On ne peut pas reprocher à la Régie des rentes du Québec de gérer «à la cenne» le programme de Soutien aux enfants. Mais parfois, la Régie va un peu vite en affaires. Un peu trop vite au goût du Protecteur du citoyen, qui vient d'enquêter sur ses méthodes de recouvrement.

Chaque année, la RRQ vient reprendre des millions dans les poches des familles qui ont reçu trop de prestations.

L'an dernier, par exemple, la RRQ est venue rechercher 91 millions, ce qui représente un bon 4 % des sommes accordées. En 2012, la Régie a versé 2,1 milliards en paiements de Soutien aux enfants à quelque 863 000 familles québécoises. Cela représente environ 2400 $ par famille. Un beau coup de main.

Le programme qui a remplacé les anciennes allocations familiales en 2005 est encore plus payant pour les familles à revenus modestes, particulièrement les familles monoparentales, qui obtiennent facilement 4000 $ par année.

Mais quand la Régie s'aperçoit qu'un parent a touché des prestations en trop, intentionnellement ou non, elle prend les grands moyens pour récupérer l'argent... comme hypothéquer votre maison.

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C'est exactement ce qui s'est produit dans un dossier sur lequel le Protecteur du citoyen vient de se pencher.

Pendant des années, un citoyen a reçu 25 000 $ en paiement de Soutien aux enfants, alors qu'il n'y était pas admissible. Découvrant l'erreur, la RRQ lui a demandé de rembourser la somme. Aïe !

Le père a fait une demande de révision à la Régie, comme tous les parents mécontents peuvent le faire. Mais la RRQ a maintenu son verdict.

À partir de ce moment, la RRQ a donné un ultimatum de 60 jours au père pour rembourser sa dette. Comme le père était toujours insatisfait de la décision de la RRQ, il a décidé de porter l'affaire en appel devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ).

Mais la RRQ n'a fait ni un ni deux. Dès l'expiration du délai de 60 jours, elle a transféré la dette du citoyen à Revenu Québec qui a inscrit une hypothèque légale sur sa propriété.

Or, la loi prévoit que la RRQ doit attendre la décision finale avant de transférer un dossier à Revenu Québec. Cela signifie que si un contribuable veut porter la décision de la RRQ en appel, celle-ci doit patienter avant de lancer les procédures de recouvrement.

Dans le cas présent, non seulement la Régie ne s'est pas assurée que la décision était finale, mais quand elle a appris que le dossier était rendu devant le TAQ, elle n'a rien fait pour demander à Revenu Québec de stopper les procédures de recouvrement.

Autrement dit, la Régie a court-circuité le recours judiciaire du citoyen.

Heureusement, le Protecteur du citoyen a rappelé la RRQ à l'ordre. Finalement, Revenu Québec a radié l'hypothèque, a effacé les intérêts courus et a renvoyé la dette à la Régie des rentes.

Rassurez-vous, la RRQ a modifié ses procédures en ajoutant un délai supplémentaire de 10 jours avant d'envoyer des dettes en recouvrement, question d'éviter que des problèmes semblables se reproduisent.

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Car il faut le dire, cette affaire est loin d'être un cas unique. Chaque année, la Régie des rentes procède au recouvrement de millions de dollars de paiements de Soutien aux enfants versés en trop.

En 2012, elle a transféré 9 millions de dollars de mauvaises créances à Revenu Québec. Revenu Québec estime qu'en trois ans, 71 % de la dette est remboursée.

Mais la plupart du temps, la Régie se paie elle-même en coupant les paiements des parents lorsqu'ils sont encore admissibles. L'an dernier, elle a récupéré 73 millions de dollars de cette façon.

D'ailleurs, ce processus a aussi fait l'objet d'une enquête du Protecteur du citoyen.

La RRQ avait coupé les paiements d'une mère monoparentale qui avait un enfant handicapé. La femme avait avisé la RRQ qu'elle venait d'avoir un deuxième enfant avec son nouveau conjoint.

C'est ainsi que la Régie a réalisé qu'elle avait reçu des prestations en trop, car elle était passée du statut de mère monoparentale à conjointe de fait, ce qui réduit les paiements. Pour lui faire rembourser la somme, la RRQ a donc coupé ses versements en entier pendant quelque temps.

Erreur! La RRQ n'a pas suivi ses propres règles, a constaté le Protecteur du citoyen. Quand le revenu familial est inférieur à 35 000 $, la Régie ne peut réduire les versements que de 50 %, jusqu'à ce que la somme soit remboursée au complet. Finalement, tout s'est arrangé.

Mais cette histoire a fait ressortir à quel point les familles sont mal informées des règles entourant le programme de Soutien aux enfants. Trop peu de parents savent qu'ils doivent avertir la Régie de leur changement de statut matrimonial.

Suivant les recommandations du Protecteur du citoyen, la Régie a ajouté une mention sur l'avis de paiement que reçoivent les parents. On y souligne l'importance de communiquer rapidement avec la Régie en cas de changement à leur situation familiale. L'avez-vous lu ?

Ne badinez pas avec ça. Sinon, vous pourriez vous retrouver avec une dette-surprise de plusieurs milliers de dollars. Ou une hypothèque sur votre maison.