Que serait un budget sans un petit bonbon pour séduire les contribuables? Ça serait «plate»! Ce n'est pas moi qui le dis, mais un ancien ministre des Finances avec qui je discutais de l'incroyable complexité de notre système fiscal qui se complique davantage à chaque budget.

Dans son troisième budget déposé jeudi, le ministre des Finances Carlos Leitao a heureusement résisté à la tentation d'ajouter ce genre de crédit tape-à-l'oeil... ou presque.

Question de plaire aux propriétaires qui veulent faire des rénovations écoresponsables, il accorde pour un an seulement un crédit baptisé RénoVert, ironiquement calqué sur le modèle du crédit ÉcoRénov offert en 2014 par le Parti québécois.

Les propriétaires qui se lancent dans l'isolation de leur maison ou le remplacement de leur système de chauffage, par exemple, pourront obtenir un crédit remboursable de 20 % qui leur apportera un maximum de 10 000 $ s'ils dépensent 52 500 $, en considérant que le crédit s'applique sur les dépenses excédant 2500 $.

Dépêchez vous: vous avez jusqu'au 1er avril 2017 pour confier le contrat à un entrepreneur.

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À part ça, les particuliers auront beau chercher de nouveaux bonbons dans le budget, il n'y en a pas.

Pour alléger leur fardeau, le gouvernement libéral a préféré s'attaquer à des mesures qu'il a lui-même inventées, mais qui soulèvent la grogne populaire.

Ainsi, Québec donne un peu de lest aux familles dont les enfants fréquentent une garderie subventionnée. Depuis 2015, les familles «riches» qui gagnent plus de 50 000 $ par an doivent payer un excédent lorsqu'elles font leur déclaration de revenus.

Un choc pour les parents qui n'ont pas mis des centaines, voire des milliers de dollars de côté.

Se rendant à leurs doléances, Québec réduit de moitié la contribution excédentaire pour un deuxième enfant à la garderie. 

Mais dans les grandes lignes, une famille qui gagne 100 000 $ paie 11,41 $ par jour pour son premier enfant, soit un extra d'environ 4 $ par jour, ou 748 $ par année. Pour le deuxième enfant, l'extra ne sera que de 2 $. Cela réduira leur facture annuelle de 374 $.

La mesure étant rétroactive à 2015, les parents en verront les effets dans leur prochaine déclaration. Mais comme les formulaires et les logiciels d'impôt sont déjà prêts, les parents devront remplir leur déclaration en tenant compte des anciennes règles.

Québec ajustera leur avis de cotisation et fera suivre l'information à Ottawa qui devra aussi faire des ajustements. 

Bonjour la confusion! Les parents et les comptables auront du mal à suivre. 

Québec fait aussi marche arrière sur la contribution santé, critiquée depuis le premier jour. Québec avait déjà annoncé son abolition graduelle l'an dernier. Voilà qu'il devance ses plans d'un an. La facture baissera dès 2016, comme le démontre le graphique préparé par Stéphane Leblanc, CPA et fiscaliste associé chez EY. 

Les contribuables qui gagnent moins de 41 000 $ environ seront complètement débarrassés de la taxe en 2017. Les autres devront attendre en 2018, soit un an plus tôt que prévu.

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Sans réinventer la roue, le budget a aussi bonifié certaines mesures fiscales destinées aux personnes sans enfants, souvent oubliées dans les derniers budgets.

Ainsi, Québec va bonifier la prime au travail qui aide les gens à franchir le mur de l'aide sociale. Cette prime, qui diminue quand les revenus augmentent, fondra un peu plus lentement, ce qui apportera jusqu'à 161 $ de plus à une personne seule ou 251 $ à un couple sans enfant.

Québec augmentera aussi l'accessibilité du «bouclier fiscal», une invention de la commission Godbout qui est entrée en vigueur cette année. Cette mesure permet aux gagne-petit de travailler davantage sans laisser une portion déraisonnable de leur augmentation de salaire au fisc.

En outre, le gouvernement a peaufiné son crédit d'impôt aux travailleurs expérimentés qui pourront recevoir un coup de main s'ils restent sur le marché de travail à partir de 62 ans, plutôt que 65 ans.

Fort bien. Mais il ne s'agit là que de changements mineurs à des mesures existantes. Rien de révolutionnaire. Rien de vraiment structurant.

Les recommandations les plus audacieuses de la commission Godbout, mandatée par le gouvernement libéral pour pondre une grande réforme de notre fiscalité, restent sur les tablettes. Aux oubliettes la baisse de l'impôt des particuliers en échange d'une hausse de la taxe de vente! Pourtant, le moment aurait été propice à un tel changement, car la faiblesse du huard rend les emplettes aux États-Unis beaucoup moins attrayantes.

Malheureusement, il faudra aussi attendre pour le grand ménage dans les trop nombreuses mesures fiscales qui compliquent indûment nos impôts.

Meilleure chance la prochaine fois!

Don: parfait pour P.K. Subban!

Québec bonifie son crédit d'impôt pour dons de bienfaisance. Le taux du crédit reste à 20 % sur la première tranche de 200 $, mais il grimpe de 24 % à 25,75 % sur l'excédent dans la mesure où le contribuable est imposé au taux marginal le plus élevé du Québec. En outre, Québec élimine le plafond qui fait en sorte qu'on ne peut demander un crédit pour un don dépassant 75 % de son revenu net. En pratique, moins de 1 % des contribuables ont les moyens de donner plus des trois quarts de leurs revenus, si bien que ce changement profitera à peu de donateurs... sauf peut-être P.K. Subban!

Fonds de travailleurs

Pour donner un coup de main supplémentaire à Fondaction, Québec maintiendra pour encore deux ans la bonification de son crédit d'impôt à 20 %, alors que le Fonds de solidarité FTQ donne droit à un crédit de 15 % de Québec (sans compter le crédit fédéral qui doit remonter à 15 %). Puisque le Capital régional et coopératif Desjardins a acquis sa vitesse de croisière, Québec réduit de 45 % à 40 % le crédit que les investisseurs reçoivent lorsqu'ils investissent dans ce fonds de capital de risque.