Comme la tempête de neige «historique» qui a finalement épargné New York le mois dernier, se pourrait-il que la crise de la retraite qu'on appréhende depuis des années n'ait jamais lieu?

C'est l'impression que donne une étude diffusée ce matin par McKinsey&Company. Après avoir sondé 12 000 ménages actifs et retraités, la firme de consultation conclut que la perception qu'il existe une crise de la retraite est largement exagérée. En réalité, une grande majorité des Canadiens auront suffisamment d'épargne pour maintenir leur niveau de vie à la retraite.

McKinsey n'est pas la seule à soutenir cette thèse. D'autres études ont déjà statué que le manque d'épargne est moins grave qu'on ne le craint et qu'une frange de la population épargne même trop en vue de la retraite.

Ces experts sont-ils des climato-sceptiques de la retraite?

Sont-ce plutôt les médias (moi la première!) qui ont crié au loup pour rien? Est-ce que l'inquiétude des épargnants au sujet de la retraite vient des institutions financières qui ont trop tapé sur le clou, à grand renfort de campagnes REER?

Chose certaine, les sociétés financières sont les premières à dire qu'il n'y a pas de problème généralisé maintenant que le manque de préparation en vue de la retraite est un enjeu de société majeur et que l'État est appelé à s'en mêler.

Bien sûr, une intervention du gouvernement (bonification de la RRQ, création du RVER, création d'une rente longévité, etc.) les priverait d'un marché extraordinaire ou les forcerait à réduire leur frais de gestion...

Mais jetons un coup d'oeil sur l'étude de McKinsey, qui conclut que quatre ménages canadiens sur cinq (83%) vont pouvoir maintenir leur niveau de vie à la retraite. Voilà qui est encourageant!

Le pourcentage est encore plus élevé chez les travailleurs qui bénéficient d'un régime de retraite à prestations déterminées, preuve qu'il est un excellent outil pour assurer la sécurité de la retraite des travailleurs. Dommage que les employeurs privés les aient abandonnés sans que personne lève le petit doigt.

Les personnes à revenus modestes n'ont pas trop à s'en faire non plus, car les régimes gouvernementaux (pension de la vieillesse, RRQ, etc.) leur permettront de remplacer plus de 80% de leurs revenus. Cela ne veut pas dire qu'elles auront une retraite dorée. Au contraire, certaines se retrouveront dans la pauvreté, en particulier celles qui subissent une baisse de revenus après le décès de leur conjoint.

Mais ceux qui vont vraiment voir leur niveau de vie baisser sont les jeunes qui ont un salaire moyen ou élevé et qui travaillent dans le secteur privé.

Plusieurs n'ont pas du tout de régime de retraite et n'épargnent pas assez de leur propre chef. Résultat: la moitié d'entre eux frapperont un mur à la retraite, comme on peut s'en douter.

Il est plus étonnant d'apprendre que beaucoup de travailleurs qui ont accès à un régime de retraite avec leur employeur ne l'utilisent pas ou trop peu.

En fait, le tiers des gens qui ont accès à un régime de retraite à cotisations déterminées ou à un REER collectif avec leur employeur n'y font pas la moindre contribution. Et une personne sur 10 y verse moins de 5% de son salaire annuel, en tenant compte de la cotisation de l'employeur et de l'employé. Trop peu. Le quart d'entre elles devront réduire leur rythme de vie à la retraite... ou travailler plus longtemps.

Malheureusement, ces chiffres démontrent qu'une portion importante des travailleurs se défile lorsque l'épargne n'est pas obligatoire. Cela n'augure rien de bon pour le Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER), la solution mise de l'avant par Québec pour combler le déficit d'épargne-retraite.

Globalement, près d'un Canadien sur cinq (17%) risque de manquer d'argent le moment venu, un chiffre qui reste préoccupant. Mais toutes ces simulations reposent sur des critères subjectifs.

D'abord, combien faut-il pour maintenir son niveau de vie à la retraite? Les experts les plus optimistes remettent en question la règle générale voulant qu'on doive prévoir 70% de ses revenus pour maintenir son rythme de vie à la retraite.

En fait, 50% seraient suffisants, peut-être même 35%, soutiennent des actuaires bien en vue. Pour réduire autant ses dépenses, il faudrait que les astres soient drôlement bien alignés: les enfants quittent le nid familial, l'hypothèque est remboursée, pas de voyages ni d'activités coûteuses...

Selon Statistique Canada, les retraités dépensent en moyenne 67% de ce qu'ils dépensaient lors de leurs dernières années sur le marché du travail. La majorité a réduit sa consommation par choix (53%) plutôt que faute de moyens (33%), ajoute McKinsey.

Il semble donc que les retraités actuels ne s'en tirent pas trop mal. Mais avec l'érosion des régimes de retraite, qu'en sera-t-il des retraités dans 10, 20 ou 30 ans?

Trois Canadiens sur cinq craignent de manquer d'épargne-retraite. Malgré cette anxiété, la moitié des Québécois âgés de 35 à 49 ans n'ont jamais calculé combien ils devaient épargner pour la retraite, selon la Régie des rentes du Québec (RRQ).

Une petite consultation leur ferait le plus grand bien!

En calculant la valeur de leur maison dans leur plan de retraite, les ménages pourraient aussi faire baisser leur angoisse d'un cran. En ajoutant 30% de la valeur de la résidence dans les calculs, la proportion des Canadiens bien préparés pour la retraite atteindrait les 87%, estime McKinsey.

D'accord, mais ce ne sont pas tous les retraités qui souhaitent déménager. Et l'idée de puiser tranquillement dans sa maison pour vivre à la retraite, au moyen d'une hypothèque inversée, répugne à bien des aînés qui se sont fait un devoir de rembourser leurs dettes au plus vite.