Chose promise, chose due. En février dernier, je vous écrivais que j'avais 20$ pour tout le monde (ou presque). Depuis neuf mois, bien des lecteurs inquiets m'ont demandé si cette histoire était de l'arnaque. Pas du tout! D'autres, impatients, désespéraient de recevoir l'argent.

Mais voilà: ça y est! Vos 20$ s'en viennent d'ici la fin de l'année, comme prévu. Si tout va rondement, vous recevrez votre chèque par la poste comme cadeau de Noël.

Près de 900 000 Canadiens se partageront ainsi près de 24 millions de dollars. Cet argent découle du règlement d'un imposant recours collectif contre une série de fabricants de mémoire vive dynamique (D-RAM) qui auraient fixé le prix de cette composante électronique entre 1999 et 2002, gonflant ainsi les prix payés par les consommateurs canadiens.

Comme on trouve de la D-RAM dans une tonne d'appareils, le recours avait une très large portée. Option consommateurs, qui parrainait le dossier, a donc lancé une campagne médiatique sans précédent pour s'assurer que les victimes fassent une réclamation.

C'était crucial, car les avocats vous diront que seulement de 10 à 20% des consommateurs vont chercher leur dû quand ils doivent faire des démarches dans un recours collectif.

Bonne nouvelle: l'offensive a porté ses fruits. Le taux de réclamation dépasse 90%, au-delà des espérances les plus folles d'Option consommateurs. «Quand on a vu les chiffres grimper, on a même eu une petite frousse: ça aurait pu passer de l'autre côté», m'a avoué la conseillère juridique Sylvie de Bellefeuille.

Dans ce cas, il aurait fallu verser moins que 20$. Heureusement, l'organisme n'a pas eu à se pencher sur ce beau problème, puisque le recours collectif arrive pile sur son objectif.

En fait, le recours prévoyait le versement de 50 millions, divisés entre trois groupes distincts. Les consommateurs finaux avaient droit à 25 millions, les fabricants de matériel électronique à 15 millions et les autres acheteurs (ex.: les détaillants), à 10 millions.

Les consommateurs finaux comme vous et moi pouvaient se prévaloir d'une procédure simplifiée pour obtenir une somme forfaitaire de 20$.

L'administrateur NPT RicePoint a reçu plus de 1,1 million de demandes de cette nature. Il en a écarté plusieurs: des doublons, des envois massifs de la part de fraudeurs étrangers. Au final, l'écrémage a ramené à 879 627 le nombre de réclamations valides. Les sommes remises s'élèveront donc à 23,8 millions, soit 95% de l'argent disponible.

La semaine dernière, la Cour supérieure du Québec a donné le feu vert à la distribution des chèques. Toutefois, l'approbation reste conditionnelle à celle des tribunaux d'autres provinces. Mais comme les requêtes n'y sont pas contestées, il serait surprenant que ça accroche.

En bout de piste, l'opération a été un franc succès dont il faudra s'inspirer à l'avenir.

Parmi les bons coups à retenir, soulignons le fait d'avoir permis de réclamer une somme fixe de 20$, sans preuve d'achat.

Il est vrai que certains ont pu tricher. Mais personne n'aurait réclamé si on avait exigé des factures pour des produits achetés il y a 15 ans.

Il est vrai, aussi, que cette méthode fait en sorte que bien des consommateurs seront surcompensés.

Devinez combien vous auriez dû acheter de matériel pour avoir droit à un dédommagement de 20$ si on avait tenu compte de la quantité de D-RAM que vous avez véritablement achetée? Deux ordinateurs, deux imprimantes, deux consoles de jeux vidéo, deux lecteurs DVD, deux assistants personnels numériques, quatre lecteurs MP3 et trois enregistreurs vidéo numériques. Tout ça en trois ans!

Aurait-il été plus équitable d'y aller à la pièce? Peut-être. Mais personne n'aurait réclamé pour 2 ou 3$.

Il faut également souligner l'impact de la campagne de sensibilisation qui a permis de rejoindre le grand public à travers la télévision, la radio et les médias sociaux. Évidemment, l'ampleur du recours permettait de dépenser 3 millions de dollars en relations publiques, ce qui ne serait pas envisageable pour d'autres recours.

Mais quand on se contente de publier des avis ternes comme des pierres tombales dans les journaux, on rate la cible.

D'ailleurs, la Cour suprême et la Cour d'appel du Québec ont déjà souligné l'importance de publier un avis clair, tant dans la forme que dans le contenu, diffusé de façon à atteindre le plus de gens possible.

Aujourd'hui, trop de consommateurs ne sont pas au courant des recours qui les intéressent. Certains arrivent aux petites créances et sont tout ébahis d'apprendre que leur cause fait déjà l'objet d'un recours. D'autres passent tout droit, car ils n'ont pas eu connaissance du processus de réclamation.

Il existe pourtant des registres qui répertorient les recours collectifs. Mais ils ne sont pas toujours exhaustifs ou à jour. Et ils ne sont pas conçus pour le grand public.

Avec l'entrée en vigueur du Code de procédure civil, en janvier prochain, le registre sera plus complet. Mais on pourrait aller beaucoup plus loin, en rendant le registre visuellement plus attrayant, en mettant systématiquement le lien vers le formulaire de réclamation, en permettant aux membres d'un recours de s'inscrire à un système d'alerte, en disséminant l'information sur les réseaux sociaux.

Bref, en mettant l'accent sur les recours qui arrivent au stade de la réclamation, soit le moment crucial où les consommateurs doivent passer à l'action.

Vivement un registre qui donne vraiment un coup de main aux justiciables!

RECOURS COLLECTIF D-RAM: D'EXCELLENTS TAUX DE RÉCLAMATION



Volet Sommes à distribuer Réclamations approuvées Taux de réclamation

Consommateurs finaux 25 000 000$ 23 759 525$ 95%

Fabricants de matériel électronique 15 000 000$ 13 879 577$ 93%

Autres acheteurs (ex. : détaillants) 10 000 000$ 8 123 878$ 81%

Total 50 000 000$ 45 762 980$ 92%

Source : Requête pour approbation de la distribution des fonds