On n'a pas encore posé la première pierre du futur pont Champlain que déjà, j'imagine les vagues que l'application du péage va provoquer. Jetez seulement un coup d'oeil aux deux ponts à péage apparus au Québec depuis quatre ans.

Évidemment, ça coûte cher aux utilisateurs. De plus en plus cher, car les tarifs ont beaucoup augmenté.

Sur le pont de l'A30, il faut compter 2,40 $ par passage. À la fin de l'année, la facture s'élèvera à près de 1300 $ pour un utilisateur qui le traverse matin et soir, cinq jours semaine, en incluant les frais administratifs liés au transpondeur.

Les coûts sont encore plus élevés du côté de l'A25. Le passage unique vient de grimper à 3,16 $ en période de pointe. Mais sans transpondeur, le véritable tarif est de 8,42 $ en incluant des frais administratifs qui font d'ailleurs l'objet d'un recours collectif.

Pour une année entière, les coûts du péage frôlent 1700 $ pour un utilisateur habituel, en ajoutant les frais du transpondeur visés par un deuxième recours collectif.

Mais ce sont surtout les méthodes de recouvrement cavalières qui me font sourciller. En tant que partenariat public-privé (PPP), les gestionnaires de ces ponts puisent à la fois dans l'arsenal du public et du privé pour se faire rembourser.

« Le gouvernement a donné à peu près toutes les cordes possibles à ces gestionnaires pour récupérer de n'importe quelle façon les sommes auprès des consommateurs », dénonce Philippe Viel, porte-parole de l'Union des consommateurs qui a reçu des centaines de plaintes contre l'A25. La semaine dernière encore, il discutait avec un consommateur harcelé par l'agence de recouvrement de l'A25, à qui il doit près de 5000 $.

Loin de moi l'idée de voler à la défense des mauvais payeurs. S'il y a un péage, il faut s'assurer que tout le monde paie. Mais tout est dans la manière...

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Guy Francoeur n'a pas encore digéré son dernier passage sur le pont de l'A30.

Le résidant de Salaberry-de-Valleyfield emprunte occasionnellement le pont Serge-Marcil pour se rendre à Vaudreuil-Dorion. Fin juin, il se présente à la guérite. Zut ! Pas de monnaie. Comble de malheur, il a oublié sa carte de crédit. Et les cartes de débit ne sont pas acceptées.

Le caissier n'a pas le choix. Il lui remet une réclamation de 8,50 $, incluant des frais de recouvrement de 5,30 $ plus taxes. Re-zut !

À son retour de vacances, deux semaines plus tard, M. Francoeur tombe à la renverse. Le ministère de la Justice lui a envoyé une amende de 234 $. Re-re-zut !

« Je me retrouve à payer presque 100 fois le montant qui était dû lors de mon passage », se désole-t-il. Pourquoi une telle facture, si vite et sans aucun rappel ? C'est assez raide, merci !

Mais c'est le procédé habituel d'A30 Express. Les automobilistes qui traversent sans payer disposent d'un délai de grâce de deux jours ouvrables, comme le précise en petits caractères l'avis remis par le caissier. À défaut de quoi, « une poursuite pénale pourra être intentée sans autre avis ni délai », stipule aussi l'avis.

Mais on est dans le vague et le conditionnel. 

Ce serait beaucoup plus convaincant si l'avis prévenait les conducteurs, en gros caractères, qu'une amende de 234 $ leur sera expédiée dès l'expiration du délai de 48 heures.

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Cela dit, les problèmes sont bien pires du côté de l'A25 qui relie Montréal et Laval.

Depuis l'ouverture du pont en 2011, Québec a signifié 10 137 constats d'infraction pour un total de 2,4 millions à des automobilistes qui n'ont pas acquitté les frais de péage, contre seulement 118 constats pour 27 500 $ depuis l'ouverture du pont de l'A30 en 2012.

C'est qu'il n'y a pas de guérite sur le pont de l'A25. Les conducteurs sans transpondeur reçoivent une facture par la poste. Ils ont 30 jours pour payer. Sinon, ils reçoivent un autre avis avec des frais de recouvrement de 31 $.

Après un autre délai de 30 jours, la Concession A25 peut déclencher une amende de 234 $, en vertu du Code de la sécurité routière. S'il ne paie toujours pas, le conducteur peut alors s'attirer des ennuis terribles, comme la suspension de son permis de conduire et la saisie de son véhicule.

En matière de recouvrement, c'est l'arme nucléaire du gouvernement !

Mais en tant que PPP, l'A25 peut aussi utiliser les armes du privé. Et elle le fait. Avant d'envoyer le rapport d'infraction, elle « donne une chance » aux mauvais payeurs en confiant leur dossier à une agence de recouvrement.

Mais ces agences ne font pas dans la dentelle. L'Union des consommateurs ne compte plus les cas de menaces et de harcèlement.

Pour être payée, Concession A25 pourrait même inscrire la créance au dossier de crédit du client, ce qui détruirait sa cote de crédit et l'empêcherait d'obtenir un prêt par la suite. C'est l'arme nucléaire du privé !

Mais l'entreprise jure qu'elle ne le fait pas... pour l'instant. Ce serait le comble !

Chose certaine, les automobilistes n'ont pas le choix de payer. Ceux qui n'en ont pas les moyens devraient contacter directement Concession A25 pour étaler leurs paiements, conseille M. Viel.

Et ceux qui sont victimes de harcèlement devraient se plaindre à l'Office de la protection du consommateur et au ministre des Transports.

Mais tout cela n'est pas de très bon augure pour le futur pont Champlain. Avec une guérite, on aura une congestion monstre. Et sans guérite, bonjour les problèmes de recouvrement !

INFOGRAPHIE LA PRESSE

PHOTO OLIVIER JEAN, Archives LA PRESSE

Sur le pont de l'A30, il faut compter 2,40 $ par passage. À la fin de l’année, la facture s’élèvera à près de 1300 $ pour un utilisateur qui le traverse matin et soir, cinq jours semaine, en incluant les frais administratifs liés au transpondeur.