Les commerçants qui ont déçu leurs clients ont-ils encore une chance de les reconquérir? Oui, c'est possible, vient d'établir une étude qui sera publiée en septembre dans le Journal of Retailing. Une entreprise peut obtenir le pardon d'un consommateur, même quand elle l'a déçu deux fois plutôt qu'une, comme cela se produit trop souvent.

Un exemple? Attendez, je vous raconte une histoire récente dont j'ai eu vent... Un couple de Montréalais commande un plateau-repas à bord d'un avion d'Air Canada. Déjà, ils sont froissés d'avoir à payer leur nourriture durant un vol de plus de cinq heures.

Mais leur insatisfaction grimpe d'un cran en goûtant au plat. Ouache! Le boeuf est dur comme du béton, la sauce ultrasalée. Première frustration. L'agent de bord leur avoue que la viande est toujours trop cuite, un sujet de plainte régulier. «Ç'aurait été bien de nous prévenir», s'offusque le couple qui demande un remboursement. Impossible, répond l'agent de bord. Deuxième frustration.

Mais tout n'est pas perdu. Les entreprises peuvent regagner le coeur de leurs clients, même après une succession d'échecs de service, selon le coauteur de l'étude, Yany Grégoire, professeur agrégé à HEC Montréal. Et ça vaut le coût...

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À l'ère des médias sociaux, les clients ont pris l'habitude de se venger lorsqu'ils estiment avoir été victimes d'une injustice de la part d'un commerçant. En racontant leur mauvaise expérience sur des blogues, Facebook ou Twitter, ils font un tort énorme à la réputation de l'entreprise. C'est comme du bouche-à-oreille négatif, au cube.

La plupart du temps, les clients qui se vengent sont ceux qui ont été doublement éconduits par un commerçant. Pour se réconcilier avec le client, l'entreprise doit alors démontrer ses bonnes intentions, dit M. Grégoire. Le client pardonnera plus facilement s'il réalise que le problème qu'il a vécu ne découle pas d'une mauvaise intention. Et la meilleure façon de convaincre un client est d'écouter sa plainte, puis de lui expliquer la situation afin de lui démontrer que l'entreprise est de bonne foi.

Or, les entreprises ont souvent le réflexe contraire, déplore M. Grégoire. Elles ne prennent pas le temps d'écouter les plaintes, considérant leur département des plaintes un centre de coûts plutôt que comme un outil pour rebâtir la relation avec la clientèle.

D'autres entreprises ne donnent aucune information aux plaignants, suivant les conseils de leurs avocats qui craignent que ces explications fournissent des arguments supplémentaires aux clients qui pourraient intenter une poursuite. «Mais si le commerçant ne dit rien, ça tue le processus de réconciliation, prévient M. Grégoire. Fournir l'information, c'est l'antidote le plus puissant pour lutter contre les vengeances des consommateurs.»

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Pour obtenir le pardon d'un client, les entreprises doivent aller plus loin, en offrant des excuses. Et pour que les excuses soient vraiment efficaces, l'entreprise doit aussi accorder une indemnité. Cela prouve au consommateur que l'entreprise est prête à faire un sacrifice financier pour regagner sa confiance. Cela démontre que les excuses sont vraiment sincères.

Mais gare au commerçant qui offrira un cadeau, sans s'excuser. Le consommateur aura l'impression que l'entreprise essaie d'acheter son pardon. Ça ne marche pas! Excuses et indemnité vont de pair. L'un ne va pas sans l'autre.

Combien faut-il offrir pour obtenir le pardon d'un client? M. Grégoire a réussi à le quantifier dans le cadre d'une autre étude. Il s'est penché sur la réaction de clients déçus d'apprendre que l'hôtel réservé était en réparation. Un crédit de 20 à 30 % a permis d'obtenir le résultat le plus optimal. Avec un tel dédommagement, les clients ont été satisfaits de leur séjour à l'hôtel, malgré les inconvénients. Étonnamment, les clients qui ont préféré changer d'hôtel ont été satisfaits d'un remboursement variant entre 70 et 90 %.

Quand les consommateurs assument une partie de la responsabilité, ils n'exigent pas un remboursement complet, explique M. Grégoire.

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Qu'en est-il de notre couple qui s'est cassé les dents sur son plat de boeuf? A-t-il pardonné à Air Canada? Au lieu de les rembourser, l'agent de bord leur a remis une carte qui devait permettre aux clients de se plaindre sur l'internet. Or, le formulaire de plainte en ligne ne permettait pas à la cliente d'exposer son problème.

En 24 h, la cliente a reçu une réponse automatique lui accordant 5 % de rabais applicable sur un prochain vol. Mais attention, le transporteur précise que l'indemnité «ne constitue en aucune façon une reconnaissance de responsabilité. Il s'agit plutôt d'un geste de bonne volonté visant à vous remercier de votre clientèle». Ça sent l'avocat à plein nez! Impossible de téléphoner au service à la clientèle. Il n'y a pas de numéro de téléphone!

Air Canada ne prend plus les plaintes de vive voix, contrairement à d'autres transporteurs comme West Jet ou Air Transat qui répond en moins de 5 minutes. La cliente aurait pu envoyer sa plainte par écrit, mais elle a laissé tomber. Elle n'a jamais eu l'impression qu'on lui avait présenté des excuses sincères. Et le rabais de 5 % n'a aucune valeur à ses yeux, car cela l'oblige à voyager avec Air Canada. Après sa mauvaise expérience, elle a plutôt l'intention d'éviter le transporteur.