Ce sera bientôt le moment de vérité pour environ un million de citoyens américains qui vivent au Canada. Après des années de tiraillement, le Canada et les États-Unis ont conclu, la semaine dernière, une entente controversée qui aura des répercussions fiscales importantes chez nous.

À partir du 1er juillet prochain, jour de la Fête du Canada, le fisc américain pourra étendre ses tentacules au nord de sa frontière. L'Internal Revenue Service (IRS) aura accès aux renseignements sur les placements détenus par des Américains dans des institutions financières canadiennes.

Les Canadiens qui ont la double citoyenneté seront les premiers dans la ligne de mire du fisc américain. «Tout citoyen américain, même s'il est résident du Canada, est assujetti aux règles fiscales américaines», rappelle Shlomi Steve Levy, avocat associé chez Altro Levy, un cabinet spécialisé en fiscalité transfrontalière.

Les règles sont claires: si vous êtes citoyen ou résident américain d'un point de vue fiscal, vous devez faire une déclaration de revenus aux États-Unis. Vous devez aussi remplir un formulaire pour divulguer vos comptes au Canada: REER, CELI, alouette!

Et attention, certains Canadiens «pure laine» peuvent aussi être considérés comme des résidents américains d'un point de vue fiscal. On pense aux snowbirds et aux Canadiens qui ont déjà travaillé aux États-Unis.

Gare à ceux qui n'ont pas rempli leur paperasse! Même s'ils ne doivent pas un cent d'impôt aux États-Unis, l'IRS pourrait leur coller une pénalité de 10 000 $. Par compte. Et par année.

Jusqu'ici, rien de neuf sous le soleil.

Mais les choses vont bientôt changer. Tous ceux qui n'ont jamais rempli leurs obligations, par choix ou par ignorance, vont se faire rattraper par la bande.

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Revenons un peu en arrière. Depuis la crise financière, le fisc américain cherche à resserrer son emprise sur les citoyens américains qui cachent leur fortune à étranger.

En 2010, les États-Unis ont promulgué le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA). Cette loi exige que les institutions financières étrangères déclarent à l'IRS les comptes détenus par des contribuables américains.

Les banques canadiennes ont rué dans les brancards. À juste titre. Après tout, «le Canada n'est pas un paradis fiscal et les Américains n'emménagent pas au Canada afin d'éviter le paiement d'impôts», a fait remarquer l'Association des banquiers canadiens, farouche opposant au FATCA.

Et puis, les banques ont de quoi être mal à l'aise de remettre au fisc américain de l'information fournie par leurs clients. Cette ingérence soulève de graves enjeux en matière de respect de la vie privée.

Sans compter les coûts de conformité à cette règle étrangère - 200 millions selon les évaluations - qui seront refilés à l'ensemble de la clientèle des banques canadiennes.

Le Canada s'est opposé à cette règle qui devait entrer en vigueur le 1er janvier dernier. Mais les États-Unis ont menacé les banques canadiennes de pénalités accablantes. Devinez qui a gagné le bras de fer?

En vertu de l'accord signé le 5 février dernier, les banques canadiennes devront finalement fournir les renseignements à l'Agence du revenu du Canada... qui les transmettra à l'IRS.

Avec ce simili compromis, le résultat sera pratiquement le même. Bientôt, les banques vous demanderont: «Êtes-vous citoyen américain?» Les clients qui répondront « non », alors que la réponse est «oui», pourraient être accusés de parjure, ce qui est passible d'emprisonnement aux États-Unis.

Et les clients qui répondront «oui» se retrouveront sur le radar de l'IRS. Dès lors, ils ne pourront plus mettre la tête dans le sable, insiste M. Levy.

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Quelles seront les conséquences fiscales?

Si vous êtes citoyen américain, il faudra absolument produire une déclaration de revenus aux États-Unis et divulguer vos comptes, des démarches qui coûteront 300 à 500 $ par année.

Si vous avez omis de faire ces démarches dans le passé, il est grand temps de régulariser votre situation avec l'IRS. Mais la divulgation volontaire risque de vous coûter 5000 à 10 000 $ d'honoraires. Et la facture sera encore plus salée si vous avez une entreprise.

Durant le huis clos du budget à Ottawa, mardi dernier, un fiscaliste chevronné me confiait qu'un de ses clients avait déboursé quelque 50 000 $ en honoraires pour répondre aux exigences de l'IRS. Né aux États-Unis, le Canadien n'avait jamais réalisé que cela lui conférait de facto la double citoyenneté!

Si vous êtes un snowbird, il est relativement facile de s'en sortir. Mais il faudra faire vos calculs comme il faut.

Sur trois ans, il ne faut pas demeurer plus de 182 jours aux États-Unis, en incluant toutes les journées de l'année en cours, le tiers des journées de l'année précédente et le sixième des journées de la deuxième année précédente.

Suivant cette formule, vous dépasserez la limite si vous avez passé 122 jours par année aux États-Unis depuis trois ans (122 jours en 2013 + 41 jours en 2012 + 20 jours en 2011 = 183 jours). Grosso modo, cela fait quatre mois par année. Mais chaque jour compte. Et les douaniers vous ont à l'oeil.

Passé ce seuil, vous serez considéré comme un résident fiscal américain... à moins de remplir une déclaration de revenus accompagnée d'un formulaire 8833. Ce n'est rien de compliqué, mais il faut le faire. Et consulter un spécialiste pour se faire expliquer les nombreux détails.

Sinon, gare aux pénalités.