Les employés municipaux qui s'opposent à la restructuration de leur régime de retraite prétendent qu'ils ont laissé de l'argent sur la table au fil des négociations. Ils expliquent qu'ils ont renoncé à des augmentations de salaire pour avoir droit à une plus belle rente de retraite.

Mais quand je regarde le palmarès des municipalités de HEC Montréal que La Presse publie aujourd'hui, je ne vois pas d'argent traîner nulle part. Ni sur la table. Ni ailleurs.

Les employés municipaux ont des conditions en or, à tous les points de vue. À Montréal, l'employé moyen empoche 117 000$ par année, soit 76 000$ en salaire et 41 000$ en avantages sociaux, comme le démontre le dossier de mon collègue Pierre-André Normandin.

Wow! C'est beaucoup d'argent. Dois-je vous rappeler qu'à peine 5% des contribuables au Québec gagnent plus de 100 000$ par année?

Avec leur paie de 76 000$, les employés de la Ville touchent presque deux fois plus que le Québécois moyen, qui n'a qu'un salaire de 41 000$ par année.

À travers le Québec, la rémunération globale des employés dans les municipalités de plus de 25 000 habitants est 47% plus élevée que dans le secteur privé, si je me fie aux données de l'Enquête sur la rémunération globale au Québec.

Plus précisément, les employés municipaux permanents à temps plein ont une rémunération globale (salaire et avantages sociaux) de 56$ par heure travaillée, par rapport à 38$ pour les Québécois qui travaillent dans des entreprises privées de plus de 200 employés.

Cet écart est carrément déraisonnable. Il découle en bonne partie du régime de retraite, dont les coûts ont gonflé au fil des ans, en raison de l'augmentation de l'espérance de vie et de la baisse des rendements.

Et ne vous faites pas d'illusions: les problèmes des régimes de retraite ne se résoudront pas d'eux-mêmes, bien au contraire. Avec la turbulence sur les marchés financiers depuis le mois de septembre, la Bourse a fondu de 10% et les taux d'intérêt sont plus bas que jamais. Tout cela mettra encore plus de pression sur les régimes de retraite.

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Il faut donc contrôler la rémunération globale, un poste de dépenses extrêmement important dans la plupart des villes.

C'est l'une des raisons - mais pas la seule - qui expliquent l'escalade des dépenses des municipalités. Depuis belle lurette, leur budget gonfle de 6% par année. Ce rythme de croissance est trois fois plus rapide que l'inflation, comme je vous l'exposerai plus en détail dans un autre dossier à paraître demain.

Or, l'augmentation des dépenses se répercute directement sur le compte de taxes des citoyens qui gagnent bien moins que les employés municipaux et qui n'ont souvent aucun régime de retraite.

Aux quatre coins de la province, des propriétaires se plaignent de la hausse de leurs impôts fonciers et réclament une vaste réforme de la fiscalité municipale.

Les municipalités disent que ce n'est pas leur faute, qu'elles sont coincées par les ordres de gouvernement supérieurs qui leur imposent sans cesse de nouvelles obligations, sans faire suivre le financement.

Pourtant, les transferts gouvernementaux que reçoivent les municipalités sont passés de 1,3 à 3,2 milliards entre 2001 et 2010, une augmentation annuelle moyenne de 11%.

Mais ce n'est pas assez pour les municipalités, qui voudraient diversifier leurs sources de revenus en récoltant, par exemple, une part de la taxe de vente du Québec (TVQ).

Donner plus d'autonomie aux villes n'est pas une mauvaise idée. En leur offrant une source de financement stable, plutôt que des subventions à la pièce, on les rendrait plus responsables, plus imputables. On leur permettrait aussi de faire une meilleure planification à long terme.

C'est un peu comme des parents qui refilent des sous à leur progéniture à la moindre occasion. Zut, ma voiture est en panne. Dis donc, papa, pourrais-tu me donner un coup de main?

Si on veut réellement aider son rejeton à boucler son budget, il vaut mieux lui confier une allocation fixe et prévisible. Il est toujours moins tentant de vivre au-dessus de ses moyens quand c'est nous qui payons les extras.

Le principe vaut aussi pour les villes. Mais attention, si on leur accorde une nouvelle source de revenus stable, il faudra réduire les subventions ad hoc. Autrement, les contribuables paieront la note deux fois plutôt qu'une. Franchement, ce n'est pas ce qu'on souhaite!

Peu importe la réforme de la fiscalité municipale, il ne faut pas perdre de vue le problème de fond: l'escalade des dépenses des villes.