Je suis bien prête à dire qu'il y a épais de crémage dans les régimes de retraite des employés municipaux, mais la cure minceur que Québec veut leur imposer est extrêmement sévère.

Jeudi, le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, a déposé son projet de loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite du secteur municipal. L'objectif est de renflouer le déficit de 3,9 milliards de dollars qui pèse sur ces régimes qui comptent plus de 122 000 participants, dont près de 50 000 retraités.

Or, les règles sont beaucoup plus contraignantes que celles du projet de loi du gouvernement péquiste, mort au feuilleton.

Les retraités vont y goûter. Leur rente de base est protégée. Mais comme l'avançait le rapport D'Amours, l'indexation sera suspendue pour aider à résorber le déficit qui était l'entière responsabilité de l'employeur jusqu'ici.

Il s'agit d'une perte considérable. Même si l'inflation n'est que de 2% par année, les retraités peuvent facilement perdre le tiers de leur pouvoir d'achat après 10 ou 15 ans. Advenant le cas où le régime de retraite retrouverait la santé, les retraités se verraient rembourser leur indexation. Sauf que plusieurs risquent d'être morts avant que ça se produise...

En agissant ainsi, Québec permet donc aux municipalités de renier les promesses de rentes faites à leurs employés. Déchirer unilatéralement un contrat, ce n'est pas banal.

Bien sûr, les temps ont changé - l'espérance de vie a grimpé en flèche, les rendements ne sont plus au rendez-vous -, si bien que la promesse coûte beaucoup plus cher que ce qu'on avait imaginé au départ.

Et ce sont les contribuables qui paient pour cela, alors que la majorité d'entre eux n'ont aucun régime de retraite, a répété le ministre.

Si Québec donne des outils extraordinaires aux municipalités pour contenir les coûts des retraites, au nom du contribuable qui n'est plus capable de payer, j'espère qu'il prendra des mesures aussi sévères pour forcer les villes à refiler les économies aux citoyens.

Si les impôts fonciers continuent leur ascension, tout cela n'aura servi à rien.

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Mais les employés devront aussi faire leur part. D'abord, ils devront assumer la moitié du déficit qui leur est attribuable. Mais ce qui est plus surprenant, c'est que Québec forcera les régimes de retraite à réduire leurs coûts à l'avenir, ce qui n'a rien à voir avec le problème des déficits.

À partir de 2014, les cotisations pour le service courant ne devront pas excéder 18% du salaire (séparé en deux entre l'employeur et l'employé). Cela ne semble pas déraisonnable puisqu'il s'agit du pourcentage que les travailleurs sans régime de retraite peuvent mettre dans leur REER.

Mais presque la moitié de régimes excède cette limite. En fait, 61 régimes ont un coût moyen de 22%. Le plus généreux coûte 35% de la masse salariale, sans même calculer le renflouement du déficit, expose Denys Jean, président-directeur général de la Régie des rentes du Québec (RRQ).

Pour les pompiers et les policiers, la limite sera de 20%. Mais 10 régimes sur 22 dépassent cette borne, avec un coût moyen de 24%, ce qui signifie qu'ils devront réduire de 4 points de pourcentage la générosité de leur régime pour le futur.

Pour les syndicats, il s'agit d'une attaque frontale au droit de négocier la rémunération. «Tout ce qu'il nous reste à négocier, c'est où est-ce qu'on coupe. Est-ce qu'on coupe le bras droit ou le bras gauche?», dénonce Francine Lévesque, première vice-présidente de la CSN.

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Il est déjà acquis que les régimes de retraite devront revoir le mode d'indexation des rentes, qui coûte très cher. À Montréal, par exemple, l'indexation représente un coût d'environ 1 milliard, sur un déficit de 1,6 milliard.

Au lieu d'une indexation automatique, les employés pourraient se contenter d'une indexation selon la santé financière du régime.

Les modalités de calcul de la rente pourraient aussi être revues. Est-il normal que les rentes soient calculées sur le salaire final ou les trois meilleures années? Cette formule crée des situations inéquitables, car un employé qui obtient une promotion en fin de carrière peut bonifier considérablement sa rente, sans avoir cotisé sa juste part tout au long de sa carrière.

À la place, on pourrait calculer la rente sur le salaire des 5 ou des 10 meilleures années. Mieux: le calcul pourrait tenir compte des cotisations réellement versées par chaque participant sa vie durant, un peu comme à la RRQ.

Évidemment, on pourrait repousser l'âge de la retraite comme l'Alberta, qui a l'intention de faire patienter ses employés jusqu'à 65 ans avant qu'ils touchent leur rente sans pénalité.

On pourrait aussi abolir les avantages qui permettent de prendre une retraite anticipée dès 55 ans. Alors qu'Ottawa et Québec font tout pour convaincre les Québécois de prendre leur retraite plus tard, il est plutôt incohérent que les municipalités subventionnent les départs hâtifs à la retraite. Et comme on vit plus vieux qu'avant, il est logique qu'on travaille plus longtemps.

Mais bien sûr, toutes ces modifications risquent de faire pester les employés qui sont à quelques années de la retraite.

Autrement, il serait possible de modifier le mode d'accumulation de la rente, comme certaines entreprises privées l'ont fait dernièrement. Au lieu d'accumuler un crédit de rente de 2% de son salaire par année de service, par exemple, le taux pourrait être de 1,8% ou de 1,5%.

Mais avec cette approche, ce sont surtout les jeunes qui écoperaient.