Qu'on soit d'accord ou pas avec le principe, le fractionnement des revenus est une vraie mine d'or pour les contribuables. Il faut en tirer le maximum, car les économies d'impôt se chiffrent en milliers de dollars, surtout pour les couples dont les revenus sont assez inégaux.

Les retraités connaissent déjà la mécanique. Depuis 2007, ils peuvent attribuer la moitié de leurs revenus de pension à leur conjoint qui a des revenus inférieurs, ce qui permet de réduire le taux d'imposition globale du couple et d'éviter énormément d'impôt. Parfois plus de 10 000$ par année!

Or, Québec vient de retirer la possibilité aux retraités de fractionner leurs revenus de pension avant 65 ans. De son côté, Ottawa offre maintenant aux parents d'enfants mineurs la possibilité de fractionner leurs revenus, grâce à une mesure baptisée la «baisse d'impôt pour les familles».

Ces deux changements importants instaurés pour l'année d'imposition 2014 m'ont valu une foule d'excellentes questions de la part des lecteurs de La Presse. À l'aube de la saison des impôts, le temps est venu de répondre à leurs petites colles...

Questions d'âge

«À partir de quel âge a-t-on droit au fractionnement des revenus de pension?»

Depuis 2014, Québec ne permet plus de fractionner les revenus de pension avant 65 ans. Au fédéral, les retraités peuvent continuer de fractionner leurs revenus, peu importe leur âge, pourvu qu'il s'agisse de revenus de retraite admissibles.

«J'ai fêté mon 65e anniversaire en octobre 2014. Ai-je droit au fractionnement pour toute l'année 2014 ou s'il y a un prorata qui s'applique?»

Il n'y a pas de prorata. C'est l'âge au 31 décembre qui compte. Pour avoir droit au fractionnement au Québec, le contribuable doit avoir atteint l'âge de 65 ans avant la fin de l'année, répond Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez EY.

«J'ai 63 ans et je travaille encore. Mon mari, qui a 67 ans, est déjà à la retraite. Le fractionnement s'appliquera-t-il à notre couple?»

Un contribuable de 67 ans peut très bien fractionner ses revenus de pension avec sa conjointe de 63 ans, même si elle gagne un revenu d'emploi, dit M. Leblanc. Elle pourrait avoir 30 ans que ça ne changerait rien! C'est l'âge et la nature des revenus de celui qui fractionne ses revenus qui comptent.

Les revenus admissibles

«Quels sont les revenus admissibles au fractionnement de revenus de retraite?»

Les revenus d'un régime de retraite de votre employeur sont admissibles au fractionnement, tout comme les versements périodiques provenant de FERR ou d'un FRV, par exemple (mais pas les retraits ponctuels).

Par contre, il est impossible de fractionner la pension de la Sécurité de la vieillesse, la rente de la RRQ et certaines pensions étrangères. Vous ne pouvez pas non plus fractionner vos revenus de placement provenant d'un compte non enregistré (intérêt, dividende, gain en capital).

«Quels sont les revenus admissibles au nouveau fractionnement pour les familles? Je suis administrateur d'une société de placement, laquelle me verse des dividendes. Puis-je fractionner ces revenus avec mon épouse?»

Dans le cas du fractionnement pour les familles avec enfants mineurs, les règles sont extrêmement souples.

La baisse d'impôt pour les familles est calculée à partir du revenu imposable de chacun des conjoints, explique M. Leblanc. On peut donc utiliser tous les types de revenus: salaire, revenu d'entreprise d'un travailleur autonome, revenu de dividende d'un propriétaire de PME, revenu provenant d'immeubles locatifs...

Pareil, pas pareil

«Le fractionnement des revenus pour les familles fonctionne-t-il de la même façon que celui pour les retraités?»

Non, les deux mesures sont très différentes.

Avec la baisse d'impôt pour les familles, le conjoint qui a le revenu le plus élevé pourra attribuer jusqu'à 50 000$ à celui qui a un revenu inférieur, profitant de son taux d'imposition inférieur. Mais l'économie sera plafonnée à 2000$, contrairement au fractionnement des retraités qui est illimité.

Pour les familles, l'économie d'impôt prendra la forme d'un crédit. Le couple remplira une grille de calcul pour déterminer l'économie d'impôt découlant d'un fractionnement théorique, sans avoir à transférer véritablement les revenus. L'un ou l'autre des conjoints peut ensuite demander le crédit (mais il est impossible de le partager).

Cette méthode est donc beaucoup plus simple que pour les retraités qui doivent transférer les revenus dans la déclaration du conjoint pour vrai (sans nécessairement transférer l'argent), ce qui modifie réellement leurs revenus imposables et affecte le calcul d'autres crédits et prestations.

«Est-il possible de fractionner un montant différent au fédéral et au Québec?»

Pour le fractionnement des revenus de pension, oui. «Par exemple, un couple pourrait vouloir fractionner le revenu de pension au fédéral pour préserver la prestation de sécurité de vieillesse, alors qu'au Québec, il n'a pas d'économie à faire le fractionnement», expose M. Leblanc.

Quant au fractionnement pour les familles, le crédit est strictement fédéral.

Familles monoparentales et recomposées

«Je suis mère de famille monoparentale avec trois enfants de moins de 18 ans. Depuis mon divorce, je déclare chaque année le plus vieux de mes enfants comme conjoint aux fins de l'impôt sur le revenu. Pourrai-je lui transférer, à titre de conjoint, jusqu'à 50 000$ de mon revenu d'emploi et ainsi profiter du crédit d'impôt fédéral de 2000$?»

Malheureusement, les familles monoparentales ne bénéficieront pas du fractionnement de revenus. Pas de conjoint, pas de fractionnement. Point final.

Par contre, le fractionnement pourrait être utile à des «ex» qui ont un nouveau conjoint, m'a expliqué Johan Girard, porte-parole de H&R Block. Par exemple, disons que Julie et Martin se séparent après avoir eu un enfant. Tous deux se retrouvent avec un nouveau conjoint. Si l'enfant est en garde partagée, les deux couples pourront fractionner leurs revenus. Julie les fractionnera avec son nouveau conjoint Marc, et Martin avec sa nouvelle conjointe Chloé. Ainsi, un seul enfant offre l'occasion de fractionner les revenus de deux familles.

«Lorsqu'un contribuable devient conjoint dans l'année, est-ce que le revenu de pension admissible peut être fractionné?»

Oui, mais un prorata doit être appliqué. Le montant du revenu de pension admissible sera calculé en fonction du nombre de mois où le contribuable a un conjoint admissible dans l'année, explique M. Leblanc.

Pas de fractionnement en double!

«Pouvez-vous me dire si un retraité avec pension, redevenu salarié et qui n'a pas encore 65 ans, mais qui est père d'une enfant mineure, pourra continuer de profiter, au provincial et au fédéral, du fractionnement de ses revenus (de retraite ou autres) avec sa conjointe?»

Oh! La belle question. Sachez d'abord que vous pouvez fractionner vos revenus de pension, même si vous avez aussi des revenus d'emploi. Donc, vous êtes admissible au fractionnement fédéral. À Québec, il faut attendre 65 ans.

Si vous avez une enfant mineure, vous êtes aussi admissible à la baisse d'impôt pour les familles. Toutefois, il est impossible d'utiliser les deux fractionnements en même temps. Choisissez la mesure la plus payante.

Le casse-tête des acomptes provisionnels

«Sur quels revenus doit-on faire ses acomptes provisionnels? Doit-on aussi inclure ceux provenant d'un fractionnement de revenu du conjoint?»

La mécanique des acomptes provisionnels est complexe. Pour être certain de ne pas vous tromper, vous pouvez simplement verser le montant calculé par le fisc. Si vous pensez avoir moins d'impôt à payer que l'estimation du fisc fondée sur vos impôts de l'année précédente, vous pouvez verser moins. Mais en cas d'erreur, gare aux intérêts et aux pénalités!

Vous pouvez tenir compte du fractionnement des revenus de retraite dans le calcul de vos acomptes, mais uniquement au fédéral, comme l'explique le fiscaliste André Boulais dans son guide Réduisez vos impôts. Ainsi, le conjoint cédant peut tenir compte de la réduction d'impôt découlant du fractionnement, mais le conjoint qui reçoit les fruits du fractionnement devra aussi le considérer dans ses acomptes.

Et la RRQ dans tout ça?

«Savez-vous si les nouvelles règles s'appliquent pour le fractionnement à la RRQ?»

Non, pas du tout. Même si Québec a relevé l'âge du fractionnement des revenus de pension à 65 ans, les règles n'ont pas changé à la Régie des rentes du Québec qui permet aux couples de diviser leur rente dès que les deux rentiers ont 60 ans.

Sur 1,7 million de rentiers de la RRQ, plus de 122 000 bénéficient d'une rente divisée (61 000 couples) qui leur permet d'économiser de l'impôt. Ce choix n'a rien à voir avec le fractionnement des revenus, qui est une mesure fiscale.

«Je suis âgé de 74 ans et je reçois ma rente RRQ. Ma conjointe est âgée de 61 ans. Elle a contribué à la RRQ, mais ne reçoit pas encore sa rente. Puis-je diviser ma rente avec elle dès maintenant? Si elle commençait à recevoir sa rente en milieu de 2015, comment se ferait le fractionnement?»

Pour l'instant, ce n'est pas possible. Si les deux conjoints ont cotisé à la RRQ, ils doivent tous les deux recevoir leur rente pour avoir droit à la division. Toutefois, il n'est pas nécessaire que les deux conjoints aient cotisé à la RRQ pour diviser la rente de l'un d'eux, mais les deux conjoints doivent avoir 60 ans ou plus.

Lorsqu'un couple devient admissible, les rentes peuvent être divisées dès le mois qui suit l'approbation de leur demande de division.

Notez que le montant de la rente divisé dépend de la période d'union des conjoints et ne sera pas nécessairement égal à la somme des rentes divisées par deux.