Je n'en ai jamais acheté. Parce que je n'en ai jamais fumé. Traitez-moi de straight si vous voulez, ça ne m'a jamais tenté. Je n'aime pas avoir de la boucane dans la face. J'aime rire pour quelque chose. Et j'ai toujours apprécié la vivacité d'esprit. Même en party.

Ce n'est pas parce que Justin a décidé qu'on n'aura plus besoin de se cacher dans la salle de bains que je vais commencer à en consommer. Le foie de veau a toujours été légal, et je n'en ai jamais mangé. Légal ou pas, quand ça ne te tente pas, ça ne te tente pas.

Mais permettez-moi, quand même, d'ajouter mon grain de sel de non-initié dans le présent débat public sur la légalisation du cannabis. D'abord, juste le mot cannabis fait sourire. Mes amis qui en prennent n'ont jamais appelé ça comme ça. Ils fument du pot, de l'herbe, de la mari, du hasch, du shit... Dorénavant, ils fumeront du cannabis. Ça fait plus distingué.

La question n'est plus de savoir si ça doit être légalisé ou pas, la question, maintenant, est de savoir : un coup légalisé, qu'est-ce qu'on fait avec ? Soudain, le cannabis devient un produit de consommation comme les autres. Quelque chose qu'on peut se procurer, sans se cacher, sans parler à voix basse, sans regarder ailleurs, sans avoir peur de finir comme le gars dans le film Midnight Express.

On va pouvoir entrer dans un magasin, la tête dans les airs, les mains dans les poches, et dire au vendeur, haut et fort : « Salut, mon homme ! Me donnerais-tu 20 g de cannabis, s'il te plaît ! ? » Si une police arrive, durant la transaction, c'est qu'elle vient s'en acheter, elle aussi.

Alors on vend ça où, ce shit-là ? Dans un dépanneur ? C'est vrai qu'on y retrouve déjà les produits complémentaires : le pain tranché, le beurre de peanuts, les chips et les crottes de fromage. Mais les jeunes y ont trop facilement accès, et les médecins recommandent qu'on interdise la vente du pot aux moins de 18 ans. Même que certains plaident que l'interdiction devrait s'appliquer aux gens âgés de moins de 25 ans, car ce n'est qu'à cet âge que le cerveau est complètement formé, donc moins vulnérable aux effets de la drogue.

Vingt-cinq ans, je sais, c'est surprenant, mais quand on regarde Donald Trump, on réalise que c'est vrai que ça peut prendre beaucoup de temps avec que le cerveau se forme complètement.

Tout ça pour dire que ce serait étonnant de boire des slushs au pot, l'été prochain.

En Ontario, la vente du cannabis se fera dans des endroits gérés par le gouvernement. Un peu comme une Société des alcools, mais pour le pot. Le Québec risque de faire la même chose. De quoi ça va avoir l'air ? La SAQ, ç'a quand même de la gueule, parce que le produit se présente bien. Des grandes allées avec des belles bouteilles exposées. C'est prestigieux. Mais là, on ne peut pas faire pareil avec de l'herbe. On va se croire dans une pépinière. Des allées de terre qui ressemble à de la bouette dure, avec des gens autour qui reniflent la qualité, c'est pas chic.

Et puis, quel pot va-t-on vendre ? Le pot planté par l'État seulement ? Le pot des particuliers qui poussait caché dans les champs de blé d'Inde ou dans le sous-sol ? Le pot étranger ? Aura-t-on le choix entre du Québec Gold, du colombien et de l'afghan ? Un expert nous conseillera-t-il le Québec Gold avec une poutine et du colombien en regardant Narcos ?

Tout le marketing autour de la vente du cannabis est à faire. Quelle clientèle vise-t-on ? Les hippies, les bobos, les hipsters, les 450 ? Quelle expérience veut-on donner à l'acheteur qui entre dans le magasin ? On fait jouer du Harmonium, on fait brûler de l'encens et on vend des produits dérivés comme des gouttes pour les yeux rouges ? Comment appelle-t-on l'endroit ? La SDDQ, la Société des drogues douces du Québec ? C'est un peu terne. Pourquoi pas Cannabis Favori ? Et on engage Gino Chouinard comme porte-parole ! Salut, bonjour ! Y'a rien comme un p'tit joint au p'tit matin.

Y aura-t-il des comptoirs dégustation dans les supermarchés ? Touche à mon pot, comme il est bien frais. Une petite puff échantillon pour tripper un peu. Mais pas trop. Juste assez pour en acheter.

On pourrait aussi permettre les pot trucks, l'équivalent des food trucks, mais pour la mari.

Imaginez un pot truck qui s'installe aux tam-tams, ou à Woodstock en Beauce ! En une fin de semaine, le Stade olympique a un nouveau toit.

Parce qu'au bout du compte, la légalisation du cannabis est une affaire d'argent. Pourquoi laisser la pègre s'enrichir quand le gouvernement peut le faire ?

Le gros danger à éviter, c'est que le produit pogne tellement que le Québec devienne une société de potheads. Si Lucien Bouchard ne nous trouvait pas assez productifs, au début des années 2000, imaginez quand tout le monde roulera son joint, le midi. Heureusement, le reste du Canada fera la même chose, ça ne devrait pas trop creuser l'écart.

Il y a sûrement des consommateurs qui aimaient le kick de faire ça en cachette, qui se sentaient comme Che Guevara défiant l'ordre établi à chaque bouffée d'herbe maudite, et qui décrocheront maintenant que leur voisine distribue les muffins au pot au baptême de son dernier.

Le pot ne sera plus la substance des rebelles. Le pot va devenir la substance des beaux-frères.

Ça fait des années que le gouvernement tente de convaincre la population de ne pas fumer de tabac, parce que c'est pas bon pour la santé, et voilà qu'il va lui vendre du pot. Faut pas chercher à comprendre.

Faut juste réaliser que c'est encore plus absurde d'interdire quelque chose que tout le monde fait. Sauf moi.

Reste maintenant à le faire intelligemment. Bonne chance !