L'employé qui scrutera la déclaration de revenus que vous enverrez bientôt à Revenu Québec, si ce n'est déjà fait, est-il parfaitement objectif ? A-t-il des quotas à respecter qui le poussent à peser trop fort sur le crayon ?

Non, non et non ! Revenu Québec s'époumone à dire qu'il n'a jamais imposé de quotas, même si plusieurs jugements récents ont déterminé que certains vérificateurs subissaient beaucoup de pression pour atteindre les cibles de récupération fixées par leur supérieur, souvent établies autour de 1000 $ l'heure. Une vraie patate chaude pour le gouvernement.

Pour dissiper les doutes dans la population, le fisc veut abolir les bonis pour rendement exceptionnel de 3,5 % du salaire que peuvent recevoir près de 4500 employés. On a appris il y a quelques jours que Revenu Québec avait présenté cette demande, en janvier dernier, à la table de négociation avec le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ).

Ces bonis qui sont versés dans l'ensemble de la fonction publique représentent un montant de 1,2 million chez Revenu Québec. Le fisc accorde des bonis à 534 employés, soit 12 % de ceux qui sont admissibles.

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Revenu Québec a beau répéter que ces bonis ne sont pas reliés à des quotas de récupération fiscale, il n'a jamais réussi à clarifier la situation dans la tête du public. Le fisc en est donc venu à la conclusion qu'il valait mieux les abolir.

« Pour nous, la relation de confiance avec les contribuables est primordiale. Si les gens ne croient pas en leur administration fiscale, il y a un gros risque qu'ils ne respectent pas leurs obligations fiscales. On ne veut pas ça. Alors on se devait d'agir », explique Stéphane Dion, porte-parole de Revenu Québec.

Cette initiative s'inscrit dans la lignée du virage lancé en janvier dernier par Revenu Québec, à la demande du ministre des Finances Carlos Leitao, afin de répondre aux critiques très sévères du dernier rapport du Protecteur du citoyen.

En principe, le syndicat ne devrait pas s'opposer trop fort à la disparition de ces bonis instaurés par le gouvernement en 2005. Avec tout le battage médiatique, les agents en ont marre de se faire accuser d'être biaisés. De plus en plus, les contribuables qui les voient débarquer dans leurs bureaux insinuent qu'ils gonflent artificiellement leur facture fiscale, juste pour avoir leur boni.

« Ces bonis-là, on les a toujours critiqués parce qu'il n'y a aucune transparence. Les objectifs ne sont pas identifiables et mesurables de manière ouverte à tous. »

- Richard Perron, président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

Mais évidemment, tout est une question de négociation. Et les employés de Revenu Québec exigent un rattrapage salarial arguant que leur rémunération est 20 à 40 % inférieure à celle de leurs homologues du fédéral.

D'ailleurs, le syndicat mène présentement une tournée de votes de grève qui se terminera autour du 1er mai... juste au moment où les contribuables attendront leur remboursement d'impôt. Mais rassurez-vous, le syndicat jure qu'il n'a pas l'intention de retarder les services à la population.

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Le problème, c'est que même si on s'entend pour abolir les bonis, rien ne garantit qu'il n'y aura plus de quotas ou d'autres formes d'objectifs liées à la récupération fiscale chez Revenu Québec.

C'est justement pour cela que Jean-Yves Archambault, un homme d'affaires injustement ruiné par le fisc, continue de se battre même après avoir remporté sa bataille personnelle contre Revenu Québec.

Au bénéfice de l'ensemble des contribuables, il a présenté cet hiver une requête amendée visant à faire interdire les quotas chez Revenu Québec. En mai prochain, il doit se présenter en cour pour fixer la date du procès d'une quinzaine de jours qui pourrait avoir lieu en 2018.

M. Archambault a déposé en preuve des jugements de tribunaux administratifs dans le cadre de congédiements de vérificateurs de Revenu Québec. Ces dossiers démontrent que les employés ont été remerciés parce qu'ils n'atteignaient pas les objectifs de récupération du fisc.

Par exemple, un nouvel employé n'est pas passé à travers sa période de probation parce qu'il n'arrivait pas à la « norme » de 1200 $ de l'heure pour les vérifications externes et de 2434 $ pour les vérifications internes.

Cela corrobore les conclusions du tribunal dans le dossier de M. Archambault. Le juge avait confirmé que les employés du fisc ont beaucoup de pression pour émettre des avis de cotisation. Chaque service, chaque agent a des quotas de récupération à atteindre. S'il atteint sa cible, l'agent peut grimper d'échelon et augmenter son salaire.

Alors, même s'il n'y a plus de bonis, les quotas (normes, cibles, objectifs, appelez ça comme vous voulez) vont encore influencer les vérificateurs. Rater sa promotion, louper sa permanence ou même perdre son emploi, voilà qui est encore plus convaincant qu'un boni. Voilà qui peut inciter un vérificateur à faire du zèle.

Pourtant, le code de déontologie des vérificateurs stipule qu'ils doivent être impartiaux. Mais apparemment, le système actuel les place en situation de conflit d'intérêts. Revenu Québec devra en faire plus pour rassurer les contribuables.