Les années passent et ne se ressemblent pas chez Revenu Québec. L'an dernier, à pareille date, le Protecteur du citoyen avait vertement critiqué les abus du fisc. Avis de cotisation erronés fondés sur de simples présomptions. PME coupables par association à cause de la délinquance de leurs fournisseurs. De quoi donner la frousse aux contribuables !

Le rapport était dévastateur, de l'aveu même du ministre des Finances, Carlos Leitao. « Ça mettait en lumière des situations qui étaient réellement inadmissibles », m'a-t-il raconté, jeudi, alors qu'il s'apprêtait à dévoiler la nouvelle Charte des droits des contribuables et des mandataires, lors du congrès de l'Association de la planification fiscale et financière.

Cette charte est un des éléments clés du plan d'action pondu par la nouvelle équipe de direction qui a pris les commandes de Revenu Québec après la démission de son ancien patron. En un an, le ton a déjà changé chez Revenu Québec. Tout n'est pas parfait - je vous en reparlerai dimanche - , mais on s'en va dans la bonne direction.

La protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, a d'ailleurs salué les efforts du fisc dans son plus récent rapport annuel, présenté la semaine dernière. Moins de plaintes. Plus d'ouverture. Ouf ! Ça contraste avec le langage employé un an plus tôt.

La Charte doit marquer encore plus clairement le changement de culture. Que dit cette charte au juste ? Vous avez le droit d'être informé, entendu, traité avec impartialité... « Des choses très élémentaires, convient M. Leitao. "Common sense", comme disent les Chinois. »

Mais encore faut-il que le message passe à l'interne. Certains pourraient craindre que la nouvelle charte ne soit qu'un beau document de plus qui s'ajoutera au code de déontologie et aux autres grandes déclarations de principes qui n'ont pas empêché le personnel de dépasser les bornes dans le passé.

Comment s'assurer que la Charte sera respectée par les agents du fisc ? « Il y a tout un travail qui se fait pour sensibiliser les employés à l'importance de suivre les principes de la Charte », garantit M. Leitao. Toute la pyramide décisionnelle veille là-dessus.

La Charte comporte aussi certaines nouveautés, comme le droit d'être représenté par la personne de son choix. Voilà qui fera l'affaire de tous ceux qui ne pouvaient pas se payer les services d'un spécialiste pour traiter avec les agents du fisc. Au lieu de se débrouiller tout seuls, ils pourront se faire épauler par une personne de confiance.

Autre innovation : les citoyens qui considèrent que Revenu Québec ne respecte pas leurs droits peuvent maintenant déposer une plainte au Bureau de la protection des droits de la clientèle, une unité neutre et indépendante, sans craindre des représailles de la part de l'agent avec qui ils ont maille à partir.

Ce bureau aura donc un mandat relativement semblable à celui du Protecteur du citoyen. Mais le ministre des Finances le voit comme une « instance de première ligne » pour les contribuables qui se sentent lésés. Ceux-ci auront toujours la possibilité de cogner à la porte du Protecteur si la mésentente persiste.

Toutefois, ni le Bureau ni le Protecteur du citoyen ne peuvent remplacer les tribunaux. Or, les particuliers et les petites entreprises qui veulent contester une cotisation fiscale sont bien mal outillés pour aller en cour. Les services d'un avocat coûtent si cher que plusieurs sont forcés de se défendre seuls... ou d'abandonner carrément.

Dans son plan d'action déposé en janvier dernier, Québec voulait permettre aux entreprises qui ont un litige fiscal de présenter leur cause à la Cour des petites créances. Le gouvernement jongle encore avec l'idée.

La semaine dernière, le Protecteur du citoyen recommandait justement de rehausser la réclamation maximale à 15 000 $, comme on l'a fait en 2015 pour les autres types de litiges aux petites créances. Pour les litiges fiscaux, impossible de contester une cotisation de plus de 4000 $, un seuil qui n'a pas été relevé depuis 20 bonnes années.

En ouvrant les portes des petites créances aux entreprises, les PME pourraient se défendre sans avocat, et ainsi réduire les frais. N'empêche, un procès aux petites créances ne serait pas à armes égales, car le fisc, de son côté, serait défendu par quelqu'un de fort bien outillé.

Pour éviter la judiciarisation coûteuse des litiges, pourquoi ne pas mettre en place un mécanisme de médiation fiscale ? Avec l'arrivée du nouveau Code de procédure civile, l'avenir est à la justice participative. Le fisc devrait emboîter le pas et mettre fin à la culture d'affrontement qui coûte cher pour rien.

L'Association de médiation fiscale, appuyée par l'honorable Louise Otis, spécialiste internationale de la médiation, a déjà présenté un projet qui permettrait de régler les problèmes en amont, avant même qu'un avis de cotisation ne soit expédié.

« Il y a du mérite dans une telle proposition. On continue de regarder ça. C'est toujours d'actualité », m'a répondu M. Leitao.

D'ailleurs, la commission Godbout avait recommandé la mise en place d'un service de médiation. Et devinez ce que fait maintenant le secrétaire de cette commission, Éric Ducharme ? C'est lui qui a été nommé président-directeur général de Revenu Québec.

> Consultez la Charte des contribuables