Ce n'est pas une blague, j'ai 20$ pour tous les Canadiens. De l'argent qui vous pend au bout du nez. Il n'y a qu'à tendre le bras pour aller le chercher. Le ferez-vous? Oui? Parfait, alors je vous donne la marche à suivre.

C'est très simple. Si vous avez 18 ans et plus, allez sur l'internet à l'adresse www.cestmonargent.ca, le site mis en place ce matin même dans le cadre du recours collectif contre une série de fabricants de mémoire vive dynamique (D-RAM) qui auraient fixé le prix de cette composante électronique entre 1999 et 2002, gonflant ainsi les prix payés par les consommateurs canadiens.

Ensuite, entrez quelques renseignements de base, comme votre nom et votre adresse. Et voilà! Le tour est joué. Pas besoin de fournir de preuve. En deux ou trois minutes, tout est réglé. Vous avez jusqu'au 23 juin pour faire la démarche. Mais allez-y donc tout de suite avant d'oublier. Le chèque vous parviendra d'ici la fin de 2015.

Vous avez le droit de réclamer cette somme si vous avez acheté l'un des nombreux produits contenant de la mémoire D-RAM: ordinateurs, serveurs, imprimantes, cartes graphiques, enregistreurs vidéo, décodeurs numériques, console de jeux vidéo, lecteurs MP3 et j'en passe. En fait, la majorité des appareils électroniques contiennent de la D-RAM.

À mon avis, rares sont les familles qui n'ont pas fait au moins un seul achat de cette nature durant la période de plus de trois ans visée par le recours. C'est pourquoi pratiquement toutes les familles canadiennes auront droit à une somme de 20$.

Les consommateurs ou les entreprises qui ont acheté plus d'un appareil durant cette période peuvent réclamer davantage en remplissant un formulaire plus élaboré. Ils devront alors présenter certaines preuves, mais pas nécessairement les factures (ex.: des états financiers faisant foi d'achat de matériel électronique, un relevé de carte de crédit). De cette façon, une entreprise de 25 employés pourrait avoir droit à plusieurs centaines de dollars, par exemple.

Mais pour obtenir la somme minimale de 20$, vous n'avez pas besoin de preuve, je le répète. Évidemment, les règles sont extrêmement souples. Il y aura peut-être quelques tricheurs. Mais si on avait procédé autrement, qui aurait réclamé? Qui conserve des factures d'appareils électroniques achetés il y a une quinzaine d'années? C'était avant l'arrivée de l'iPod touch et des tablettes numériques, pratiquement l'âge des cavernes! Tous ces bidules sont probablement désuets aujourd'hui.

Si on avait demandé des factures, le taux de réclamation aurait été très faible, comme c'est trop souvent le cas lorsque les consommateurs doivent faire des démarches pour obtenir leur dû dans un recours collectif. Et quand l'argent ne se rend pas jusqu'aux victimes, le recours rate sa cible, du moins en partie, comme je vous le disais dans une récente chronique.

Pour s'assurer de rejoindre le public le plus large possible, les artisans du recours collectif ont aussi innové en organisant une campagne publicitaire à grande échelle.

Télévision, radio, médias sociaux... C'est la première fois qu'une campagne de sensibilisation de cette envergure est déployée au Canada dans le cadre d'un recours collectif.

L'opération coûtera environ 3 millions de dollars. Oui, c'est cher. Oui, cet argent est prélevé à même les sommes à verser aux consommateurs. Mais cette offensive de communication est quand même souhaitable, car quand on se contente de publier des avis dans les journaux, on passe dans le beurre.

Et puis, l'ampleur du recours permet de faire un tel battage publicitaire. En effet, l'entente prévoit le versement de plus de 80 millions de dollars, ce qui en fait l'un des plus importants recours collectifs au Canada en matière de droit de la concurrence.

Il y a donc beaucoup d'argent à remettre aux consommateurs, même après avoir soustrait les frais de 30% des quatre cabinets d'avocats qui travaillent depuis plus de 10 ans sur les différents recours intentés en 2004, un au Québec, deux en Ontario et un en Colombie-Britannique.

La demande d'autorisation du recours québécois, piloté par Option consommateurs, s'est même rendue jusqu'en Cour suprême en 2013. L'un des fabricants alléguait que les faits reprochés n'avaient pas eu lieu au Canada, ce qui le mettait supposément à l'abri des poursuites chez nous. Mais la Cour suprême a donné tort à Infineon.

Par la suite, l'entreprise a réglé le dossier à l'amiable. Les autres fabricants ont aussi accepté de régler le litige, notamment NEC, Hitachi, Mitsubishi et Toshiba. Heureusement, car sinon le jugement final serait peut-être arrivé 20 ans après les faits reprochés!