Petite devinette pour vous. Qu'est-ce qui vous force à cracher régulièrement des milliers de dollars ? Qui vous impose des intérêts de plus de 17 % si vous passez tout droit ? Non, ce n'est pas votre carte de crédit ! Quoi alors ? Les acomptes provisionnels, qui sont la bête noire de bien des travailleurs autonomes et retraités.

En fait, tous les contribuables qui ne paient pas d'impôts à la petite semaine doivent verser des acomptes au fisc, soit quatre versements trimestriels dus le 15e jour des mois de mars, juin, septembre et décembre. Si vous l'aviez oublié, la prochaine échéance tombe dans deux jours.

1. QUI DOIT VERSER DES ACOMPTES ?

Vous devez verser des acomptes si vos impôts excèdent de 1800 $ vos retenues à la source, pour l'année courante et pour l'une des deux années précédentes. Pour les Québécois, la règle est la même au fédéral et au provincial.

2. QUELS REVENUS SONT CONSIDÉRÉS ?

Tous vos revenus imposables entrent dans les calculs : salaire, rente, gain en capital, revenu d'intérêt, dividende, même le remboursement de la pension de la sécurité de la vieillesse (PSV).

3. ET LES COTISATIONS SALARIALES ?

Si vous devez en payer, Québec ajoutera à vos acomptes les cotisations au Régime de rentes du Québec (RRQ), au Fonds des services de santé, au régime d'assurance médicaments du Québec et au Régime québécois d'assurance parentale.

Bien sûr, les travailleurs autonomes doivent payer en double, car ils assument aussi la part de l'employeur. Une facture qui peut s'élever à plusieurs milliers de dollars par année.

4. QUAND SEREZ-VOUS AVERTI ?

« Pourquoi n'ai-je reçu aucun signe ou plutôt aucune lettre avec mon avis de cotisation ? », me demande une lectrice qui a reçu une lettre de l'Agence du revenu du Canada, il y a à peine quelques semaines, lui demandant de verser un acompte dès septembre.

Normalement, le fisc expédie deux rappels par année, soit en février pour les versements de mars et juin, puis en août pour les versements de septembre et de décembre.

Mais si 2014 était la première année pour laquelle vos impôts dépassaient de 1800 $ vos retenues à la source, vous n'aviez pas à faire de versement en mars et en juin de cette année. Mais il faudra vous rattraper, car le fisc vous demandera d'acquitter tous vos acomptes de l'année dans les deux derniers versements, soit en septembre et en décembre.

Cela donne un fameux choc aux travailleurs autonomes qui entament leur deuxième année en affaires, constate Benoit Girard, du cabinet Bouchard Girard CPA. En avril, ils doivent payer tous leurs impôts de l'année précédente, ce qui peut être très lourd s'ils n'ont rien mis de côté. Et dès l'automne, ils doivent payer à nouveau les impôts d'une année entière.

« Ils doivent payer leurs impôts deux fois de suite, résume M. Girard. C'est très difficile. Il faut beaucoup de discipline. »

La clé, c'est de prévoir. À cet égard, il serait fort utile que le fisc avertisse les contribuables dans leur avis de cotisation. À défaut, votre comptable devrait vous fournir une estimation de vos acomptes de septembre et décembre, en même temps qu'il fait votre déclaration de revenus.

5. ET LE FRACTIONNEMENT DES REVENUS ?

Comme si la fiscalité n'était pas déjà assez compliquée, Ottawa et Québec ont adopté une approche différence quant au fractionnement de revenu qui permet aux couples de retraités de réduire leurs impôts.

Ottawa permet de tenir compte du fractionnement de revenus pour établir vos acomptes provisionnels. Plus précisément, le conjoint cédant peut tenir compte de la réduction d'impôt découlant du fractionnement. Toutefois, le conjoint qui reçoit les fruits du fractionnement devra aussi le considérer dans ses acomptes, comme l'explique le fiscaliste André Boulais dans son guide Réduisez vos impôts.

Mais Québec ne considère pas le fractionnement dans le calcul des acomptes. « C'est absurde ! », s'exclame Luc qui n'a aucun impôt provincial à payer, mais qui doit quand même faire quatre acomptes de 1500 $ chaque année. En avril, le gouvernement lui retourne les 6000 $ après avoir reçu sa déclaration de revenus. Absurde, en effet. Québec devrait s'harmoniser avec Ottawa.

6. PEUT-ON VERSER MOINS ?

Si vous ne voulez pas d'ennuis, versez la somme calculée par le fisc. Point. Mais si vous jugez que vous aurez beaucoup moins d'impôts à payer cette année (exemple : vos revenus de l'an dernier étaient anormalement élevés), vous pouvez utiliser deux autres méthodes de calculs.

Mais gare aux erreurs ! Si vous vous trompez, le fisc vous collera des intérêts et des pénalités salées.

7. PEUT-ON ATTENDRE LA FIN DE L'ANNÉE POUR VERSER LES ACOMPTES ?

« Si mon seul contrat de l'année arrive en octobre, dois-je quand même faire des versements tout au long de l'année, avec de l'argent que je n'ai pas encore gagné ? », me demande Michèle.

Il est important de payer CHACUN des acomptes à temps, même si cela peut causer des problèmes de liquidité aux travailleurs qui ont des revenus très variables. Si vos acomptes s'avèrent insuffisants, le fisc imposera des intérêts qui seront calculés sur la somme manquante à partir du jour où l'acompte était dû.

8. COMMENT FONCTIONNENT LES PÉNALITÉS ?

Québec est beaucoup plus gourmand. Il exige 6 % d'intérêts, plus 10 % de pénalité si vous avez versé moins que 75 % de chacun des acomptes requis (et non 75 % du montant requis pour l'année entière). Comme ces intérêts sont capitalisés quotidiennement, le véritable taux dépasse 17 % par année.

C'est exorbitant ! Surtout quand on compare avec le fédéral. De son côté, Ottawa réclame des intérêts de 5 % ou 7,5 % si les intérêts à payer excèdent 1000 $.

9. COMMENT RÉDUIRE LES ACOMPTES ?

Cotisez à vos REER ou encore faites rehausser vos prélèvements à la source (PSV, RRQ, revenus d'emploi ou de retraite). Cela réduira l'impôt à payer à la fin de l'année, et vos acomptes provisionnels du même coup.

10. COMMENT RÉDUIRE LES INTÉRÊTS ET LES PÉNALITÉS ?

Vous êtes en retard sur vos acomptes provisionnels ? Versez vos prochains acomptes plus rapidement ou versez une somme plus élevée. Cela permettra de diminuer ou d'éliminer les intérêts sur le montant en souffrance.

Vous n'avez pas assez d'argent pour vos acomptes ? Payez Québec en priorité, puisque les intérêts sont plus élevés. Versez au moins 75 % de la somme, pour éviter la pénalité additionnelle. Au pire, empruntez. Cela pourrait vous revenir moins cher que des dettes fiscales à 17 %.