Croyez-le ou non, le Québec est le paradis du cellulaire, l'endroit où les forfaits mensuels sont les moins coûteux au Canada.

Remarquez, le Québec est aussi une des rares provinces qui comptent un véritable concurrent - Vidéotron - capable de bousculer le tout-puissant triumvirat Rogers-Bell-Telus qui fait la loi dans l'industrie du sans-fil au Canada.

Hasard ou coïncidence?

Vous pouvez tirer vos propres conclusions en jetant un coup d'oeil sur le tableau que m'a concocté CelAgora, une entreprise de comparaison de forfaits cellulaires fondée par trois entrepreneurs montréalais, l'automne dernier.

En s'inspirant des sites de comparaison de billets d'avion, ils ont mis au point un moteur de recherche gratuit (www.celagora.com) qui permet de dénicher aisément le meilleur forfait, selon vos besoins.

Disons que vous possédez déjà un téléphone déverrouillé et que vous cherchez un forfait avec voix et textos illimités, boîte vocale, afficheur et 1 gigaoctet de données. Vous pouvez vous attendre à payer entre 30 et 65$, selon la province et le fournisseur.

La comparaison des prix est très révélatrice. D'abord, elle fait ressortir la symbiose totale des trois grands fournisseurs canadiens, qui ont exactement la même tarification. Identique. Pareille. Même pas un cent de différence!

Par contre, on observe un écart de prix impressionnant d'une province à l'autre. Ainsi, les consommateurs de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique paient 65$ | par mois pour un forfait qui coûte 45$ | au Québec. Ils versent ainsi 44% de plus pour le même service.

Comment expliquer cet écart? Pourquoi les fournisseurs font-ils payer plus cher les consommateurs de certaines provinces?

Voici un petit indice... En observant le tableau d'un peu plus près, on constate que les prix dans les Prairies (49,50$) sont presque aussi bas qu'au Québec (45$). Ce sont justement les deux autres provinces où l'on trouve un quatrième concurrent, soit SaskTel en Saskatchewan et Manitoba Telecom Services (MTS) au Manitoba.

Est-ce encore une coïncidence?

Vous me direz qu'il existe d'autres petits concurrents en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Il est vrai que Public Mobile et Wind Mobile offrent des forfaits à prix encore plus bas (30 et 40$ | pour le forfait étudié). Mais leur couverture est limitée aux zones urbaines.

Et ces petits concurrents - ou ce qu'il en reste - ne semblent plus avoir suffisamment de poids pour forcer la main des grands acteurs.

Mobilicity s'est placé sous la protection de la Loi sur la faillite l'automne dernier. Public Mobile vient d'être acheté par Telus. Wind tient le coup. Mais des experts prédisent que les petits acteurs ne pourront pas maintenir des prix aussi bas éternellement.

Bref, il reste bien peu de choses de la cuvée des nouveaux concurrents apparus en 2008, grâce au coup de main d'Ottawa qui désirait fouetter la concurrence.

Un scénario déjà vu. Dans les années 90, Microcell et Clearnet avaient aussi eu leur chance, mais ils ont vite été avalés par le trio Rogers-Bell-Telus, surnommé RoBellUs par ceux qui dénoncent le quasi-monopole dans les télécoms au Canada.

Hausse de prix généralisée

Les hausses de tarifs, cet hiver, viennent d'ailleurs de fournir de nouveaux arguments aux consommateurs qui crient à la fixation des prix.

Les trois grands acteurs du sans-fil au Canada ont haussé le prix de leurs forfaits mensuels de 5$, tout comme leur marque au rabais Virgin Mobile (Bell), Fido (Rogers) et Koodo (Telus).

Vidéotron n'a pas emboîté le pas dans le sans-fil. Toutefois, la filiale de Québecor ne s'est pas privée pour d'autres services. Par exemple, Vidéotron vient d'informer sa clientèle que le service internet intermédiaire grimpera de 3$ | par mois à partir de mai, l'équivalent d'une hausse de 10%, me disait récemment un client très fâché. Mais ça, c'est une autre histoire...

Revenons au cellulaire. Qu'est-ce qui explique la hausse généralisée et synchronisée des prix? Est-ce une réaction au Code sur les services sans fil instauré en décembre par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui a aboli les contrats de plus de deux ans et enrayé les frais d'itinérance abusifs à l'étranger?

Ne cherchez pas si loin. Il y a une réponse encore plus simple: «Les fournisseurs augmentent leurs prix parce qu'ils en sont capables», répond Michel Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa, sur son blogue.

En fait, le trio RoBellUs agit exactement comme le Bureau de la concurrence l'avait prévu dans une missive acheminée au CRTC en janvier dernier.

Le Bureau indiquait que l'industrie canadienne du sans-fil est «caractérisée par une forte concentration et d'importants obstacles à l'entrée et à l'expansion», ce qui crée un «risque d'interaction coordonnée dans ces marchés».

On y est!

Reste à voir si le déploiement des services de Vidéotron au Canada permettra d'attiser la concurrence et de faire baisser les prix pour les consommateurs à l'extérieur du Québec.