Pour la plupart des gens qui rêvent d'acheter une maison, l'assurance prêt hypothécaire est la clé de l'accession à la propriété. C'est l'outil qui permet d'acquérir une résidence sans avoir la mise de fonds de 20 %, un seuil de plus en plus difficile à atteindre avec l'ascension des prix de l'immobilier.

Mais au gré des séparations, des agrandissements ou des déménagements, certains couples se retrouvent à payer la prime à répétition.

François Tardif y a goûté. Il a repayé trois fois la prime en 10 ans. En 2002, l'assurance prêt lui a permis d'acheter sa première maison avec seulement 5 % de mise de fonds. Un coup de main apprécié.

Mais cinq ans plus tard, c'est le divorce. Pour racheter la part de son ex, il doit refinancer son prêt et payer une deuxième fois la prime SCHL.

En 2012, il achète une nouvelle maison avec sa nouvelle conjointe. Mais comme la résidence coûte plus cher, il n'a toujours pas la mise de fonds de 20 %. Zut de zut, il doit payer la prime une troisième fois !

« Mais où va tout cet argent ? », demande-t-il. Est-il normal que des propriétaires paient la prime SCHL à répétition sur une même maison, alors qu'en théorie elle est valide pour toute la durée de l'amortissement du prêt, soit 25 ans ?

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Avant d'aller plus loin, je vous rappelle que l'assurance prêt est obligatoire pour tous les Canadiens qui n'ont pas une mise de fonds d'au moins 20 % de la valeur de la maison. C'est la loi.

L'assurance prêt protège le prêteur contre les risques de défaut de paiement de l'emprunteur. Il ne faut pas la confondre avec l'assurance vie et invalidité - souvent vendue en même temps que l'hypothèque - qui fera les paiements à la place de l'emprunteur en cas de maladie ou de mort.

Dans le monde de l'assurance prêt, la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) est l'acteur le plus connu. Mais deux autres sociétés privées en offrent aussi : Genworth Canada et la Société d'assurance hypothécaire Canada Guaranty.

Ces deux entreprises se distinguent dans des créneaux particuliers (p. ex. : assurance pour les travailleurs autonomes, assurance pour plusieurs maisons à la fois). Mais leurs primes sont exactement les mêmes que celles de la SCHL. Et ce n'est pas donné.

Le taux de la prime, qui dépend de la hauteur de la mise de fonds, varie entre 1,8 % et 3,6 % de la valeur du prêt. Ça grimpe vite ! Pour une maison de 300 000 $, avec seulement 5 % de mise de fonds, vous paierez plus de 10 000 $ de prime.

À ce prix-là, personne n'a envie de payer à répétition. Mais bien des propriétaires n'ont pas le choix.

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Prenons un jeune couple qui a acheté sa première maison il y a quelques années, avec seulement 5 % de mise de fonds. Après la naissance des enfants, la famille veut rénover ou agrandir. Pas le choix de réemprunter.

Pour éviter de payer une nouvelle prime SCHL, le couple pourrait reprendre le capital qu'il a déjà remboursé sur son emprunt. Plusieurs banques permettent de le faire. Mais on peut utiliser cette astuce uniquement au moment du renouvellement du prêt, précise Denis Doucet, porte-parole du courtier hypothécaire Multi-Prêts.

Mais si le couple a besoin de plus d'argent que le montant initial du prêt, il lui faudra contracter un nouveau prêt plus important pour réaliser ses rénovations. Comme le couple a déjà payé la prime SCHL lors de l'achat, il pourrait payer la prime uniquement sur la nouvelle tranche empruntée.

Même principe si le couple déménage dans une maison plus coûteuse. Si le prêteur lui permet de transférer son hypothèque, il pourra « déménager » aussi sa prime SCHL. Mais il devra payer une prime sur le montant excédentaire qui n'a jamais été assuré.

Le problème, c'est que les primes sur la portion refinancée sont beaucoup plus coûteuses que les primes « normales ».

Disons que le nouveau prêt représente 80 % de la valeur de la maison rénovée (le maximum pour un refinancement), la prime s'élèvera à 3,15 % sur la nouvelle tranche empruntée, par rapport à 1,25 % sur un prêt « normal » avec un ratio prêt/valeur de 80 %.

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Si le montant refinancé est relativement élevé par rapport au prêt initial, il devient moins coûteux de repartir de zéro et de payer la prime « normale » sur l'hypothèque au complet. C'est souvent ce qui se produit dans les cas de divorce, où l'un des conjoints refinance la maison à 90 % (le maximum dans les cas de séparation) pour racheter la part de l'autre.

Imaginons Roxane et Jérémie qui ont une hypothèque de 100 000 $. Roxane doit augmenter le prêt de 100 000 $ pour racheter la part de son ex. Dans ce cas, il sera moins coûteux de payer la prime « normale » sur le montant total. Cela lui coûtera 4800 $, au lieu de 4900 $ en payant la prime uniquement sur les 100 000 $ refinancés, a calculé M. Doucet.

Mais il en serait tout autrement pour Claudia et Jean-Philippe qui ont une hypothèque de 150 000 $. Jean-Philippe a besoin de 50 000 $ pour racheter la maison. Dans ce cas, il serait deux fois moins cher de payer la prime sur le montant refinancé (2450 $) plutôt que sur le prêt au complet (4800 $).

C'est au cas par cas. Faites bien vos calculs.

Infographie La Presse

Source : SCHL

Photo Edouard Plante-Fréchette, Archives La Presse

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