Si je vous offre un cadeau de 25$, mais que ce don vous empêche de profiter d'un autre cadeau de 75$ un peu plus tard, qu'allez-vous choisir? La deuxième option, sans hésitation. Alors, vous serez d'accord avec moi que Québec devrait arrêter de subventionner les garderies en milieu scolaire.

Dans son budget de la semaine dernière, Québec a annoncé une hausse du tarif des garderies subventionnées, qui passera de 7$ à 9$ d'ici deux ans.

Nul doute, un rattrapage est justifié dans les garderies fréquentées par les 220 000 petits mousses de moins de 5 ans. Comme le tarif est gelé depuis 2004 et que les coûts ont grimpé, les parents ne défraient plus que 13% de la facture, alors qu'ils payaient 20% de la note lors de la création du réseau en 1997, soit 5$ sur 25$.

Par contre, la hausse à 9$ est disproportionnée dans les garderies en milieu scolaire dont on parle beaucoup moins, mais qui accueillent autant d'enfants. C'est que les parents assument déjà les deux tiers du coût réel, qui s'établit à 11,55$ par jour, selon l'Association des services de garde en milieu scolaire.

Il est normal que les garderies en milieu scolaire coûtent quatre fois moins cher, puisque les services offerts sont plus limités. Les écoliers apportent leur lunch et ne passent souvent qu'une heure ou deux au service de garde à jouer dans la cour d'école après les classes.

Pourtant, les parents paient le même prix que dans un centre de la petite enfance où les tout-petits restent la journée entière et profitent d'un repas et d'activités éducatives. Illogique.

En fait, les garderies subventionnées en milieu scolaire sont un non-sens sur le plan fiscal. Selon mes calculs - validés par trois professeurs de fiscalité -, les parents auraient plus d'argent dans leurs poches en payant la facture au complet.

Surprenant? Voici la démonstration.

***

D'abord, il faut rappeler que la dernière fois que Québec a haussé la contribution parentale (de 5 à 7$ en 2004), il a réduit d'autant l'aide qu'il versait aux services de garde en milieu scolaire, comme le notait mon collègue Tommy Chouinard samedi dernier.

Si Québec réduit de nouveau son aide - ce qui est fort probable puisque le gouvernement gratte ses fonds de tiroirs pour revenir à l'équilibre budgétaire -, les parents paieront 9$ d'ici deux ans sur un coût total d'environ 12$ pour tenir compte de l'inflation.

Autrement dit, les familles paieront les trois quarts de la facture, et Québec subventionnera l'autre 25%.

Mais cette subvention est un cadeau de Grec, car elle prive les parents du crédit d'impôt provincial applicable aux frais de garde (garderies privées, gardienne à la maison, camps de jour, etc.), mais pas aux frais payés pour une place à contribution réduite.

«Cela a du sens lorsque l'État finance une très grande partie du programme. Mais plus l'État désinvestit, plus la perte de l'allègement fiscal fait mal aux familles», souligne Nicolas Boivin, professeur de fiscalité à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

C'est exactement ce qui arrive avec les services de garde en milieu scolaire. La subvention de 25% de Québec (3$) est beaucoup moins généreuse que le crédit pour frais de garde qui permet d'obtenir une économie d'impôt variant de 75% pour les familles qui gagnent moins que 34 000$ à 26% pour celles qui gagnent plus de 150 000$. Pour une famille qui gagne 100 000$, par exemple, le taux du crédit s'élève à 57%. Si les parents payaient la facture totale de 12$, une place en milieu scolaire leur coûterait seulement 5$ et des poussières. Pas mal moins que les 9$ annoncés!

Mais ce n'est pas tout. En subventionnant les garderies, Québec fait fondre la déduction pour les frais de garde que les parents peuvent demander à Ottawa. Cette déduction procure une économie allant de 12,5% à 24%, selon les revenus du conjoint qui gagne le moins. Du coup, Québec prive les familles de millions de dollars d'Ottawa.

C'est sans compter que cette déduction réduit les revenus imposables, ce qui permet aux parents de payer moins d'impôt fédéral et de bonifier une série de prestations qui sont établies en fonction des revenus, comme la prestation fiscale canadienne pour enfants.

En fin de compte, les familles seront triplement perdantes avec les garderies subventionnées à 9$ en milieu scolaire. Et ce sont les familles à plus faibles revenus qui pâtissent le plus.

Rien de neuf. Après la hausse de 5$ à 7$ en 2004, Claude Laferrière, alors professeur de fiscalité à l'UQAM, en était venu à une conclusion semblable. «Beaucoup de parents de la classe moyenne étaient effectivement lésés. C'était vrai alors. Ça le sera, comme à l'époque, avec l'augmentation à 9$», dit-il.

***

Certains diront qu'il faudrait laisser aux parents le choix de payer le tarif subventionné (9$) ou le plein tarif (12$) ouvrant droit au crédit qui permet d'économiser de 3,12$ à 9,00$ par jour.

Mais le choix est contre-intuitif. Et comme bien des parents sont mal outillés pour analyser cette question sous l'angle fiscal, ils risquent de continuer à payer le tarif réduit même si cette option est moins avantageuse.

De toute façon, il serait surprenant que Québec leur laisse cette flexibilité. Depuis le début, le gouvernement préfère s'en tenir au sacro-saint tarif unique pour tous les enfants. Il est vrai qu'une tarification différenciée ferait grimper les frais administratifs. Surtout si les services de garde à la petite enfance réclamaient à leur tour le même choix.

Quant à moi, il serait plus simple d'abolir les subventions dans les services de garde en milieu scolaire. Avec des frais à 9$, il faut comprendre que TOUTES les familles seront désavantagées par la subvention. Alors, pourquoi leur offrir ce choix?

Mais en ces temps de disette, Québec ne voudra certainement pas retirer la subvention, sachant très bien que cela lui coûtera beaucoup plus cher, au final.

N'empêche, il faudrait revoir le financement et le partage des coûts des garderies en milieu scolaire. Québec a des devoirs à faire.