Les notaires qui en ont marre de voir fondre leurs revenus ont décidé de se syndiquer et de s'affilier à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Sus à la guerre des prix qui ronge les notaires depuis des années. So-so-so, solidarité !

Toute légitime qu'elle soit, cette offensive pour redonner du lustre aux notaires pourrait faire grimper les prix pour les consommateurs.

Lancés au début de 2016, le Syndicat des notaires de Montréal et l'Union des notaires d'ici-Montérégie ont joint leurs forces à l'Association des notaires de Laval, Laurentides et Lanaudière (AN3L).

La semaine dernière, les trois syndicats, qui comptent environ 275 membres, ont annoncé leur alliance avec la FTQ dans un courriel. Par la même occasion, ils invitaient les 4000 notaires du Québec à grossir leurs rangs, car contrairement aux syndicats classiques, l'adhésion et la cotisation de 100 $ par année (une aubaine !) seront facultatives.

« Le notariat est actuellement en crise », indique la lettre qui a atterri dans ma boîte de réception. « Les syndicats ont été créés pour défendre et protéger les intérêts socio-économiques des notaires du Québec. Nous tournerons une page historique en 2016 ! »

À première vue, cette initiative peut ressembler à un désaveu de l'Association professionnelle des notaires du Québec (APNQ), qui regroupe déjà près de 2000 membres. Mais les nouveaux syndicats expliquent qu'ils ont besoin d'une structure légale différente pour faire valoir leurs intérêts.

Pas question de se diviser. « On veut faire un front commun », m'a expliqué Me Roberto Aspri, du Syndicat des notaires de Montréal.

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Mais pourquoi diable les notaires qui pratiquent à leur compte ont-ils besoin d'un syndicat pour défendre leurs intérêts ? Après tout, ils n'ont pas de convention collective à négocier avec leur patron. Ils discutent de leur tarif directement avec leur clientèle.

« Si on considère que nous sommes des officiers publics, notre patron, c'est l'État », m'a répondu Me Robert Jean, de l'Union de la Montérégie.

Les syndicats ont justement l'intention de faire du lobbying auprès des instances gouvernementales pour soustraire les notaires de la Loi sur la concurrence et ramener le tarif obligatoire.

« Nous ne sommes pas des commerçants, mais des commis de l'État. Il ne devrait pas y avoir de concurrence sur les prix », soutient Me Jean.

Jusqu'en 1991, les honoraires des notaires étaient fixés par Québec. Or, bien des notaires cassaient leurs prix, ce qui était bien difficile à contrôler. Finalement, le gouvernement a déréglementé les tarifs pour favoriser la libre concurrence.

Depuis 25 ans, les prix sont en chute libre. Les notaires sont découragés de voir certains confrères demander à peine 825 $ pour une transaction prêt/vente, soit un tiers de moins que d'autres notaires qui exigent environ 1250 $ pour l'achat d'une maison.

On est bien loin des années 70, alors que les honoraires étaient cinq fois plus élevés.

En 1972, un notaire gagnait 950 $ pour une transaction prêt/vente sur une maison de 65 000 $. Avec l'inflation, ces honoraires s'élèveraient à environ 5600 $ aujourd'hui, calcule Me Jean.

Les notaires ne réclament pas un tel tarif. Ils conviennent que les avancées technologiques leur ont permis d'accroître leur productivité. Mais un tarif raisonnable pour une transaction prêt/vente classique se situerait autour de 3000 $, estime Me Aspri.

Ouf ! C'est deux à trois fois le prix actuel. Cela risquerait de freiner le marché immobilier et de miner le budget des ménages qui déménagent ou refinancent leur maison bien plus souvent qu'il y a 40 ans.

Les notaires diront que ce n'est rien par rapport aux 25 000 $ qu'un courtier immobilier empoche à la vente d'une maison d'un demi-million, sans avoir les diplômes et la formation juridique d'un notaire.

C'est vrai. Mais j'ai du mal à croire que Québec prendrait une telle décision, alors que l'heure est à la déréglementation ailleurs dans le monde. En France, par exemple, les émoluments des notaires ont fondu en mai dernier, dans la foulée de l'adoption de la loi Macron.

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N'en déplaise aux notaires nostalgiques des années 70, la solution pour revaloriser la profession est ailleurs.

Les nouveaux syndicats veulent faire des campagnes de sensibilisation pour rétablir l'image des notaires. Bonne idée. Trop souvent, les clients ont l'impression que le notaire ne fait qu'apposer sa signature en bas du contrat, alors qu'il consacre de 17 à 22 heures de travail à un dossier, en moyenne.

Pour redonner au notaire son véritable rôle de conseiller juridique, il faudrait aussi le positionner au début du processus de vente. Présentement, les clients débarquent chez le notaire quand tout est réglé et que le camion de déménagement attend à la porte.

À la place, les consommateurs devraient consulter leur notaire dès l'offre d'achat pour obtenir des conseils à valeur ajoutée et éviter les pièges (ex. : les pénalités de rupture d'hypothèque).

« Dans un sondage que nous avons réalisé l'an dernier, on voit que 75 % des citoyens sont d'accord avec ça, mais que seulement 15 % le font. Ça prouve le défi », dit Me Gérard Guay, président de la Chambre des notaires qui mène actuellement des discussions pour faire bouger les choses.

Les nouveaux syndicats demandent aussi à la Chambre de contingenter davantage la profession, ce qui aurait pour effet de réduire la concurrence. Mais attention, 30 % des notaires ont 55 ans et plus, explique la Chambre.

Il faut une relève, une relève de qualité. Justement, la formation des notaires vient d'être rehaussée. À l'issue d'un baccalauréat en droit de trois ans, les étudiants doivent faire une maîtrise en droit notarial qui dure environ un an et demi.

Espérons qu'ils auront des conditions de travail à la hauteur de leur formation.