J'adore les soldes. Mais quand le prix d'un produit est réduit de 75% à longueur d'année, je trouve ça bizarre... surtout s'il s'agit d'un médicament vendu sur ordonnance.

Plutôt rares au Québec, les coupons-rabais et les programmes de fidélisation pour des médicaments d'origine ont explosé aux États-Unis, depuis 2009. Et la mode pourrait se répandre chez nous, avec l'abolition de la «règle des 15 ans».

Je vous rappelle que, depuis la mi-janvier, le régime d'assurance médicaments public, administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), ne rembourse plus que le prix du générique sur une soixantaine de médicaments d'origine comme le Crestor ou le Nexium.

De belles économies pour la RAMQ puisqu'un médicament générique coûte environ 75% moins cher. Désormais, les patients qui veulent absolument l'original doivent payer eux-mêmes la différence. Sauf s'ils adhèrent à InnoviCares...

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Ce nouveau programme de fidélisation offre aux patients de payer l'écart de prix entre l'original et le générique.

Qu'il choisisse l'un ou l'autre, l'assuré de la RAMQ déboursera la même somme, c'est-à-dire 32% du prix du générique, soit la coassurance habituelle de la RAMQ (voir tableau sur le fonctionnement d'InnoviCares).

Ainsi, le patient ne paie pas plus cher. Et la RAMQ ne verse pas un cent de plus. Qui paie? Les sociétés pharmaceutiques. Très bien, mais au lieu d'offrir des rabais par la bande, elles pourraient tout simplement réduire leurs prix. Ce serait moins tordu, plus transparent et ça coûterait moins cher en frais d'administration.

En plus, les patients ne seraient pas forcés de fournir des informations confidentielles pour avoir droit au rabais, comme c'est présentement le cas avec InnoviCares.

C'est sans compter que ce genre de programme risque de nourrir le mythe que les médicaments d'origine sont meilleurs que leurs copies génériques. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration est d'ailleurs en train de se pencher sur cet enjeu.

Au Québec, les programmes de fidélisation font tiquer les pharmaciens, qui n'ont pas le droit d'accorder de rabais sur les médicaments, selon leur code de déontologie. L'Association des pharmaciens propriétaires du Québec conseille à ses membres de ne pas accepter les cartes de fidélité en attendant l'avis juridique commandé par l'Ordre des pharmaciens du Québec.

La RAMQ pourrait intervenir, comme elle l'avait fait, en 2010, pour bloquer le programme de fidélisation que Pfizer avait lancé afin de maintenir les ventes du Lipitor, son populaire médicament contre le cholestérol.

La RAMQ disait alors que cela aurait entraîné une hausse importante des coûts pour le régime public. Mais cette fois-ci, la RAMQ n'a pas l'intention de s'en mêler, car le nouveau programme n'a pas d'effet négatif sur ses activités.

Bref, la RAMQ s'en lave les mains. Et tant pis pour les régimes privés qui couvrent 4,6 millions de Québécois. Eux risquent d'écoper.

Contrairement à la RAMQ, les régimes privés ne peuvent pas limiter le remboursement du prix d'un médicament d'origine au prix du générique. Des règles imposées par Québec les obligent à rembourser au moins 68% si le patient choisit l'original.

En encourageant les assurés à opter pour l'original plus coûteux, les programmes de fidélisation vont faire gonfler la facture des régimes privés. Et c'est l'ensemble des assurés qui paiera la note parce que les primes vont grimper.

Aux États-Unis, les coupons-rabais et les cartes fidélité causent déjà de sérieux maux de tête. Là-bas, les sociétés pharmaceutiques subventionnent la coassurance que doivent verser les patients.

Par exemple, Pfizer réduit de 30$ à 4$ par mois la coassurance pour le Lipitor. Pour le patient, le Lipitor revient donc moins cher que le générique qui lui aurait coûté 10$ par mois.

Mais pour l'assureur, c'est ruineux, car le régime doit rembourser 137$ par mois pour le Lipitor, contre seulement 18$ pour le générique, indique un article du Journal of the American Medical Association.

En clair, le "rabais" encourage les assurés à choisir le médicament le plus cher. C'est le genre de cadeau de Grec dont on aimerait se passer au Québec.

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Dans ma récente chronique sur les injustices de l'assurance médicaments, je donnais l'exemple du régime de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (Sartec).

La prime familiale qui coûte 2240$ par année représente un fardeau considérable. Mais il aurait été plus juste de comparer cette prime avec la prime familiale de la RAMQ (1158$), plutôt qu'avec la prime individuelle (579$).

Reste que les programmes privés d'assurances maladie coûtent plus cher que l'assurance de la RAMQ (qui couvre toutefois moins large). Vous avez été nombreux à le déplorer.

Par exemple, un retraité me signale que sa prime a explosé de 32% cette année. Sa conjointe et lui, qui ont 60 ans, doivent payer 3120$. Ce n'est qu'à 65 ans qu'ils pourront migrer vers la RAMQ... et ils auront avantage à le faire, car la prime bondira alors à 10 000$!

Le couple se demande pourquoi il ne peut pas payer deux fois la prime individuelle de 970$, au lieu de la prime familiale. Après tout, peu de retraités ont encore des ados à la maison. Une autre injustice? Non! En général, ce sont plutôt les familles avec des ados qui "subventionnent" la prime des retraités, qui sont de grands consommateurs de médicaments.

Cela dit, rien n'empêche les employeurs d'arrêter de couvrir les retraités. Ceux-ci pourront alors migrer plus vite vers la RAMQ. Mais bien sûr, ils perdront certains avantages, comme l'assurance-voyage. Une grosse perte pour les snowbirds, qui ne sont pas assurables individuellement.

Comment fonctionne InnoviCares avec la RAMQ?

[Générique | Original | Original avec InnoviCares]

Prix du médicament: 25$ | 100$ | 100$

Profit du distributeur (6,25%): 1,56$ | 6,25$ | 6,25$

Honoraires du pharmacien: 8,44$ | 8,44$ | 8,44$

Réclamation totale: 35$ | 114,69$ | 114,69$

Somme remboursée par la RAMQ (68% du générique): 23,80$ | 23,80$ | 23,80$

Somme remboursée par InnoviCares: NA | NA | 79,69$

Somme payée par le patient: 11,20$ | 90,89$ | 11,20$

Source: InnoviCares