Un petit 2 $ par ci, un autre 3 $ par là. Mine de rien, les entreprises qui imposent des frais aux clients qui veulent continuer de recevoir une facture papier empochent plus d'un demi-milliard de dollars par an avec cette détestable pratique commerciale.

Plus précisément, les Canadiens déboursent de 495 à 734 millions afin d'obtenir par la poste une facture ou un relevé mensuel pour leurs services bancaires, internet et de télécommunications, selon les estimations du Centre pour la défense de l'intérêt public (CDIP) qui publiait une étude fouillée sur la question la semaine dernière.

Ces frais sont très enrageants pour les consommateurs qui estiment avoir le droit de recevoir une véritable facture, et pas seulement un relevé électronique, avant de payer leur dû.

Deux fois plutôt qu'une, les conservateurs ont promis d'interdire aux entreprises de faire payer un extra pour la facture papier.

À l'approche des élections, cette promesse est une véritable aubaine pour le gouvernement Harper qui voit là une façon simple de plaire aux consommateurs, sans que cela coûte un cent au gouvernement qui doit garder les cordons de la bourse serrés afin d'éliminer son déficit.

Préoccupé par la situation, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) veut aussi remettre au pas les fournisseurs de télécoms. Le CRTC a d'ailleurs tenu une réunion avec l'industrie, jeudi dernier, pour l'encourager à trouver une solution. Le Conseil s'est même dit prêt à réglementer, si l'industrie ne trouve pas une approche adéquate.

Vivement une solution, car le problème prend sans cesse de l'ampleur.

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À travers le Canada, pas moins de 27 sociétés de télécoms, incluant les trois géants que sont Bell, Rogers et Telus, font payer des frais allant de 0,99 à 5,95 $ par mois pour une facture papier.

Du côté des services financiers, la plupart des banques exigent 2 ou 3 $ pour l'envoi d'un relevé de compte bancaire mensuel.

Évidemment, cela permet aux entreprises de réduire leurs coûts, surtout depuis que le prix du timbre est passé à 1 $ (un peu moins pour les entreprises qui font des envois fréquents).

Mais pour encourager les consommateurs à migrer vers la facturation électronique, les entreprises font surtout valoir l'argument « vert ».

Par exemple, Bell se vantait en 2012 d'avoir sauvé 33 000 arbres grâce à son initiative de facturation électronique. Et Rogers affirmait avoir économisé plus de 992 000 kilos de papier grâce à sa transition.

Économie de papier pour l'entreprise, d'accord. Mais parmi les consommateurs qui reçoivent un relevé électronique, combien impriment leur facture pour la conserver dans leurs archives ? Pour ce faire, il leur faut une imprimante, des cartouches d'encre, des feuilles. Ainsi, une partie des coûts d'impression est refilée au client. Et la forêt est probablement moins gagnante qu'on le pense.

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Mais le plus grave, c'est que l'accès à l'internet n'est pas universel. Près du quart (22 %) des Canadiens n'ont pas de connexion, majoritairement des personnes âgées et des familles plus démunies.

Pour ces personnes vulnérables, les frais pour l'obtention d'une facture s'élèvent entre 77 et 102 millions par an, évalue le CDIP.

Mais ce n'est que la pointe de l'iceberg. Le tiers des Canadiens ne sont pas à l'aise de recevoir des relevés ou des factures en ligne, démontre un sondage réalisé par le CDIP.

Les trois quarts des consommateurs sont contre le fait d'avoir à payer pour obtenir une facture ou un relevé papier. Pour eux, la facturation fait partie des coûts d'exploitation normaux de l'entreprise, et les clients ne devraient pas avoir à payer un extra.

Une majorité de Canadiens pensent que les entreprises devraient plutôt offrir des rabais aux consommateurs qui choisissent de recevoir une facture électronique.

Même si cette approche semble plus acceptable, elle risque de mener au même résultat. Les entreprises auraient deux catégories de clients : ceux qui paient un peu plus cher pour recevoir une facture papier et ceux qui paient un peu moins parce qu'ils font tout sur l'internet. Simple question de marketing.

Pour régler le problème, le CDIP réclame plutôt l'interdiction de faire payer les clients pour une facture, quitte à accorder un rabais, mais modeste, aux clients qui font le saut vers la facturation électronique.

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En attendant, voici quelques trucs pour éviter les frais :

• Certaines entreprises acceptent d'annuler les frais pour la facture papier pour les personnes handicapées ou celles qui n'ont pas accès à un ordinateur. Les consommateurs sont-ils au courant qu'ils peuvent en faire la demande ? J'en doute. N'hésitez pas à poser la question.

• Restez à l'affût. Ottawa a demandé aux banques d'offrir, à partir du 15 janvier prochain, des comptes à frais modiques (4 $ par mois) qui incluront l'envoi d'un relevé par la poste. Ces comptes seront offerts gratuitement aux jeunes, aux étudiants, aux aînés à faibles revenus et aux handicapés.

• Ceci dit, il existe déjà bon nombre de comptes bancaires à frais modiques ou même sans frais (pour les ados) qui incluent le relevé mensuel imprimé. Pour dénicher celui qui vous convient le mieux, consultez l'outil de sélection de comptes de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (https://www.fcac-acfc.gc.ca/Fra/ressources/outilsCalculatrices/Pages/BankingT-OutilsIn.aspx)

• Prêt à faire le saut ? Inscrivez-vous à la facturation électronique, surtout que Postes Canada commencera bientôt à éliminer la livraison à domicile dans les centres urbains. Et si vous avez tendance à oublier vos paiements, pourquoi pas ajouter le paiement automatique? Ceci dit, il faut continuer de prendre le temps de vérifier ses factures. Les erreurs, ça arrive!