La Bourse a voté par anticipation, hier. Et plus que jamais, elle a voté contre Trump.

Les indices ont poussé en gros « ouf » de soulagement, au lendemain de l'annonce surprise du FBI voulant qu'aucune accusation criminelle ne serait portée contre la candidate démocrate Hillary Clinton dans le cadre de l'enquête sur ses courriels.

Au dernier jour d'une campagne électorale mélodramatique à souhait, l'indice de la Bourse américaine, le S&P 500, a rebondi de plus de 2 %. Il faut dire que la Bourse était passablement survendue, elle qui venait de glisser durant neuf jours consécutifs, sa plus longue séquence de repli depuis 35 ans.

C'est d'ailleurs la réouverture de l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton, il y a 10 jours, qui avait donné la frousse aux investisseurs. Durant cette période, les marchés financiers ont vu l'avance de Mme Clinton fondre, comme le rapporte le site fivethirtyeight.com.

L'écart des intentions de vote a rétréci de 6 à 3 points pourcentage. Et les probabilités d'une victoire de Donald Trump, qui étaient au plus bas après les trois débats électoraux, ont plus que doublé, passant d'un creux de 12 % à la mi-octobre à 35 % au début de la fin de semaine.

***

Ironique, quand même, de voir les marchés financiers se braquer aussi violemment contre Donald Trump. Le candidat républicain n'a-t-il pas promis des baisses d'impôt colossales pour les plus riches et une déréglementation de la finance qui devrait théoriquement réjouir les bonzes de Wall Street ?

Mais ce que les investisseurs détestent par-dessus tout, c'est l'incertitude. Et à ce chapitre, le candidat républicain leur en donne pour leur argent !

Le personnage est imprévisible. Ses positions manquent de clarté. Lors du dernier débat électoral, il a même refusé de dire s'il contesterait le processus électoral en cas de victoire de sa rivale : « Je vais garder le suspense », a-t-il lancé. Si le suspense est une recette éprouvée à la télévision, visiblement, ce genre d'attente angoissante ne plaît pas aux marchés financiers.

Et bien sûr, les positions de Donald Trump contre le libre-échange et l'immigration font craindre une baisse de la croissance économique mondiale.

Certains commentateurs ont même été jusqu'à prédire un effet « Brexit » à la puissance dix au lendemain d'une éventuelle victoire de Donald Trump. On se souvient que la Bourse de Londres et la livre sterling ont flanché au lendemain de la victoire surprise du camp en faveur du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Mais les investisseurs ne doivent pas s'empêcher de dormir à cause des élections.

***

Primo, les chances de Trump sont en train de fondre, même si l'histoire récente a prouvé qu'on ne peut pas nécessairement se fier aux sondages. Les minorités culturelles plutôt acquises aux démocrates iront-elles voter ? Y aura-t-il de nombreux électeurs qui voteront pour Trump sans l'avoir jamais avoué aux sondeurs ? Ce genre de « joker » pourrait brouiller les cartes.

Secundo, même si Trump remporte la victoire, l'onde de choc pourrait être de courte durée, comme on l'a vu avec le Brexit (la Bourse de Londres s'est relevée à la vitesse de l'éclair, l'économie anglaise résiste bien) ou encore avec le référendum en Grèce (finalement, le refus du plan de sauvetage de l'Europe n'a pas entraîné de grand drame).

Tertio, si Trump devenait président, il y a fort à parier qu'il rencontrerait de la résistance au sein de son propre parti dans la mise en place de ses promesses électorales. Les républicains ont-ils vraiment envie qu'on taille en pièces les accords de libre-échange ?

Mais comme l'opposition au libre-échange a été l'un des rares thèmes qui semblaient faire l'unanimité auprès des électeurs durant la campagne, forçant même Hillary Clinton à adopter une position plus protectionniste, il sera gênant de balayer ça en dessous du tapis après le scrutin, peu importe le parti qui accédera au pouvoir.

***

Par ailleurs, le Congrès américain joue aussi un rôle de soupape de sécurité. Il fait en sorte que le gouvernement américain ne se retourne pas sur un « 10 cents ».

La composition des deux chambres du Congrès reste incertaine. Mais s'il faut en croire les sondages, celui-ci sera divisé : les démocrates ont plus de chances d'obtenir le Sénat, tandis que la Chambre des représentants devrait aller aux républicains.

Dans ce contexte polarisé, plusieurs promesses électorales risquent de tomber au combat. « Le président propose, le Congrès dispose », rappelle Doug Porter, économiste en chef de BMO Marchés des capitaux qui, en passant, n'a aucune intention de modifier ses prévisions selon l'issue du scrutin.

Même si les médias et les marchés financiers n'ont d'yeux que pour les élections américaines, le cycle économique a plus d'impact sur le portefeuille des investisseurs que l'occupant du bureau Ovale, rappelle l'équipe de RBC Gestion de patrimoine.

Pour eux, il n'y a pas de risque de récession à l'horizon. Même si la Bourse monte depuis sept ans, même si les actions sont devenues chères, il y a encore du chemin à faire.

Leur conseil : ne partez pas en peur à cause du résultat des élections. Si ça brasse, ce sera plutôt une occasion d'acheter.