Créer une rente de longévité? Bonifier le Régime de rentes du Québec? Miser sur le futur Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER)? La commission parlementaire qui doit donner suite au rapport D'Amours sur notre système de retraite a reporté ses travaux en août prochain.

Pendant que Québec tergiverse, de nombreux pays ont réformé leur système de retraite il y a déjà plusieurs années. Certains ont repoussé l'âge de la retraite, comme le Canada. Mais ce n'est pas assez, a prévenu Anna Cristina D'Addio, économiste à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Elle participait, au début de la semaine, à la première Conférence internationale de Montréal sur la retraite. À ses côtés, des représentants de plusieurs pays qui ont revu leur système de retraite en profondeur sont venus faire part de leur expérience. Il y a des leçons intéressantes à tirer de leurs initiatives.

Volontaire, obligatoire ou par défaut?

Au Québec, il y a une carence d'épargne-retraite. La moitié des travailleurs n'ont aucun régime de retraite avec leur employeur. Et l'épargne volontaire, comme le régime enregistré d'épargne-retraite (REER), a ses limites. Que faire pour assurer une couverture adéquate à tous les travailleurs?

L'Australie a pris la méthode dure. Il y a 20 ans, à peine 40% des travailleurs étaient couverts par un régime de retraite. En 1992, le pays du kangourou a instauré un régime à cotisations déterminées obligatoire pour tous.

Au départ, l'Australie a fixé les cotisations à 3%, simplement parce qu'il s'agissait d'un niveau politiquement acceptable. Mais c'était clairement insuffisant, si bien que le taux a grimpé à 9%... et il atteindra 12% d'ici 2020. L'augmentation graduelle a permis de faire passer la pilule.

Un régime obligatoire est la façon la plus efficace de s'assurer que les gens seront prêts pour la retraite, considère Tony Lally, président de l'Association des caisses de retraite de l'Australie.

Peut-être, mais le mot «obligatoire» ne sonne pas très «british», plaisante Joanne Segars, chef de la direction de la National Association of Pension Funds. C'est pourquoi le Royaume-Uni, qui vient de lancer le NEST afin d'encourager les travailleurs à économiser en vue de la retraite, a plutôt choisi l'adhésion automatique avec option de retrait, la même formule que le futur RVER au Québec.

Par défaut, les travailleurs sont automatiquement inscrits, mais ils peuvent se retirer s'ils ne souhaitent pas cotiser. Pour l'instant, seulement 10% des travailleurs se sont retirés au Royaume-Uni. Mais si le pourcentage augmentait, le pays devrait sans doute changer son fusil d'épaule, avoue Mme Segars.

Choix de placement ou option par défaut?

En Suède, les travailleurs ont tous un compte d'épargne-retraite individuel dans lequel ils accumulent 2,5% de leur salaire chaque année, depuis 2000. Ils ont le choix entre quelque 800 fonds, car le pays voulait stimuler l'industrie financière et favoriser la concurrence.

Or, 40% des Suédois ont préféré laisser leurs cotisations dans l'option de placement par défaut gérée par le gouvernement. Et la Suède songe maintenant à réduire les options de placement, rapporte Edward Palmer, professeur à l'Université Uppsala, en Suède. Trop, c'est comme pas assez!

Même aux États-Unis, pays du libre choix, on a pris des mesures pour mieux guider les épargnants et réduire les risques de poursuites! Depuis 2006, les employeurs offrent des régimes avec adhésion automatique, avec un taux de cotisation qui augmente chaque année (sauf si on ne veut pas) et avec une option de placement par défaut (ex.: un fonds équilibré).

Grâce à ces mesures incitatives en douceur, les travailleurs américains économisent davantage pour la retraite. Mais on compte encore 39 millions d'Américains sans régime de retraite. Et 19 millions ont accès à un régime, mais préfèrent ne pas y participer.

Comment réduire les frais de gestion?

Avec les RVER, Québec promet que les frais de gestion resteront faibles, mais on ne sait toujours pas ce que cela veut dire, ni comment le gouvernement encadrera l'industrie.

En Suède, pays de 9 millions d'habitants, les institutions financières ont été forcées de limiter leurs frais de gestion (environ 0,4% par année), et l'option par défaut du gouvernement coûte à peine 0,12%. Des poussières par rapport aux frais de 2,25% de nos fonds communs!

Consensus parmi les experts: plus on regroupe les actifs, plus on réduit les frais de gestion, plus on réduit les erreurs de placement et plus on rehausse les rendements.

«Les Québécois critiquent souvent les rendements de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Mais ils devraient comparer leurs propres rendements avec ceux de la Caisse!», lance Claude Lamoureux, membre du comité D'Amours.

Et le décaissement?

Les régimes à cotisations déterminées gagnent en popularité aux quatre coins du monde, mais ils posent un problème qu'aucun pays n'a encore résolu. Comment assurer aux retraités des revenus jusqu'à la fin de leurs jours?

D'accord, les travailleurs peuvent s'acheter une rente avec l'argent qu'ils ont accumulé au fil de leur carrière. Mais chaque année, les Anglais perdent des tonnes d'argent parce qu'ils ont mal magasiné pour leur rente, parce que les produits ne sont pas transparents. «Ils se retrouvent à faire un mauvais choix qui les suivra jusqu'à la fin de leurs jours, car l'achat d'une rente est irréversible», rapporte Mme Segars.

C'est bien beau d'aider les gens à épargner pour la retraite, mais il faut aussi trouver une façon de leur permettre de convertir leur petit magot en une source de revenus stable pour le restant de leurs jours. Le défi du décaissement est aussi grand que celui de l'épargne. Mais la solution idéale reste à inventer.