Le fisc américain a resserré les mailles de son filet pour attraper les gros poissons qui cachent leur fric à l'étranger. Plus de formalités. Plus de contrôle. Et surtout, plus de pénalités. Avec son artillerie lourde, l'Internal Revenue Service (IRS) tire dans toutes les directions, y compris sur des Canadiens qui ne doivent pas un cent d'impôt aux États-Unis.

Les contribuables qui ont la double citoyenneté sont les premiers dans sa ligne de mire. Les Canadiens qui ont aussi leur citoyenneté américaine, parfois sans le savoir, pourraient vivre un vrai cauchemar.

Vous n'avez jamais fait votre déclaration de revenus aux États-Unis? Vous n'avez pas dévoilé vos comptes de placement? Et hop, 10 000 $ US de pénalité! Par compte. Et par année. «Oh my God!»

Environ 1 million de citoyens américains vivent au Canada. Plusieurs sont en état de panique. «Ils sont vraiment dans une mauvaise situation», constate Robert Chayer, fiscaliste associé chez Richter.

Mais les Canadiens «pure laine» pourraient aussi être la cible de l'IRS. C'est le cas des gens qui ont déjà travaillé aux États-Unis. Malgré l'expiration de leur green card, ils sont encore considérés comme des résidents américains s'ils n'ont pas déchiré officiellement leur carte verte.

Même les snowbirds risquent de se faire «plumer» par l'IRS. C'est le sujet «chaud» chez les fiscalistes, en ce moment, confie Marie-Claude Péthel, fiscaliste associée chez Demers Beaulne.

D'ailleurs, l'Ordre des comptables professionnels agréés (CPA) a encouragé les Québécois à vérifier s'ils sont en règle avec le fisc américain, dans un communiqué diffusé au début de la semaine.

La saga remonte à 2008. Un ancien employé d'UBS révèle au fisc américain que la banque suisse a aidé des milliers de riches Américains à dissimuler leur fortune.

En pleine crise financière, l'affaire fait scandale. Un comité du Sénat estime que l'argent caché dans des comptes étrangers fait perdre 100 milliards par année. L'administration Obama décide de serrer la vis.

En 2010, les États-Unis adoptent une loi obligeant les institutions financières étrangères, y compris les banques canadiennes, à fournir à l'IRS l'information sur les comptes détenus par des Américains.

En conséquence, de nombreux Américains établis au Canada qui n'ont jamais donné signe de vie au fisc américain vont bientôt apparaître sur le radar de l'IRS, exposent Kevyn Nightingale et David Turchen dans la Revue fiscale canadienne.

La loi entrera en vigueur le 1er janvier 2014. Tic tac, tic tac... Il est temps de mettre vos papiers en ordre.

Rappelons les règles: si vous êtes citoyen ou résident américain, vous devez faire une déclaration de revenus aux États-Unis. Vous devez aussi remplir un formulaire pour chaque compte à l'étranger, donc tous vos comptes au Canada: REER, CELI, alouette!

Par choix ou par ignorance, beaucoup n'ont jamais fait les démarches qui coûtent de 300 à 500 $ chez un professionnel. «Les lois existent depuis longtemps, mais l'IRS ne mettait pas trop de pression», explique Jean-François Poulin, fiscaliste associé chez Raymond Chabot Grant Thornton. Mais les temps ont changé...

Pour éviter les ennuis, les contribuables peuvent faire une divulgation volontaire en produisant rétroactivement leurs déclarations pour trois ans et leurs formulaires pour six ans. Cette mise à jour leur coûtera de 5000 à 10 000 $ d'honoraires.

L'exercice sera encore plus pénible pour ceux qui possèdent une compagnie ou une fiducie, car ils risquent de laisser plusieurs dizaines de milliers de dollars dans l'aventure!

Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que les demandes de renonciation à la citoyenneté américaine ont décuplé depuis 2008.

Venons-en aux snowbirds...

Si vous séjournez aux États-Unis plus de 182 jours par année, vous serez considéré comme un résident fiscal américain. En démontrant que vous avez des «liens plus étroits» avec le Canada, il vous est possible d'éviter la double imposition. Mais il vous faudra produire une tonne de paperasse.

Il vaut mieux ne pas rester plus de six mois aux États-Unis... surtout que vous risquez de perdre votre couverture d'assurance-maladie au Québec.

Or, le test de la «présence substantielle» peut réduire à quatre mois la durée maximale de votre séjour aux États-Unis.

Sur trois ans, il ne faut pas rester plus de 182 jours aux États-Unis, en incluant toutes les journées de l'année en cours, le tiers des journées de l'année précédente et le sixième des journées de la deuxième année précédente.

Suivant cette formule, vous dépasserez la limite si vous avez passé 122 jours par année aux États-Unis depuis trois ans (122 jours en 2013 + 41 jours en 2012 + 20 jours en 2011 = 183 jours).

Chaque fraction de journée compte pour une journée entière, précise Natalie Hotte, fiscaliste chez Banque Nationale Gestion privée 1859. Et maintenant, les douaniers enregistrent toutes vos allées et venues...

Heureusement, il suffit de remplir le formulaire 8840 pour éviter d'avoir le fisc américain sur les talons. Ce n'est rien de compliqué, mais il ne reste que deux semaines pour le faire, car la date limite est le 15 juin.

Si vous passez tout droit, les fameuses pénalités de 10 000 $ vous guettent.

Le plus bête de toute l'histoire, c'est que les snowbirds et les citoyens/résidents américains qui vivent au Canada n'ont souvent aucun impôt à payer aux États-Unis. Leur taux d'imposition au Canada est même plus élevé que de l'autre côté de la frontière. Pourtant, on les traite comme les fraudeurs qui font de l'évasion fiscale. Ridicule!