Vous avez emprunté un montant d'argent à un prêteur privé ? Vous avez un compte en souffrance auprès d'un fournisseur de service? Je vous invite à jeter un coup d'oeil attentif à votre facture. Qui sait, peut-être y découvrirez-vous des intérêts illégaux.

La loi est claire : « Si un contrat prévoit uniquement un taux mensuel (ou encore un taux journalier, semestriel ou hebdomadaire) et que le taux annuel équivalant n'est pas calculé ou mentionné, le taux d'intérêt applicable sera celui de 5 % par an », rappelle Me Natalia Manole.

À l'origine, cette mesure a été adoptée pour protéger les consommateurs. En imposant aux créanciers l'obligation d'indiquer le taux annualisé, l'État voulait s'assurer que les emprunteurs sont capables de bien mesurer les conséquences d'un retard de paiement.

Vous n'étiez pas au courant de cette règle ? Vous n'êtes pas seul!

Me Manole constate que l'article 4 de la Loi sur l'intérêt est trop peu connu, même s'il a une portée très large. À la fin de l'été, l'avocate de Westmount a justement réglé un dossier en utilisant ce fameux article.

5 %, pas plus

On réclamait à son client un montant de 238 000 $, en se fondant sur un taux d'intérêt de 18 %. Or, le contrat mentionnait uniquement un taux mensuel de 1,5 %. Illégal ! En rappelant la loi à la partie adverse, Me Manole a pu obtenir un règlement de 213 000 $. C'est 25 000 $ de moins. Toute une différence !

« Les tribunaux ne manquent jamais de rappeler que l'omission d'énoncer expressément le taux d'intérêt annuel auquel équivaut cet autre taux d'intérêt prive quiconque de son droit de réclamer tout intérêt supérieur au taux annuel de 5 % », insiste Me Manole.

En effet, plusieurs décisions, notamment à la Cour des petites créances, ont permis à des consommateurs d'alléger leur facture d'intérêts. Des exemples : Un garagiste qui demandait 24 % d'intérêts annuels... mais avait indiqué 2 % par mois sur la facture. Un prêteur privé qui exigeait 48 % par an... mais n'avait précisé que 4 % par mois sur son contrat.

Il semble que même des avocats ne soient pas tellement au courant de cet article de la loi. L'an dernier, un cabinet montréalais qui voulait imposer des intérêts de 9 % par an à un client a été rappelé à l'ordre par un juge des petites créances, puisque son contrat parlait d'intérêts de 1 % par mois, sans préciser un taux annuel. Oups !

Dans tous les cas, le tribunal a tranché qu'il est impossible de réclamer plus de 5 % par an, soit 0,416 % par mois.

Recours collectif

L'article 4 de la Loi sur l'intérêt est aussi à la base d'un important recours collectif contre Hydro-Québec. Un groupe de clients de la société d'État estiment ne pas avoir été bien informés des frais entre 2008 et 2009.

À cette époque, Hydro-Québec a connu des ratés avec l'implantation de son système informatique et ses factures mentionnaient uniquement que les clients qui payaient en retard s'exposaient à des « frais d'administration » de 1,2 % par mois.

Pour connaître le taux annuel, les clients auraient dû fouiller sur le site web d'Hydro-Québec et dénicher la clause portant sur ce sujet à travers les 156 pages du document intitulé « Tarifs et conditions du Distributeur ».

Mais Hydro-Québec plaide que ses frais de retard sont des frais d'administration et qu'ils ne sont donc pas soumis à la Loi sur les intérêts. Il faudra voir ce que les tribunaux penseront de cette nuance... Le recours qui a été autorisé en 2010 devrait être entendu en 2015. Si tout va bien, une décision pourrait être rendue d'ici 18 à 24 mois, espère le cabinet Paquette Gadler qui pilote la cause.

En attendant, surveillez bien les factures de vos différents fournisseurs. Le taux d'intérêt annuel n'y figure pas ? Je serais curieuse de voir ça.

Sachez que l'article 4 s'applique tant aux contrats privés qu'aux contrats notariés. En revanche, il ne s'applique pas à un prêt hypothécaire, note Me Manole.

Notez aussi que les règles s'appliquent même si le prêt doit être remboursé dans un délai inférieur à un an.