Je vous jure que ce n'est pas de la science-fiction. Les conseillers robots ont bel et bien posé leurs orteils métalliques sur les parquets boursiers. Et ils pourraient bousculer l'industrie financière, de la même manière qu'Expedia a déjà révolutionné l'univers du voyage.

Rassurez-vous, il ne s'agit pas de vrais robots, mais de plateformes automatisées sur l'internet qui vous permettent de construire un portefeuille de placements à faibles coûts.

Aux États-Unis, la formule fait déjà fureur. Les conseillers robots ont vu leurs actifs exploser de 210 % l'an dernier, selon Aite Group. Et ce n'est qu'un début, car leurs 50 milliards US d'actifs ne représentent encore qu'une infime portion de l'industrie de la gestion de patrimoine (20 000 milliards US).

Au Canada, plus d'une douzaine de conseillers robots ont fait leur apparition depuis un an et demi, dont une demi-douzaine offre des services au Québec. Quelques banques se sont mouillées, dont la Banque Nationale avec InvestCube et BMO avec ses portefeuilles futés, lancés en janvier dernier.

Mais ce sont surtout des firmes indépendantes qui se lancent dans l'aventure, apportant un agréable vent de fraîcheur. Parmi les nouveaux acteurs, on peut citer la firme de Vancouver WealthBar qui offre un service bilingue avec une conseillère au Québec, ou encore la société montréalaise Placements Idema.

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Si les conseillers robots sont si prometteurs, c'est qu'ils offrent une formule simple, systématique, transparente et surtout bon marché. De quoi ravir la clientèle moins fortunée, qui doit souvent payer très cher de maigres conseils.

Si vous avez moins de 250 000 $, il y a bien des chances que vous soyez dans une succursale bancaire, chez un courtier ou un planificateur financier qui investit votre argent dans des fonds communs qui vous coûtent environ 2,25 % par année. Ces frais dévorent facilement le tiers de vos rendements. Insensé !

Les investisseurs plus dégourdis peuvent s'en tirer pour 10 fois moins cher en achetant des fonds négociés en Bourse (FNB), dont les frais annuels oscillent autour de 0,25 %. Mais ils doivent ouvrir un compte chez un courtier internet, faire un choix parmi les centaines de FNB disponibles, rééquilibrer leur portefeuille régulièrement. Pas à la portée de tous.

C'est ici que les conseillers robots entrent en scène. Utilisant les populaires FNB, ils construisent un portefeuille pour les investisseurs qui n'ont pas envie de se casser la tête.

Après avoir déterminé votre profil d'investisseur, ils répartissent vos actifs dans une brochette de FNB qui correspondent à vos besoins. Puis ils rééquilibrent votre portefeuille régulièrement, une opération essentielle qui permet de garder le portefeuille à votre mesure. Et de bonifier vos rendements à long terme.

Les conseillers robots exigent des honoraires variant de 0,4 à 0,7 % selon les actifs du client. En ajoutant les frais des FNB sous-jacents, l'investisseur peut s'en tirer avec des frais de 0,75 % par année pour un portefeuille de 50 000 $.

Pas mal moins que les 2,25 % des fonds communs ! À long terme, cela représente des économies de dizaines de milliers de dollars.

N'empêche, j'aurais aimé voir des conseillers robots aussi abordables qu'aux États-Unis. Là-bas, les chefs de file Wealthfront et Betterment exigent à peine 0,15 % ou 0,25 %, tandis que Charles Schwab offre ses services gratuitement, faisant son argent uniquement avec les frais de gestion très concurrentiels de sa famille de FNB.

Mais qui sait, les Canadiens profiteront peut-être d'une guerre de prix, comme on l'a vu dans le courtage direct lorsque des acteurs indépendants sont venus bousculer notre oligopole bancaire. Il est permis d'espérer.

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Et les rendements ? Et le service ? Les conseillers robots sont-ils à la hauteur ?

Il est encore tôt pour juger. Mais pour vous donner une idée, les conseillers robots ont livré des rendements variant entre -3 % et 10 % en 2015, alors que la Bourse canadienne a perdu 8 %. On constate donc que leur approche de placement systématique combinant la gestion passive des FNB à une saine répartition d'actifs permet d'esquiver les accidents de parcours.

C'est un peu comme monter à bord d'une voiture Google. Les passagers ne risquent pas de prendre le champ à cause d'une étourderie ou d'un accès de rage du conducteur. Même si certains sont quand même réticents de rouler sur le pilote automatique.

Il en va de même pour les investisseurs pour qui la gestion automatisée est une excellente façon de se protéger d'eux-mêmes, de leurs émotions, de leur paresse, de leurs erreurs.

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Évidemment, les robots ne peuvent pas tout faire. La planification financière comporte des éléments plus complexes qui peuvent difficilement être traités par un algorithme.

Toutefois, certains conseillers robots ont des employés au bout du fil pour épauler la clientèle. Par exemple, le service « Concierge » de WealthSimple pourra aider un étudiant à refinancer ses dettes afin de réduire ses intérêts.

Par contre, d'autres robots n'offrent pas du tout de conseils personnalisés, ce qui laissera sur sa faim la clientèle plus fortunée qui cherche des conseils financiers sur mesure.

Si vous êtes un investisseur plus nanti, il y a moyen de trouver un courtier traditionnel qui gérera vos actifs moyennant des honoraires d'environ 1,5 % pour 500 000 $ ou 1 % pour un million de dollars (en calculant les actifs de toute la famille).

Oui, c'est plus cher qu'un conseiller robot. Mais cela vaut peut-être le coût si votre conseiller vous traite aux petits oignons, s'il vous procure de solides rendements et une planification financière complète (retraite, succession, fiscalité, assurance, etc.).

Par contre, si votre conseiller ne vous appelle qu'une fois par année, il est temps de vous demander s'il mérite sa paie. D'ailleurs, à partir de l'été prochain, les investisseurs recevront un relevé de compte détaillant tous les frais qui leur sont facturés. Et qui étaient jusqu'ici un peu cachés. Quand ils verront ce montant exprimé en dollars, certains investisseurs risquent d'avoir un choc qui pourrait les convaincre d'aller voir un robot.