Beaucoup de Québécois sont des cancres de la finance. Ne leur parlez pas d'amortissement, d'intérêts composés ou de fonds négociés en Bourse. La moitié ne sait pas de quoi il s'agit.

Ils sont bien mal outillés pour naviguer dans l'univers de la finance personnelle, qui s'est énormément complexifié. Juste dans les fonds communs, on compte 16 000 possibilités de placement!

Pourtant, les Québécois ont de plus en plus de responsabilités. La plupart doivent prendre leur retraite en main, faute d'avoir un régime de retraite qui leur promet une rente jusqu'à la fin de leurs jours.

Mais au rythme où les Québécois épargnent, une grande portion de la classe moyenne ne pourra pas maintenir sa qualité de vie à la retraite.

Tandis que le taux d'épargne fond, le taux d'endettement bat des records. Depuis 25 ans, l'endettement des Canadiens a explosé de 90 à 163 %. Et les faillites ont augmenté de façon exponentielle. Le taux d'insolvabilité est passé de 1,3 personne par millier d'habitants en 1987 à 4,6 en 2011.

Aïe ! Que faire, docteur? Depuis quelques années, la littératie financière s'est présentée comme une panacée.

En 2009, Ottawa a mis sur pied le Groupe de travail sur la littératie financière. Parmi ses recommandations : intégrer la littératie financière dans les programmes scolaires. Au Québec, ces notions ont été évacuées depuis l'abolition du cours d'économie obligatoire en 2009.

Partout dans le monde, les gouvernements ont injecté des milliards pour accroître la littératie financière, depuis la crise du crédit en 2008.

Or, une vaste étude arrive à la conclusion que tous ces efforts donnent des résultats «minuscules». Trois universitaires ont passé en revue pas moins de 168 études sur la littératie*.

Leur triste constat est comme une claque en plein visage pour une journaliste comme moi qui s'évertue à améliorer les connaissances du public depuis plus de 15 ans!

Et le plus déprimant, c'est que l'efficacité de l'éducation financière est encore plus faible chez les personnes à faibles revenus, ceux qui ont le plus besoin d'aide.

Malgré tout, il ne faut pas rendre les armes. L'étude fait ressortir des pistes intéressantes...

1- L'orientation des choix

Même avec de bonnes connaissances, les gens ne passent pas toujours aux actes. C'est la loi de l'inertie. Pour la combattre, il faut mettre les gens devant le fait accompli, orienter leurs choix sans les contraindre.

Au Danemark, le don d'organe est l'option par défaut et le nombre de dons est très élevé, tandis que les dons sont très faibles au Canada où les gens doivent donner leur autorisation.

S'il est adopté, le futur Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER) s'appuiera sur ce principe. Au Québec, tous les travailleurs qui n'ont pas déjà de régime de retraite cotiseront automatiquement une partie de leur salaire. Les choix de placements seront limités pour éviter les erreurs et les frais de gestion seront très bas.

Le hic, c'est que les options par défaut ne s'appliquent pas dans tous les domaines ni pour tous les profils.

2- L'éducation sur mesure

Les efforts d'éducation financière sont vite périmés. Une formation d'une heure applicable immédiatement aura autant d'effet qu'une formation de 12 heures que le participant mettra en pratique seulement 10 mois plus tard. Et après un an et demi, tout est oublié!

Alors inutile de parler d'hypothèque ou de REER à des élèves de 5e secondaire. C'est comme prêcher dans le désert.

Pour avoir un impact, l'éducation financière doit être taillée sur mesure et aboutir à une décision financière précise et immédiate. Le coaching est plus efficace que l'enseignement théorique.

3- L'information à la demande

Au lieu de donner un cours de 40 heures couvrant une foule de sujets, il est préférable de traiter les questions une à la fois, à des moments charnières de la vie: l'achat d'une voiture, le renouvellement d'une hypothèque, etc.

Les gens sont portés à changer leurs habitudes lorsqu'ils sont dans une période de transition. Ainsi, des cours sur le budget seront plus efficaces au début de l'année scolaire qu'au milieu d'un trimestre.

Idéalement, l'information donc doit être disponible à la demande. Le malheur, c'est que beaucoup de gens ne vont pas la chercher quand ils en ont besoin. Et ceux qui fouillent sont souvent déroutés par la multitude de sources, certaines moins objectives que d'autres.

4- Plus de concret, moins de flou

La finance personnelle est remplie de nuances. Il est ardu de donner des conseils qui sont bons pour tout le monde. Mais on constate que les règles générales sont plus efficaces que les «ça dépend de ton profil».

Un truc comme «Cotise au maximum à ton REER» aura plus de chance d'être suivi qu'un cours théorique sur la planification de la retraite.

5- La transparence intelligente

Outre la littératie financière, les gouvernements ont forcé les entreprises à être plus transparentes pour aider les clients à faire des choix éclairés.

Mais trop, c'est comme pas assez. Qui lit vraiment les modalités de vente d'iTunes qui s'étirent sur 56 pages avant d'acheter une chanson à 99 cents? Qui a lu les 60 pages de son acte de prêt hypothécaire? Oui, vous! Et vous avez compris tout ce charabia?

Il faut forcer les entreprises à présenter l'information de manière intelligible. Un bel exemple : les investisseurs auront bientôt droit à un relevé de compte présentant clairement les rendements et les frais.

6- Une réglementation plus serrée

La littératie et la transparence, c'est bien beau, mais il faut aller plus loin. Tout ne repose pas sur le dos des consommateurs.

Prenez la crise du crédit. Était-ce à cause de la faible littératie financière des consommateurs? Ou était-ce la faute de banques qui leur ont proposé des hypothèques exotiques leur permettant d'acheter des maisons dont ils n'avaient pas les moyens?

Parfois, une réglementation plus serrée est le meilleur moyen d'éviter les dérives.

*Financial Literacy, Financial Education and Downstream Financial Behaviors, Daniel Fernandes, John G. Lynch Jr et Richard G. Netemeyer.