L'offre m'a fait dresser les cheveux sur la tête. Un jeune papa me raconte qu'un conseiller financier lui a proposé d'hypothéquer sa maison, de contracter un prêt à l'investissement du même montant et d'investir tout cet argent - disons 200 000$ - dans un fonds commun de placement à revenus élevés.

Comme le fonds verse une distribution de 11% par année, l'investisseur s'imaginait qu'il en aurait bien assez pour payer les intérêts de 3,5% sur le prêt. Le reste irait dans sa poche.

«Avec les calculs que j'ai faits, je me vois déjà à 55 ans sur le bord d'une plage d'Hawaï avec ma Ferrari stationnée dans le garage de ma maison à un million», m'écrit-il. Mais non, rassurez-vous! Il s'est vite souvenu des sages conseils de son grand-père: quand c'est trop beau pour être vrai... il faut se méfier.

Dans ce cas-ci, grand-papa avait raison.

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La stratégie ne tient pas la route, estime Dan Hallett, directeur de la firme ontarienne HighView Financial Group. Ces dernières années, il a rencontré plusieurs investisseurs à qui on avait suggéré d'emprunter pour investir dans un fonds de revenus mensuels.

Il s'agit, en fait, d'un fonds équilibré qui investit dans les actions et les obligations. Tous les mois, le fonds verse des distributions à ses détenteurs, parfois l'équivalent de plus de 10% par année. «Mais comment le fonds arrive-t-il à verser 11%? Personne n'a réussi à bien m'expliquer ce tour de magie», dit le jeune papa. Excellente question!

Il ne faut pas confondre la distribution et le rendement. Le vrai rendement de ces fonds est bien plus bas: en moyenne, ils ont livré un rendement annuel composé de 4%, depuis 10 ans. Pour verser des distributions supérieures à leur vrai rendement, les fonds remettent tout simplement aux investisseurs une partie de leur propre capital.

À long terme, ce n'est pas soutenable. À ce sujet, vous pouvez lire ma chronique dans notre LPA Magazine, distribué avec La Presse d'aujourd'hui.

Si la distribution du fonds est plus élevée que son véritable rendement, le prix de l'unité va baisser. Et éventuellement, le fonds devra réduire la distribution. Plusieurs ont déjà été obligés de le faire.

Si l'investisseur comptait sur les distributions pour rembourser son prêt, il risque d'avoir une mauvaise surprise. Et s'il utilise les distributions pour faire des dépenses personnelles, il manquera d'argent pour rembourser son prêt lorsqu'il vendra le fonds, car son capital aura fondu.

Mais ce n'est pas ça le pire. D'un point de vue fiscal, la stratégie pose problème, ajoute M. Hallett. Un des grands avantages de l'effet de levier est la déductibilité des intérêts. Cela réduit considérablement le coût d'emprunt.

Emprunter pour investir dans un fonds de revenus mensuels permet normalement de déduire les intérêts. Mais si vous utilisez le capital que le fonds vous redistribue pour vous payer du bon temps ou même pour rembourser votre prêt, le fisc va tiquer.

Graduellement, une partie des intérêts sur le prêt ne sera plus déductible. Il faudra calculer tout ça pour être capable de fournir des documents au fisc. Parfait pour ceux qui aiment les calculs complexes et la paperasse!

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Je n'ai jamais été amateur de l'effet de levier. Je sais bien que cela permet aux investisseurs d'amplifier leur rendement en faisant travailler de l'argent emprunté. Mais la stratégie est très risquée.

1 - En investissant un gros montant d'un seul coup à la Bourse, on fait un gros pari. Le «market timing» est un jeu dangereux.

2 - Les taux d'intérêt peuvent remonter. Si vous empruntez à 3,5% pour obtenir un rendement de 4% dans un fonds équilibré, il ne faut pas grand-chose pour que la stratégie déraille. Rappelons que les taux d'intérêt sont tout près d'un creux historique. Il est fort possible qu'ils remontent.

3 - La Bourse peut s'effondrer. L'investisseur doit avoir les nerfs solides et surtout beaucoup de patience, car son portefeuille peut rester dans le rouge plusieurs années. Et pendant ce temps, il devra continuer de rembourser son prêt.

4 - Et même si l'investisseur est déterminé à ne pas vendre au creux, il peut être forcé de le faire si le prêteur fait un appel de marge, par exemple.

Avec cette stratégie de levier, les seuls qui vont faire beaucoup d'argent, à coup sûr, ce sont les conseillers et les promoteurs du fonds commun qui vont manger 2,7% de votre capital en frais de gestion, bon an mal an.

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Pour les parents qui veulent mettre l'argent des autres à profit tout en bénéficiant d'un abri fiscal, il existe une solution simple et sans risque: le Régime enregistré d'épargne-études.

Avec le REEE, les enfants ont droit à une subvention combinée de 30% (20% Ottawa, 10% Québec). En versant 2500$, les parents peuvent obtenir la subvention maximale de 750$ par année, par enfant. En commençant tôt, on peut recevoir jusqu'à 10 800$ par enfant, à vie.

C'est déjà un très beau cadeau. Et en plus, tout cet argent fructifiera ensuite à l'abri de l'impôt jusqu'à que l'enfant l'utilise pour ses études... le plus bel investissement qui soit.