Branle-bas de combat dans l'industrie de la construction. La Régie du bâtiment du Québec, les représentants de consommateurs, les associations de constructeurs... Jeudi dernier, tout le monde a défilé dans le bureau de la ministre du Travail, Agnès Maltais, qui s'apprête à faire du ménage dans les plans de garantie des maisons neuves.

Il est grand temps d'agir. On ne veut plus voir de catastrophe comme celle de Trois-Rivières où un millier de propriétaires ont découvert de la pyrrhotite dans leurs fondations. Un cauchemar de 80 millions de dollars.

Mais l'histoire de la pyrrhotite n'est que la pointe de l'iceberg. De nombreux propriétaires, pris avec des travaux bâclés, sont obligés de se battre pour faire appliquer leur garantie, comme l'a démontré l'excellent dossier de ma collègue Isabelle Ducas, la semaine dernière. («Maisons neuves: propriétaires au bord de la crise de nerf»)

En 2011, le gouvernement libéral avait pris le taureau par les cornes, en décidant de retirer l'administration des plans de garantie des mains des associations de constructeurs afin d'éliminer toute apparence de conflit d'intérêts.

Mais les consommateurs en voulaient plus. Ils réclamaient un organisme unique pour réduire les frais administratifs qui grugent 37% des cotisations. Mais surtout, ils voulaient avoir le même poids que les constructeurs au conseil d'administration de ce futur organisme.

En effet, il n'y a pas de raison de laisser le gros bout du bâton aux constructeurs, puisque ce sont les cotisations des consommateurs qui financent les plans de garantie à 100%.

Bonne nouvelle: Québec ira de l'avant avec un organisme unique où consommateurs et constructeurs auront le même poids. Le nouveau projet de règlement devrait être présenté d'ici quelques jours.

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Mais il restera encore bien des trous dans la couverture. Actuellement, les garanties ne s'appliquent ni aux édifices de plus de quatre unités de hauteur ni aux projets de transformation de bâtiments existants en copropriétés.

Ces projets sont très populaires. Et il est injuste que les acheteurs ne bénéficient pas des mêmes protections que les autres.

Mais les acheteurs qui ont une garantie peuvent aussi se faire jouer de mauvais tours, car les plans comportent des exclusions importantes: aménagement paysagé, sol contaminé, hypothèque légale prise par les fournisseurs que l'entrepreneur n'a pas payés, etc.

Sans la garantie de maison neuve, le propriétaire doit intenter une poursuite devant les tribunaux. À la cour des petites créances, les problèmes liés à l'habitation représentent près d'un dossier sur dix, selon une étude réalisée par Cécile Pilarski, de l'Association des consommateurs pour la qualité de la construction (ACQC), qui a prononcé une conférence, jeudi dernier, lors du colloque de la Fondation Claude Masse portant sur le droit de la consommation dans l'immobilier.

Après avoir fouillé près de 300 décisions, elle a constaté que les entrepreneurs ont plus souvent gain de cause que les consommateurs. Ces derniers ne font pas le poids devant les constructeurs qui arrivent avec des experts. Trop souvent, les consommateurs n'ont pas de preuves suffisantes et ils ne connaissent pas assez les lois.

Il faut dire qu'en matière d'immobilier, les lois sont complexes et déficientes. Pourtant, 57% des Québécois sont propriétaires. La maison est leur principale source d'endettement et leur actif le plus important, a rappelé Pierre-Claude Lafond, professeur de droit à l'Université de Montréal.

Dans la Loi sur la protection du consommateur, il faudrait ajouter un chapitre complet sur l'immobilier!

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Mais revenons au plan de garantie des maisons neuves. Il serait souhaitable d'offrir une couverture plus large et plus généreuse, tout en améliorant la qualité de construction afin de réduire les plaintes.

Pour y arriver, il faudrait prévoir des inspections obligatoires durant le chantier, pas juste à la fin. Quand les murs sont fermés, il est trop tard.

Ces inspections pourraient coûter environ 1,5% du prix de la maison. Bien sûr, une facture de 4500$ sur une maison de 300 000$ peut sembler énorme. Mais il faut le voir comme un investissement. Plus il y aura d'inspections en amont, moins il y aura de problèmes plus tard.

En Ontario, on dénombre à peine 2% de plaintes, par rapport à plus de 7% au Québec. Devinez pourquoi? Chez nos voisins, les inspections sont beaucoup plus fréquentes. À Ottawa, par exemple, il y a 12 niveaux d'inspection. Quand on traverse le pont, pratiquement rien! En fait, les inspecteurs en bâtiment se font souvent refuser l'accès au chantier au Québec.

Pour réduire les coûts, on pourrait miser sur une inspection graduée, une idée qui fait tranquillement son chemin dans le milieu.

Le nombre d'inspections dépendrait de l'historique de plaintes de l'entrepreneur. Après quelques années, on réduirait les inspections pour les premiers de classe, mais on enverrait davantage d'inspecteurs chez ceux qui obtiennent un B, un C ou un D.

Un tel mécanisme créerait un cercle vertueux. Les entrepreneurs auraient avantage à bien travailler... surtout si on dévoile leur note au grand public.

Du même coup, on réglerait le problème des entrepreneurs qui changent sans cesse de nom d'entreprise, pour se défiler de leurs obligations. En attendant de rebâtir leur historique, ils auraient des inspecteurs sur les talons.