À la radio et sur l'internet, les courtiers en prêts ne se gênent pas pour annoncer des prêts usuraires habilement déguisés.

- Assez du froid? Obtenez facilement un prêt pour vos prochaines vacances au soleil, claironne l'un.

- Un prêt rapide de 700$ remboursé en quatre mois sans enquête de crédit, assure l'autre.

Sur leurs sites web, un papa qui se roule gaiement dans l'herbe avec son tout-petit, des jeunes qui prennent un verre au bord de la mer... Ça respire le bonheur. Mais ces images idylliques cachent une tout autre réalité: celle des consommateurs en détresse financière.

Les prêteurs à court terme leur offrent des prêts de 500 à 750$ qu'ils devront rembourser sur trois ou quatre mois. Leur dossier de crédit est pourri? Pas grave. L'important, c'est qu'ils aient un emploi stable et un salaire versé dans leur compte bancaire par dépôt direct.

Il suffit de remplir un formulaire. Et hop! Le tour est joué. L'argent atterrit dans leur compte en 24 heures.

C'est par la suite que ça se corse. Les gens qui cognent à ces portes-là sont souvent au désespoir. Incapables de rembourser, ils renouvellent leur prêt. Leurs dettes s'amoncellent et ils se retrouvent en faillite, m'ont raconté plusieurs syndics de faillite qui les reçoivent plus tard dans leur bureau.

Difficile de s'en sortir quand le prêt coûte l'équivalent de 300% par année!

Évidemment, ce taux n'est jamais présenté nulle part. Les courtiers vous diront que leur taux d'intérêt se situe entre 30 et 32%, ce qui est déjà très élevé.

Mais quand on additionne les frais de courtage de 250 à 300$, le taux de crédit explose à 300%, a calculé Jean-Louis Renaud, avocat à l'Office de la protection du consommateur (OPC), qui a analysé à ma demande quatre offres que différents prêteurs m'ont faites au téléphone.

C'est bien au-delà du taux usuraire de 60%. Alors pourquoi ces prêteurs ont-ils pignon sur rue? Pourquoi est-ce que personne ne les freine? Cela fait pourtant des années que ces pratiques sont dénoncées dans les médias.

Le hic, c'est que l'OPC reçoit peu de plaintes. Ces prêteurs s'adressent surtout à des gens peu scolarisés et défavorisés qui n'ont pas tendance à se plaindre d'avoir à payer des frais de crédit astronomiques. Pour eux, c'est comme une fatalité.

L'OPC a donc de la difficulté à documenter le phénomène. Sans compter que la migration de ces prêteurs sur le web complique les enquêtes, explique le porte-parole de l'OPC, Charles Tanguay.

«Avec le numérique, ces entreprises-là peuvent être partout pour pas très cher dans des lieux intangibles, dit-il. Elles s'annoncent, mais bien souvent, on ne sait pas qui est derrière l'entreprise. Elles peuvent se défiler facilement. Ça facilite leur tâche. Mais pour nous, ça complexifie la surveillance.»

Toutefois, quelques prêteurs sont actuellement dans la mire de l'OPC, notamment Crédit700.ca, qui fait l'objet de trois plaintes.

Les prêteurs à court terme se défendent d'imposer des taux de 300%, prétextant que le courtier et le prêteur sont deux entités différentes.

Différentes, vraiment? Au téléphone, le préposé de Prêtargentrapide.ca répond que le prêteur est Multi Crédit. Or, il s'agit d'une seule et même entreprise, d'après le registre des entreprises du Québec (CIDREQ).

Autre exemple: Argentrapide.com, MoneyProvider.com et Argent700 font partie de la même entité, selon CIDREQ et des contrats remis aux clients.

Ces entreprises appartiennent à Gestion financière Jocelyn Paquette. En 2007, celui-ci a dû verser une amende de 2476$ après avoir été reconnu coupable d'avoir agi sans être titulaire d'un permis de prêteur d'argent, alors qu'il utilisait l'enseigne de Crédit Interfax, à Granby.

Crédit700.ca et Argentrapide.com font régulièrement affaire avec le prêteur Gestion ODC. Au téléphone, une préposée d'Argentrapide.com m'a expliqué: «C'est Gestion ODC, la plupart du temps, qui fait les prêts. Nous, ça fait très longtemps qu'on travaille avec eux.»

En téléphonant chez Crédit700, à Granby, on vous transférera directement à la boîte vocale de l'actionnaire de Gestion ODC, dont l'adresse est pourtant à Québec. Mais cette adresse correspond à celle de Regus, une entreprise qui permet d'avoir un bureau virtuel où un préposé traite les appels et le courrier.

Curieusement, l'adresse de facturation des frais de courtage de Crédit 700 correspond aussi à un bureau de Regus, à Vancouver celui-là.

Mais qu'il s'agisse d'une seule ou de deux entreprises distinctes, le résultat est le même pour le consommateur: il emprunte 700$ et doit rembourser 1064$ en quatre mois, ce qui équivaut à un taux de crédit annuel de 300%. On est loin du 30% présenté.

Pourtant, l'article 70 de la Loi sur la protection du consommateur stipule que les frais d'administration et les frais de courtage doivent être inclus dans les frais de crédit.

Apparemment, cela n'empêche pas les prêteurs de présenter les frais de courtage à part.

Pour régler le problème, Québec voulait interdire carrément aux courtiers en prêts de percevoir un paiement directement du consommateur, dans le cadre du projet de loi 24, déposé en 2011.

Si la législation avait été adoptée, les frais versés au courtier auraient dû être payés par le prêteur, un peu comme dans le courtage hypothécaire où c'est la banque qui verse la commission au courtier, et non pas le consommateur.

Avec une telle mécanique, le prêteur serait forcé d'intégrer les frais de courtage dans les frais de crédit imposés au client. Les consommateurs verraient alors clairement qu'un taux de 300% est fou raide.

Malheureusement, le projet de loi 24 est mort au feuilleton avec la dissolution de l'Assemblée nationale. La balle est désormais dans le camp politique. Espérons qu'elle rebondira bientôt. Il est grand temps de faire le ménage dans cette industrie malsaine.

--------------

N.B.: Crédit700.ca a refusé de répondre à mes questions et Prêtargentrapide ne m'a jamais rappelée.