Même après Norbourg, Earl Jones, Mount Real et tous les autres scandales qui ont ébranlé les marchés financiers, les investisseurs ne sont guère mieux indemnisés en cas de fraude financière.

Et ce n'est pas près de changer, si l'on se fie aux recommandations que l'Autorité des marchés financiers (AMF) vient de présenter dans le cadre du projet de réforme du Fonds d'indemnisation des services financiers (FISF). Dommage, ça fait presque huit ans qu'on en parle! Et pour cause.

Depuis sa création en 1999, le fonds a versé près de 50 millions de dollars à quelque 1400 victimes. Cela représente à peine 20% des montants réclamés par les épargnants lésés, un chiffre qui révèle les lacunes importantes du FISF.

Une première consultation publique a eu lieu en 2006, suivie par des audiences en 2007. À la demande de Québec, l'AMF a lancé une autre consultation en 2010. Mais à l'issue de ce long processus, les groupes de défense des épargnants n'ont pas de quoi faire la fête.

Il n'y a rien dans les recommandations formulées par l'AMF qui aurait permis aux victimes de Norbourg ou d'Earl Jones de récupérer leurs économies plus facilement.

Présentement, le fonds couvre uniquement les épargnants qui sont victimes d'une fraude de la part de certains intermédiaires de marché, comme les représentants en assurance et les représentants en épargne collective qui distribuent des fonds communs de placement.

Pas question d'élargir la couverture aux courtiers ou aux gestionnaires de fonds, comme certains le souhaitaient. L'AMF considère que ce n'est pas le mandat du fonds, qui se concentre sur la distribution des produits financiers.

C'est quand même regrettable, car les fraudes émanent souvent des manufacturiers de produits plutôt que des distributeurs.

Dans le cas de Norbourg, à peine 10% des victimes ont pu être indemnisées par le FISF en 2007. Les autres n'étaient pas admissibles, car elles avaient investi dans les fonds Norbourg par l'intermédiaire d'un conseiller qui n'était pas un fraudeur lui-même. Ces victimes ont dû lancer un recours collectif, notamment contre l'AMF, pour récupérer leur argent.

Un élargissement du Fonds leur aurait épargné ce processus long et pénible. Mais ce n'est pas dans les cartes.

L'AMF ne recommande pas non plus d'étendre la couverture du fonds d'indemnisation aux victimes de fraudeurs financiers qui n'ont aucune licence, comme Earl Jones.

Ces cas représentent plus du tiers (36%) des réclamations rejetées par le Fonds depuis 1999. Mais l'AMF considère que c'est à l'investisseur de vérifier avec qui il fait affaire en consultant le «Registre des entreprises et individus autorisés à exercer» qui se trouve sur son site web (www.lautorite.qc.ca/fr/registre-entreprise-individu-fr-conso.html).

En effet, il s'agit d'une démarche simple qui permet de prévenir la fraude. Mais ce ne sont pas tous les investisseurs qui connaissent le Registre, malgré les campagnes de sensibilisation de l'AMF.

Je peux comprendre que le FISF ne couvre pas la terre entière, qu'il n'indemnise pas les investisseurs qui ont confié leurs économies au premier bandit venu sans prendre des précautions de base.

N'empêche, qu'advient-il si un conseiller légitime perd sa licence sans en informer ses clients? On ne peut pas s'attendre à ce que les investisseurs vérifient chaque mois si leur conseiller a encore son permis. Je reste donc partagée.

Il y a quand même des recommandations intéressantes qui ressortent du rapport de l'AMF.

Ainsi, les investisseurs pourraient être indemnisés lorsqu'ils sont victimes d'un conseiller qui possède une licence, mais qui a commis une fraude dans un domaine qui n'est pas relié à son permis (ex.: le placement au lieu de l'assurance).

Voilà une excellente nouvelle, car il s'agit du plus fréquent motif de refus de réclamation par le FISF. Alors que les produits financiers sont de plus en plus nombreux et complexes, on ne peut pas demander aux épargnants de cerner exactement ce qui fait partie du champ d'activité de leur conseiller.

Autre changement dans l'air: l'AMF propose d'introduire une coassurance. Au lieu de récupérer 100% de l'argent perdu, les victimes de fraude recevraient 85% de la somme, par exemple.

L'Autorité suggère aussi de créer une réserve pour le Fonds d'indemnisation, qui est très peu capitalisé. Cela éviterait de voir bondir les primes payées par l'industrie financière lorsqu'une fraude majeure survient et qu'il faut payer les pots cassés. Encore là, il s'agit d'une bonne idée.

Reste que dans l'ensemble, le projet de réforme du fonds laisse les épargnants sur leur faim. On passe à côté d'une belle occasion d'innover et de se doter d'un mécanisme qui protégerait vraiment les investisseurs contre les fraudes qui risquent de leur exploser à la figure au cours des prochaines années.