C'est une question qui revient très souvent chez les retraités: comment faire pour puiser dans mon REER sans payer trop d'impôt? Pour un grand nombre d'entre eux, la meilleure méthode est de sortir leurs épargnes d'un coup sec.

Surprenant? Attendez, je vous explique...

D'abord, il faut comprendre que le régime enregistré d'épargne-retraite (REER) est un mécanisme de report de l'impôt. Quand vous cotisez, vous obtenez une déduction fiscale. Mais quand vous ressortez l'argent, il faut payer l'impôt.

Normalement, le REER permet quand même d'économiser de l'impôt, car votre taux d'imposition devrait être inférieur à la retraite.

Mais c'est loin d'être vrai pour tout le monde. Certains retraités à faibles revenus ont un taux d'imposition marginal effectif qui atteint 85 %. Autrement dit, pour chaque dollar qu'ils retirent de leur REER, ils se font bouffer 85 cents par le fisc.

Vous ne me croyez pas? Pour en avoir le coeur net, allez voir les courbes de Claude Laferrière (https://cqff.com/claude_laferriere/accueil_courbe.htm) qui révèlent votre véritable taux d'imposition, selon votre situation familiale et vos revenus.

Ce précieux outil tient compte non seulement des grilles d'imposition habituelles, mais aussi des crédits, prestations et mesures fiscales. Et je vous jure que ça fait toute une différence !

Pour les retraités, c'est le supplément de revenu garanti (SRG) qui a le plus d'impact.

À partir de 65 ans, les personnes à faibles revenus ont droit au SRG qui peut atteindre 9000 $. Mais cette somme diminue rapidement lorsque les revenus augmentent. Le SRG disparaît entièrement dès que les autres revenus du retraité dépassent 16 700 $ par année, sans compter la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV).

Ainsi, le retraité qui sort 1000 $ de son REER perd 500 $ de SRG. Cet impôt déguisé de 50 % est particulièrement frustrant pour des gens peu nantis qui se sont donné la peine d'économiser durant toute leur carrière.

C'est pourquoi beaucoup de travailleurs à faibles revenus (sauf peut-être ceux qui ont de jeunes enfants) ont plutôt avantage à économiser dans un compte enregistré libre d'impôt (CELI) qui n'a pas cet effet pervers. Mais ça, c'est une autre question...

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Revenons au retraité à faibles revenus qui a économisé toute sa carrière dans un REER.

Pour éviter de perdre son SRG, il est souvent préférable de sortir l'argent d'un coup sec, comme le démontre un scénario préparé par Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et conseil, chez Banque Nationale Gestion privée 1859.

Prenons Robert, 65 ans. Comme son employeur n'offrait pas de régime de retraite, il a économisé 200 000 $ dans son REER. C'est tout ce dont il dispose pour sa retraite, à part une rente de 8000 $ de la Régie des rentes du Québec.

En puisant dans son REER petit à petit jusqu'à la fin de ses jours, Robert pourrait avoir un train de vie de 21 000 $ par année, en incluant sa PSV et son SRG.

Mais il peut faire mieux. Comment ? Il faudrait qu'il vide son REER immédiatement. Pas question de dépenser cet argent ! Il doit le transférer dans son CELI.

Dès cette année, Robert pourra y mettre 31 000 $, plafond des droits de cotisation inutilisés pour les épargnants qui n'ont pas encore profité du CELI depuis son lancement en 2009. Ensuite, il pourra y glisser 5500 $ par année, pour mettre ses rendements à l'abri de l'impôt.

Bien sûr, Robert paiera beaucoup d'impôt sur son retrait unique du REER. Mais ce sera moins pire que s'il sortait l'argent graduellement, ce qui réduirait son SRG chaque année.

Le résultat est probant. En suivant cette recette, il pourra se permettre de dépenser 23 000 $ au lieu de 21 000 $. C'est 2000 $ de plus dans ses poches chaque année. Fantastique!

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Cette stratégie devrait être payante pour un grand nombre de retraités à faibles revenus, estime M. Laverdière.

Afin d'éviter de perdre son SRG, certains retraités pourraient aussi songer à retirer leur REER sur quelques années, un peu avant d'atteindre l'âge de 65 ans.

Et si vous avez la chance d'avoir un beau-frère fiscaliste, il pourra vous expliquer une autre petite « twist » qui permet de sortir votre argent du FERR d'un seul coup, après 65 ans, sans jamais perdre votre SRG, en demandant à Ottawa de calculer votre SRG sur vos revenus estimés de l'année suivante.

Mais il faut être très vigilant, car ce tour de passe-passe comporte plusieurs écueils. Et malheureusement, les retraités à faibles revenus n'ont probablement pas les moyens de payer les honoraires d'un fiscaliste.

C'est dommage, car pour eux, chaque dollar compte.

D'ailleurs, les institutions financières qui se concentrent beaucoup sur la clientèle fortunée devraient créer des outils pour aider la clientèle à plus faibles revenus à maximiser le SRG. Après tout, la moitié des retraités au Québec en reçoit. Pour eux, ça fait une grosse différence.