont la chance d'être bercés par le son des rapides le soir venu. C'est encore plus vrai durant l'été, puisque la famille vit littéralement dans le fleuve, dans un chalet trois saisons dans une des îles appartenant à la Conservation de la nature, qui préserve cet habitat d'une richesse exceptionnelle.

« On vit là l'été. On vient travailler en bateau. On amène les enfants au camp de jour à côté », me confie Hugo Lavictoire du bout des lèvres, réticent à parler de son petit coin secret.

De la même façon, les adeptes du surf hésitent à faire augmenter la popularité des vagues éternelles de Montréal, de crainte qu'elles deviennent trop achalandées.

Mais Hugo Lavictoire, lui, rêve d'en fabriquer d'autres. « Entre ici et le Vieux-Port, il y aurait de la place pour en faire plein ! Un courant de 12 000 m d'eau par seconde : j'appelle ça du gaspillage ! », lance-t-il.

L'été dernier, il a soumis un projet avec Eau Vive Québec afin d'aménager des vagues en dessous du futur pont Champlain. « Il y a déjà le courant. Il suffirait de modifier un peu le lit du cours d'eau pour créer des vagues. Ça pourrait donner une très bonne image de Montréal à l'international », avance-t-il.

Dans le cadre de son 375e anniversaire, la Ville de Montréal s'est déjà engagée à réaménager les berges pour les besoins des surfeurs et pour contrer l'érosion aux abords des vagues éternelles de Lachine et d'Habitat 67.

C'est un début.