Le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a eu beau répéter aux Canadiens qu'ils sont trop endettés. L'ancien patron de la Banque du Canada Mark Carney a eu beau nous prévenir que les dettes des ménages sont la principale menace intérieure à l'économie canadienne. Rien n'y fait.

Le taux d'endettement des ménages vient d'atteindre un sommet historique. Un autre ! Pompé par la hausse des prêts hypothécaires, leur ratio d'endettement a touché 163,4 % au deuxième trimestre. Cela signifie qu'un ménage qui aurait des revenus disponibles (après impôts) de 100 000 $ devrait composer avec des dettes de 163 400 $.

C'est comme si les Canadiens n'avaient tiré aucune leçon de la crise du crédit de 2008. Ici, le prix des maisons reste en ascension, tout comme les hypothèques.

Le marché de la revente de maisons roule encore à fond, comme en témoignent les données du mois d'août dévoilées, lundi, par Statistique Canada. Sur un an, les ventes de maisons existantes ont augmenté de 11 % et la variation annuelle des prix s'élève à 8 %.

Toutefois, le Québec se détache du lot avec un repli des ventes de 1 % et une augmentation des prix de seulement 0,4 %, de loin le résultat le plus faible de toutes les provinces, constate Benoit P. Durocher, économiste principal aux Études économiques Desjardins.

« C'est une bonne et une mauvaise nouvelle, admet l'économiste. Mais il est rassurant de constater que le ralentissement tant souhaité se concrétise au Québec. »

Au Canada, c'est une autre histoire. Les interventions d'Ottawa n'ont pas réussi à ramener l'immobilier et l'endettement des ménages sur terre. Pourtant, le gouvernement est intervenu quatre fois depuis 2008 pour resserrer les règles de prêts hypothécaires. Entre autres, la période d'amortissement maximale a été ramenée à 25 ans pour les prêts assurés par la SCHL.

Mais cela n'a pas été suffisant, puisque le taux d'endettement des Canadiens, qui était sous la barre des 140 % avant la crise du crédit, a grimpé d'environ 25 points depuis.

Aujourd'hui, l'endettement des Canadiens dépasse largement celui des Américains qui est retombé à 145 %.

Mais la comparaison des ratios n'est pas parfaite, notamment parce que les revenus disponibles des Canadiens tiennent compte du fait que les contribuables paient beaucoup plus d'impôts, en échange desquels ils obtiennent plusieurs services que les Américains doivent payer de leurs poches.

En ajustant les données canadiennes pour les rendre plus comparables à celles des États-Unis, on réalise que le ratio d'endettement des Canadiens est actuellement de 152 %... ce qui reste inférieur au sommet de 169 % atteint aux États-Unis juste avant l'éclatement de la bulle.

Mais attention : le sommet américain n'est pas un but à atteindre ! « On ne peut pas dire que rien de grave ne surviendra tant qu'on reste en dessous de ce niveau », dit M. Durocher.

Alors, prudence ! Pour l'instant, les ménages ne sentent pas le poids de leurs dettes. Grâce aux taux d'intérêt anémiques, ils ont les moyens de faire leurs paiements. Mais gare à ceux qui ont un budget serré ! Si les taux remontent, ils vont y goûter.

Le marché hypothécaire vient de leur lancer un coup de semonce. Depuis l'été, les taux affichés pour une hypothèque de cinq ans sont remontés de 25 points, à 5,34 % (vous pouvez facilement négocier un taux autour de 3 à 3,5 %).

Il n'y a pas de quoi partir en peur. Personne ne prévoit une explosion des taux prochainement. Chez Desjardins, on s'attend à ce que le taux affiché remonte graduellement, à 5,45 % d'ici la fin de 2013, puis à 5,80 % d'ici la fin de 2014.

Il s'agit d'une hausse d'environ 50 points. Rien de trop énervant. N'empêche, il ne faut pas tenter le diable.

Alors, posez-vous la question : seriez-vous capable de faire face à une augmentation importante des taux d'intérêt ?

Disons que vous avez une hypothèque de 100 000 $. Les mensualités sont de 500 $ avec un taux d'intérêt de 3,5 %. Elles augmenteront d'environ 55 $ si le taux monte à 4,5 %, et de 110 $ si le taux atteint 5,5 %.

Il s'agit d'une ponction d'environ 1300 $ (après impôts) dans votre budget annuel. Seriez-vous capable de payer ? Si vous êtes déjà pris à la gorge par les dettes, peut-être que non. C'est le temps d'agir. Pas quand vous serez complètement étouffé.