Le fisc a parfois des cadeaux de Grec pour les contribuables. C'est le cas du crédit pour dividendes. Il s'agit d'un bel avantage pour les investisseurs. Mais dans certains cas, le fameux crédit peut carrément vous faire perdre de l'argent. Incroyable, mais vrai.

Voici de quoi il retourne. Les investisseurs qui détiennent des actions à la Bourse reçoivent souvent des dividendes qui bénéficient d'un traitement fiscal avantageux. Pourquoi? Simplement pour éviter que l'argent soit imposé en double. En effet, l'entreprise a déjà payé de l'impôt sur ses profits. On ne veut pas que l'investisseur paie à nouveau des impôts sur les dividendes versés à même les profits.

Suivant un principe «d'intégration fiscale», le fisc accorde donc un crédit d'impôt sur les dividendes. Mais ce crédit est calculé sur un montant majoré. Par exemple, si vous avez reçu 100$ de dividende en 2012, vous devrez majorer ce montant de 38% et ajoutez 138$ à vos revenus. Mais ce n'est pas grave, car vous aurez droit à un crédit de 27% (15% au fédéral et 12% à Québec) calculé sur le montant majoré.

Au final, le taux d'imposition des dividendes est beaucoup plus faible que le taux d'imposition des revenus d'intérêt.

Si vous avez gagné 41 000$ en 2012, vous devrez payer 32$ d'impôt sur 100$ d'intérêts, tandis que vous n'aurez à payer que 11$ d'impôt sur 100$ de dividendes, compare André Boulais, auteur de l'ouvrage Réduisez vos impôts. C'est presque trois fois moins!

Pour profiter de cet avantage fiscal, on suggère généralement aux investisseurs de favoriser les actions à dividendes plutôt que les obligations qui versent des intérêts.

Mais ce conseil n'est toujours aussi judicieux qu'on le pense. «Il ne faut pas seulement tenir compte du taux d'imposition, il faut tenir compte de l'ensemble du fardeau fiscal», prévient Annie Boivin, fiscaliste chez Richardson GMP.

Effectivement! La majoration du dividende a une incidence sur toutes sortes d'autres crédits et prestations qui sont établis en fonction des revenus du contribuable.

Réjean Brault, ancien professeur de comptabilité, s'en est rendu compte quand il est arrivé à la retraite. Durant quelques années, la majoration du dividende lui a fait perdre une partie de sa pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV).

À partir de 65 ans, les Canadiens ont droit à cette pension de 6500$ par année. Or, les contribuables qui gagnent plus de 70 000$ doivent rembourser 15 cents pour chaque dollar de revenu excédant ce seuil. C'est comme un impôt caché de 15%.

Quand on tient compte de la perte de la PSV, le crédit de dividendes devient beaucoup moins intéressant, comme le démontrent les calculs de Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez Ernst&Young.

Imaginons un retraité célibataire de 65 ans qui gagne 75 000$, incluant la PSV. S'il reçoit 10 000$ de dividendes, il devra payer environ 36% d'impôt en considérant la perte de la PSV, alors qu'autrement il aurait eu seulement 15,5% d'impôt à payer sur ce montant excédentaire. Ça fait toute une différence!

Les dividendes restent plus avantageux que les intérêts qui seraient imposés à 50% en tenant compte du remboursement de la PSV. Mais il n'en demeure pas moins que la méthode de calcul tordue du crédit de dividendes a des effets pervers sur les retraités.

Et les aînés à faibles revenus sont particulièrement vulnérables, car ils risquent de perdre leur Supplément de revenu garanti (SRG). Cette prestation, qui atteint 8800$ par année, disparaît aussi vite que la neige au mois d'avril dès que les revenus du retraité augmentent un peu. Le fisc récupère 50 cents pour chaque dollar de revenu additionnel, soit un impôt indirect de 50%.

Pour ces retraités à faibles revenus, la perte du SRG sera bien plus douloureuse que la valeur du crédit.

Vous me direz que peu de retraités à faibles revenus ont un portefeuille d'actions. Peut-être. Mais certains détiennent des actions à travers un fonds commun équilibré qui verse des dividendes.

Pour arrêter de pénaliser injustement les investisseurs à la retraite, le gouvernement devrait modifier la méthode de calcul du crédit pour dividendes et faire en sorte que le crédit n'ait pas une incidence négative pour toutes sortes d'autres prestations qui n'ont rien à voir avec les dividendes.

En attendant, les retraités peuvent utiliser certaines stratégies pour éviter de se faire jouer un mauvais tour.

> Ouvrir un CELI: le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) permet de mettre 5500$ par année à l'abri du fisc. Pour ceux qui n'ont jamais contribué, il est possible de verser 25 500$ en profitant des droits de cotisation des années précédentes. Les retraits du CELI ne sont pas imposables et n'ont donc pas d'incidence sur les prestations.

> Optimiser son REER: certains retraités ne réalisent pas qu'ils peuvent encore profiter du Régime enregistré d'épargne-retraite (REER) s'ils ont des droits de cotisation inutilisés.

>Fractionner ses revenus avec son conjoint: les couples retraités peuvent fractionner leurs revenus, strictement sur le plan fiscal, de manière à égaliser les revenus des deux conjoints. Cela peut non seulement réduire l'impôt, mais aussi permettre de conserver sa PSV et d'autres prestations.