Alléluia! Les investisseurs recevront bientôt un relevé de compte qui leur dira vraiment quelque chose. Ils sauront combien ils ont fait de rendement. Et ils verront combien ils ont payé en frais de toutes sortes.

Ça semble simple. Pourtant, la plupart des conseillers ne fournissent pas cette information cruciale. Voici quelques statistiques qui démontrent à quel point leurs clients sont dans le noir (même quand ils sont dans le rouge!).

Près du quart (23%) des épargnants ne savent pas comment est rémunéré leur conseiller. À honoraires? À commission? Aucune idée!

Et la majorité (56%) ne savent pas combien coûtent les services de leur représentant, selon un sondage réalisé pour les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) en 2012.

Cela n'est pas surprenant, car les frais sont souvent intégrés au coût du produit ou noyés dans le prospectus.

De plus, la moitié des répondants (51%) ignorent le rendement de leur portefeuille. Rien d'étonnant non plus quand on sait de quoi les relevés ont l'air: l'information est souvent complexe et difficile à décoder.

Quand un investisseur ne sait pas combien il paie son conseiller, ni combien lui rapportent ses placements, comment voulez-vous qu'il sache s'il en a pour son argent?

Mais tout cela va changer. Alléluia!

La semaine dernière, les ACVM ont annoncé la mise en oeuvre de nouvelles règles pour s'assurer que les investisseurs reçoivent l'information essentielle sur les coûts et le rendement de leurs placements. Les mesures entreront en vigueur graduellement d'ici trois ans. Oui, c'est long! Mais il faut laisser le temps aux institutions financières d'adapter leur système informatique.

Ensuite, tous les conseillers devront se plier aux règles: les représentants des firmes de courtage, les représentants en épargne collective qui distribuent des fonds communs, même les représentants en plan de Bourse.

Mais il y a des exceptions. Vous achetez un dépôt à terme à la banque? Vous souscrivez une police d'assurance? Le représentant ne sera pas tenu de vous dévoiler sa rémunération. Pourtant, ces produits sont loin d'être gratuits!

D'ailleurs, l'industrie des valeurs mobilières trouvait fort injuste d'être forcée à la transparence, alors que le monde de l'assurance, connu pour ses commissions élevées, restera opaque. Or, les ACVM n'ont pas autorité dans ce domaine, mais croisons-nous les doigts pour que l'idée fasse son chemin...

Revenons aux nouvelles règles. À partir de 2016, les investisseurs sauront combien leur portefeuille a rapporté, en pourcentage, sur un an, trois ans, cinq ans, dix ans et depuis l'ouverture de leur compte.

Ils pourront ensuite comparer leur rendement avec un indice de référence approprié (par exemple: la Bourse canadienne, la moyenne des fonds équilibrés) pour savoir si leur portefeuille a enregistré une bonne performance... et si leur conseiller leur a apporté une valeur ajoutée.

De plus, les investisseurs recevront de l'information sur les frais. Dès juillet 2014, le courtier devra préciser tous les frais que l'investisseur peut s'attendre à payer, à l'ouverture du compte. À chaque transaction, il devra aussi dévoiler les frais liés à l'opération.

Grande nouveauté: les clients sauront enfin combien leur courtier reçoit quand il négocie des obligations, ce qui est impossible à savoir pour l'instant, car sa commission est imbriquée dans le taux d'intérêt.

Il y a quelques années, l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) avait voulu faire la lumière sur les commissions sur les obligations. Mais il a accouché d'une souris. Les investisseurs auront enfin l'heure juste. Bravo!

Finalement, à partir de 2016, l'investisseur recevra annuellement le sommaire des frais qui lui ont été facturés. Tout, tout, tout... y compris les commissions de suivi des fonds communs, au grand dam de l'industrie.

Beaucoup d'épargnants ne réalisent pas que la famille de fonds verse chaque année une commission à leur conseiller qui peut représenter 1% de leur actif. Pour quelqu'un qui a seulement 10 000$ d'économie, cela fait 100$ par année, ce qui n'est pas énorme. Mais pour un investisseur qui a des actifs de 200 000$, la commission atteint 2000$.

Quand ils verront ce montant, exprimé en dollars, certains investisseurs risquent d'avoir un choc! Les conseillers qui offrent de bons services arriveront certainement à justifier leurs émoluments. Plusieurs dressent un plan de retraite, donnent des conseils fiscaux, analysent les besoins en assurances. Tout cela mérite une rémunération.

Mais bonne chance aux conseillers qui appellent leur client une seule fois par année pour leur dire de faire leur cotisation REER!

Cette nouvelle transparence sera l'occasion d'une franche discussion. Et qui sait, l'exercice permettra peut-être d'améliorer les relations entre les clients et leur conseiller.

Malheureusement, il restera encore des zones d'ombre.

Par exemple, les courtiers n'auront pas à divulguer les frais de change, dissimulés à l'intérieur du taux lorsqu'ils convertissent les devises. Il est vrai que ce n'est pas le courtier qui empoche cette somme. Tout de même, les investisseurs auraient aimé savoir combien d'argent la firme prélève à chaque conversion.

Il aurait été encore plus intéressant de forcer les courtiers à dévoiler les juteuses commissions qu'ils reçoivent directement de l'émetteur lorsqu'ils achètent des titres dans le cadre d'un premier appel public à l'épargne ou d'une émission publique.

Je comprends que le client ne paie pas pour ça. Mais ces commissions sont très alléchantes pour les courtiers, ce qui peut en inciter quelques-uns à bourrer le compte de leurs clients de nouvelles émissions. Une plus grande transparence aurait été souhaitable.