Les frais d'itinérance pour utiliser son téléphone intelligent à l'étranger sont tellement disproportionnés que c'est un peu comme si on vous réclamait 500 euros pour un café sur une terrasse en France, tout simplement parce que vous êtes canadien.

La comparaison ne vient pas de moi, mais plutôt du dirigeant d'une firme de télécom du Royaume-Uni qui admettait, en 2011, que les tarifs pour l'utilisation de données cellulaires à l'étranger sont complètement ridicules.

Au Canada, c'est pire encore. Les tarifs sont les plus élevés au monde. Les Canadiens qui voyagent à l'étranger paient en moyenne 25$ pour consommer un mégaoctet (Mo), ce qui correspond à l'envoi de quelques photos, selon l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Pour comparer, les Grecs paient cinq fois moins cher.

On ne s'étonne donc pas qu'une demande de recours collectif ait été déposée, cette semaine, contre les grands fournisseurs canadiens de téléphonie mobile: Fido Solutions, Rogers Communications, Bell Mobilité et Telus Communications.

Le cabinet montréalais Trudel&Johnston, qui a fait une recherche fouillée, en arrive à la conclusion que leurs frais sont abusifs et qu'il s'agit d'une forme d'exploitation des consommateurs.

En fait, les frais d'itinérance sont tellement exorbitants, et surtout imprévisibles, que beaucoup de Canadiens ont carrément peur d'apporter leur téléphone en voyage.

Un sondage publié par le Public Interest Advocacy Centre (PIAC), en décembre dernier, démontrait que 89% des répondants ont déjà reçu une facture élevée après avoir utilisé leur sans-fil à l'étranger.

Après la publication d'une chronique dénonçant la facturation sauvage, en septembre dernier, des dizaines de lecteurs m'ont rapporté des histoires d'horreur. Voici quelques témoignages qui donnent la frousse...

Pierre raconte qu'il s'est retrouvé avec une facture astronomique de près de 10 000$ au cours d'un voyage en Égypte et en Europe. «Pourtant, j'avais désactivé les données à l'étranger», jure-t-il. Après plusieurs journées de négociation, il s'en est sorti pour environ 500$.

Un voyageur qui revenait du Chili et de New York a reçu une facture de 1200$. Le coupable? L'application Google Maps qui a vidé en deux jours le forfait prépayé qu'il avait pris soin d'acheter avant son départ.

Une autre cliente s'est retrouvée avec des frais de 2000$ après un voyage de deux semaines et demi en Californie. Pourtant, la dame mettait son téléphone en «mode avion» pour désactiver les données, sauf lorsqu'elle avait accès à un réseau wi-fi. Que s'est-il passé? Mystère!

Toutes ces mésaventures démontrent que les consommateurs ont beau être vigilants (en achetant des forfaits prépayés, comme le suggèrent les fournisseurs, ou en configurant leur téléphone pour éviter la consommation de données), ils ne sont pas pour autant à l'abri des mauvaises surprises qui leur coûtent affreusement cher.

Et les consommateurs tombent des nues, car le prix à payer est complètement disproportionné par rapport au service qu'ils ont reçu, souvent sans le savoir.

Qui accepterait de payer des milliers de dollars pour consulter un service de géolocalisation à l'étranger? Quel consommateur serait assez fou pour envoyer des photos à ses amis en sachant que l'envoi coûtera 200$?

Il est bien difficile de comprendre pourquoi certains grands fournisseurs de téléphonie mobile font payer jusqu'à 31$/Mo pour des données en Europe, et jusqu'à 10$/Mo aux États-Unis, alors que certains plus petits concurrents offrent le même service pour 1$/Mo.

Et ce n'est rien. En Europe, les fournisseurs n'ont pas le droit d'exiger plus de 58 cents/Mo. C'est 50 fois moins que le tarif du fournisseur le plus cher au Canada.

Cela prouve que les fournisseurs canadiens feraient encore beaucoup de profits, même s'ils réduisaient leurs frais d'itinérance de moitié. Un vice-président de Telus en a d'ailleurs fait l'aveu au Globe&Mail, en 2011. Le fournisseur a ensuite réduit ses frais.

Comment ramener les frais d'itinérance sur terre? Faudrait-il imposer un plafond comme en Europe? Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) n'a pas l'habitude de gérer les tarifs. Mais il a annoncé, en septembre, son intention d'imposer un code de conduite à l'industrie du mobile. Excellente nouvelle.

Pourquoi ne pas instaurer un mécanisme qui permettrait aux consommateurs de fixer eux-mêmes une limite mensuelle aux frais d'itinérance?

Passé cette limite, le fournisseur arrêterait carrément les services, suggère le PIAC. Les voyageurs auraient ainsi la certitude qu'aucune facture- surprise ne les attendra à leur retour.