Québec s'apprête à célébrer un grand mariage sur l'autel de la rigueur budgétaire. Dès lundi, les consultations débuteront à propos de la fusion de la Régie des rentes du Québec (RRQ) et de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (CARRA).

La RRQ s'occupe des rentes de l'ensemble des travailleurs du Québec, tandis que la CARRA gère les régimes de retraite des fonctionnaires provinciaux. Leur regroupement devrait donner naissance à «Retraite Québec» et générer des économies de 20 millions par année.

>Tant mieux pour les économies. Mais Québec ne devrait pas se contenter de brasser les structures, comme le projet de loi 58 le laisse entrevoir.

Le gouvernement devrait saisir l'occasion pour niveler par le haut et bonifier la qualité des services aux prestataires, comme le réclame l'Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP).

Les délais de traitement et les erreurs administratives de la CARRA ne sont un secret pour personne. La Protectrice du citoyen les a dénoncés à plus d'une reprise. Elle a même conseillé aux bénéficiaires de ne pas se fier aveuglément aux informations transmises par la CARRA. Épeurant!

Les médias ont souvent fait état des terribles bourdes de la CARRA qui bouleversent les finances des retraités sans reproches. L'an dernier, je vous ai raconté l'histoire de Lise, 70 ans, qui s'est retrouvée avec une dette artificielle de 15 000$ à cause d'une bête erreur de calcul de la CARRA.

Lise est loin d'être seule. Des milliers de retraités ont vu leur rente réduite après coup et se sont vus forcés de rembourser à la CARRA des sommes versées en trop.

La semaine dernière encore, j'ai discuté avec deux victimes des erreurs de la CARRA.

Je vous parle d'abord de Michel Pellerin, qui se débat présentement avec une «dette» de 18 000$ parce que la CARRA s'est trompée sur la date du début de sa retraite. Lui ne s'est rendu compte de rien, car le formulaire envoyé par la CARRA pour confirmer ses choix de rente mentionnait la bonne date, à cinq endroits.

La CARRA n'a découvert le pot aux roses que 29 mois plus tard, quand M. Pellerin a téléphoné pour une autre raison. On lui a alors appris qu'il devait 10 000$, puis 15 000$, puis finalement 18 000$.

À chaque appel, il parlait à des personnes différentes qui lui donnaient des avis divergents. Même par écrit, les communications n'étaient jamais claires.

«Ils reconnaissent qu'ils m'ont causé des préjudices. Mais ils ne veulent pas me donner de dédommagement», déplore M. Pellerin, qui aurait été prêt à rembourser la somme, moyennant une certaine compensation.

Mais la CARRA ne bouge pas d'un pouce. Selon sa loi, elle doit récupérer toutes les sommes versées en trop, peu importe la raison. Au diable l'imputabilité!

C'est une question d'équité envers les autres participants du régime, se défend la CARRA.

Équité, je veux bien. Mais une panoplie d'autres ministères acceptent d'effacer une dette qui découle d'une erreur administrative impossible à détecter par le contribuable, comme le rapporte le mémoire de l'AQRP. On parle ici de l'assurance parentale, de l'aide sociale, de l'aide financière aux études, du soutien aux enfants... et même des rentes de la RRQ.

Autrement dit, lorsque la RRQ commet une erreur qui cause un préjudice à un bénéficiaire, sa loi lui permet de faire preuve de gros bon sens et d'accorder une remise de dettes.

Pourquoi ne pas donner la même latitude à la CARRA? La Protectrice du citoyen en a déjà fait la recommandation. Mais rien n'a changé depuis cinq ans.

Le temps est venu de passer aux actes.

Si on fusionne la CARRA et la RRQ, je vois mal comment on pourrait justifier que deux bénéficiaires soient traités différemment lorsqu'ils sont victimes d'une erreur administrative de la part d'un seul et même organisme. Ce ne serait pas équitable.

Parlons maintenant du cas de Nicole Beaulieu, qui a été mal informée par les préposés de la CARRA. La dame qui a travaillé 13 ans dans le réseau de la santé avait demandé le transfert de sa rente dans un compte de retraite immobilisé (CRI) dans les années 90. Lorsqu'elle est revenue travailler au gouvernement, elle a voulu remettre l'argent du CRI dans le régime, ce qui lui aurait permis de bonifier sa rente de retraite.

Mais les employés de la CARRA lui ont dit que c'était impossible. Ce n'est qu'après avoir quitté le gouvernement de nouveau qu'un cadre supérieur de la CARRA a fini par lui avouer que le transfert était faisable... mais qu'il était trop tard, car elle n'était plus employée de l'État.

La dame a présenté son dossier au comité de réexamen de la CARRA, puis au tribunal d'arbitrage. En vain. Ces deux instances sont impuissantes. Elles ne peuvent pas renverser la vapeur quand la CARRA a commis une erreur administrative. Ce n'est pas dans leur mandat.

Ces instances en viennent ainsi à perdre leur acuité, voire leur raison d'être, estime l'AQRP.

De leur côté, les citoyens mécontents de la RRQ peuvent se rendre devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ), ce qui favorise «un jugement plus impartial et équitable», estime l'AQRP.

Tant qu'à fusionner la RRQ et la CARRA, pourquoi ne pas utiliser le TAQ pour tous les bénéficiaires? Il serait plutôt étrange de maintenir un système de gestion des plaintes à deux vitesses.