Le ministre des Finances du Québec avait le beau jeu, jeudi, d'offrir aux particuliers un allégement fiscal dépassant 2,5 milliards de dollars sur cinq ans.

Mais les Québécois devront être patients avant de profiter réellement d'une bouffée d'air fiscale.

Il est vrai que le deuxième budget de Carlos Leitao a été marqué par l'annonce de l'abolition de la contribution santé, comme les libéraux avaient promis de le faire durant leur premier mandat.

À terme, cela procurera une économie annuelle de 744 millions à 4,5 millions de contribuables. Mais comme la taxe disparaîtra graduellement sur trois ans, et seulement à partir de 2017, il faudra attendre en 2019-2020 pour profiter pleinement de l'allégement.

Dans quatre ans, les économies fiscales annuelles dépasseront 800 millions en ajoutant une série d'autres cadeaux annoncés jeudi. Pas mal.

Mais d'ici là, les Québécois devront se serrer la ceinture. Souvenez-vous que Québec a augmenté le fardeau fiscal des particuliers dans sa mise à jour économique de décembre dernier, notamment avec la hausse des tarifs des garderies et de la taxe sur les primes d'assurance.

Ces diverses mesures privent les Québécois de près d'un demi-milliard par année. Dès maintenant. Et ce n'est pas avant deux ans que les baisses d'impôts annoncées jeudi viendront compenser la hausse de décembre dernier.

Alors, tant mieux si le gouvernement est parvenu à remettre le budget du Québec sur les rails. Mais quand il se targue de l'avoir fait sans hausses de taxes ni d'impôts, je trouve ça fort en ketchup. Ce sera peut-être vrai en 2019, mais pas à court terme.

Bouclier fiscal

N'empêche, certains cadeaux dévoilés dans le budget de jeudi arriveront plus rapidement.

Plusieurs mesures directement inspirées du rapport déposé par la commission Godbout la semaine dernière cherchent à encourager les gens à travailler davantage et à retarder leur départ à la retraite.

Le bouclier fiscal, par exemple, viendra partiellement corriger les effets pervers de notre système fiscal.

Il faut savoir que les familles à plus faible revenu reçoivent plusieurs prestations pour les aider à joindre les deux bouts. Mais ces montants diminuent rapidement lorsque leurs revenus augmentent, les décourageant ainsi de travailler davantage.

Prenons l'exemple d'un couple avec un enfant de 3 ans qui fréquente une garderie non subventionnée et dont les revenus totalisent 40 000 $. Si ce couple parvient à hausser ses revenus de 5000 $, il verra fondre une série de prestations tout en payant plus d'impôt. Son taux effectif marginal d'imposition (TEMI) dépassera alors 50 %, un taux déraisonnable pour une famille à faible revenu.

Pour atténuer le choc, le bouclier fiscal effacera les trois quarts de la perte de la prime au travail et du crédit d'impôt pour frais de garde, mais pour un an seulement. Dans l'exemple précédent, le couple pourrait ainsi conserver 570 $.

À travers le Québec, la mesure fournira 52 millions par an à 400 000 ménages.

Travailleurs expérimentés

Pour encourager les travailleurs à rester plus longtemps sur le marché du travail, le gouvernement remplacera l'actuel crédit d'impôt pour les travailleurs d'expérience par une prime revue et corrigée.

Au lieu de 65 ans, la nouvelle prime sera accessible dès 63 ans, tout près de l'âge moyen de la retraite. De plus, les montants seront graduellement bonifiés et modulés en fonction de l'âge.

Présentement, le crédit maximal de 4000 $ s'applique sur les revenus de travail excédant 5000 $. D'ici trois ans, le crédit passera à 6000 $ pour les personnes de 63 ans, 8000 $ pour celles de 64 ans et 10 000 $ pour celles de 65 ans et plus.

Comme le taux de crédit est de 15 %, la mesure apportera une économie d'impôt maximale de 1500 $ à une personne de 65 ans qui a des revenus de travail de 15 000 $. C'est 900 $ de plus que son économie actuelle (600 $), comme le démontre notre tableau préparé par Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez EY.

Or, ce cadeau de 83 millions (en 2019-2020) sera financé par le report graduel de l'âge d'admissibilité au crédit d'impôt en raison de l'âge.

Instauré en 1972 pour tenir compte des coûts associés au vieillissement, ce crédit offre une économie d'impôt maximale de près de 500 $ aux personnes de 65 ans et plus.

Mais comme les gens vivent plus longtemps, Québec repoussera graduellement l'âge d'admissibilité à 70 ans. Une économie de 77 millions.

Dans l'ensemble, les aînés n'auront donc pas vraiment de cadeau... sauf ceux qui décident de travailler plus longtemps.