La spectaculaire expulsion manu militari d'un passager de United Airlines remet à l'avant-scène les détestables règles entourant la survente de billets d'avion.

À ce chapitre, les Canadiens sont particulièrement mal protégés. Chez nous, pas de règle uniforme. Les voyageurs victimes de surréservation se retrouvent devant une affreuse courtepointe de règles hétéroclites et obscures. Bonne chance pour obtenir une indemnisation !

D'abord, il faut dire que la survente de sièges est légale, même s'il s'agit d'une pratique extrêmement désagréable pour les passagers qui se font refuser l'accès à bord.

En fait, les transporteurs vendent souvent davantage de billets que le nombre de sièges dans l'appareil. Cela leur permet d'accepter les annulations, assez fréquentes, sans se retrouver avec un appareil vide. Mais quand tout le monde est au rendez-vous, le transporteur doit refuser des passagers qui ont pourtant payé leur billet.

Quand il manque de place dans l'avion, les transporteurs cherchent d'abord des volontaires qui sont prêts à céder leur siège en échange d'une prime. Si personne ne se manifeste, ils doivent alors refuser l'accès à certains passagers, généralement ceux qui sont arrivés les derniers.

***

À quoi ont droit les passagers refoulés à l'aéroport, faute de place pour eux dans l'appareil ? En Europe et aux États-Unis, les règles sont claires comme de l'eau de roche. Le gouvernement a établi des directives précises applicables à tous les transporteurs.

En Europe, les voyageurs qui se voient refuser l'accès à un avion peuvent recevoir jusqu'à 600 euros, l'équivalent de 845 dollars canadiens. Aux États-Unis, l'indemnité peut s'élever à 1300 $US, soit 1730 $CAN.

Il est important de préciser que les compagnies aériennes canadiennes doivent suivre ces directives pour les vols en partance de l'Europe ou des États-Unis. Par contre, elles ne sont pas tenues de s'y conformer pour les vols internationaux en partance du Canada.

De leur côté, les compagnies américaines et européennes qui offrent des liaisons vers le Canada doivent respecter les règles de leur pays, aller-retour.

« Ce sont les belles subtilités du droit international ! », s'exclame Me François Lebeau, spécialiste du droit des transports au cabinet Unterberg Labelle Lebeau.

Rien pour aider les passagers à s'y retrouver.

***

Mais ce n'est pas ça le pire.

Comme je le dénonçais d'entrée de jeu, il n'y a pas de règle uniforme sur l'indemnisation en cas de survente au Canada. Tout est laissé au bon vouloir du transporteur... ou presque.

En fait, chaque compagnie est libre d'établir son « tarif » qui constitue le contrat avec ses passagers. Ce document rédigé dans un jargon indigeste est généralement bien caché sur le site web des transporteurs.

Les clients peuvent porter plainte à l'Office des transports du Canada s'ils considèrent que le transporteur ne respecte pas son tarif, ou s'ils jugent que le tarif est flou, déraisonnable ou discriminatoire.

Mais ce n'est pas une sinécure.

Parlez-en à Gabor Lukàcs, un mathématicien d'Halifax qui a livré de nombreuses batailles devant l'OTC. C'est grâce à lui qu'Air Canada a été forcée d'augmenter ses indemnités en 2013. Désormais, le transporteur verse jusqu'à 800 $ lorsqu'il refuse l'accès à un passager.

Chapeau ! Mais il est absurde que la défense des droits des voyageurs canadiens repose sur les épaules d'un individu.

Le plus bête, c'est que l'OTC rend des décisions en vase clos. L'Office examine les plaintes au cas par cas. Quand il tranche sur une question, il n'a pas le loisir d'établir des sanctions qui s'appliqueraient à l'industrie au complet.

Conséquence : deux voyageurs victimes du même pépin avec deux compagnies aériennes différentes n'ont donc pas droit au même dédommagement, ce qui est parfaitement inéquitable.

Vivement des règles uniformes pour tous les transporteurs ! Espérons que la Charte des voyageurs promise par Ottawa en novembre dernier verra le jour bientôt.

***

Il est grand temps que le fédéral assume son rôle. Il faut une politique simple et claire que l'on pourra diffuser facilement pour informer les voyageurs de leurs droits.

Idéalement, Ottawa devrait imposer l'indemnisation automatique pour les victimes de surréservation. On s'assurerait ainsi que tous les passagers touchent leur dû, sans avoir à entreprendre des démarches.

À défaut, les transporteurs pourraient au moins avoir l'obligation de remettre un formulaire de réclamation aux passagers lésés, précisant les sommes auxquelles ils ont droit.

En attendant, voici quelques conseils simples à propos de la surréservation :

• Si vous voulez monter à bord, enregistrez-vous le plus tôt possible, idéalement par l'internet. Les compagnies aériennes permettent généralement de le faire 24 heures avant votre départ.

• Même si vous êtes déjà enregistré, n'arrivez pas à l'aéroport à la dernière seconde. Il y a des délais à respecter pour l'enregistrement des bagages. Il faut aussi s'assurer d'être à la porte d'embarquement à temps, en considérant l'attente pour la douane et la sécurité.

• À l'inverse, si vous n'êtes pas pressé, songez à céder votre siège pour toucher la prime offerte par le transporteur. Assoyez-vous non loin du comptoir de l'agent qui s'occupe de l'embarquement. Vous serez le premier à pouvoir sauter sur l'occasion.