Vous avez acheté un billet pour le deuxième match du Canadien en séries. Votre place est réservée. Section 115, rangée M, siège 16. Vous arrivez un peu à l'avance, question de profiter de l'atmosphère. Vous tripez. Vous avez hâte que la joute commence. Ginette est en train de chanter l'Ô Canada. Avec tant de volume qu'on doit l'entendre d'un océan à l'autre.

Soudain, trois agents de sécurité arrivent devant vous. Ils vous demandent de céder votre siège. Le Canadien a vendu plus de billets que le Centre Bell ne contient de spectateurs, et on doit asseoir des membres de l'organisation. Vous refusez. On vous dit que vous n'avez pas le choix. Vous refusez quand même. On vous pogne par le collet et on vous extirpe de votre banc. Puis on vous traîne à terre, en vous tirant par votre chandail du Tricolore. Vous avez le visage en sang. Le massacre du Vendredi saint, dorénavant, c'est vous ! À partir de ce moment, vous êtes un fan des Rangers. C'est certain.

Bien sûr, un tel scénario n'arrivera jamais. Quand on achète un billet pour le Canadien, on est assuré de sa place. Quand on achète un billet pour l'Impact et les Alouettes, aussi. Quand on achète un billet pour n'importe quelle activité avec sièges réservés, on n'a pas à s'inquiéter, nos fesses vont bel et bien passer la soirée sur le petit bout rembourré qu'on a payé.

Partout, sauf en avion.

Quand vous achetez un billet d'avion, vous n'êtes sûr de rien. Attachez-vous comme il faut !

Acheter un billet d'avion, c'est une aventure. Un film d'action. Un film de peur. Y a rien de garanti. Bienvenue au royaume de l'imprévu.

Dimanche dernier, le docteur David Dao était à bord du vol 3411 de la United Airlines transportant les passagers de Chicago à Louisville. La compagnie d'aviation avait besoin de sièges pour du personnel de bord. Et il n'en restait plus. On a demandé à des volontaires de céder leur place, en leur promettant une indemnité. Y a pas eu de volontaires. Quand il faut que t'ailles à Louisville, ben, c'est parce qu'il faut que t'ailles à Louisville. Si t'avais pu faire autre chose, tu serais pas tassé comme une sardine dans un jet, en direction de Louisville.

United Airlines a donc décidé de désigner des volontaires, même si c'était contre leur volonté. On a dit à David Dao de quitter sa place. Il a refusé. Trois agents de sécurité l'ont expulsé. Violemment. En lui cassant le nez et en lui infligeant une commotion cérébrale. Allô, service à la clientèle ! Ç'a pas de bon sens, agir de la sorte ! Si les compagnies d'aviation veulent expulser des passagers honnêtes qui n'ont rien à se reprocher, qu'ils engagent Messmer ! L'hypnotiseur serait arrivé. Une petite caresse sur l'épaule de David, un claquement de doigts : « David, sors de l'avion et va te reposer à l'hôtel. » Et le tour aurait été joué. En douceur.

Mais on ne peut pas traiter un passager comme s'il venait de poser une bombe dans le cockpit, alors qu'il n'a posé que son cul sur son siège. Ce que United Airlines a commis envers David Dao, c'est un crime. Un acte qui ne se fait pas en société. Et vous savez quelle a été la première réaction du transporteur ? Nous avons suivi les procédures. Ben oui. La mafia aussi, elle suit ses procédures quand elle coule quelqu'un dans le ciment. Les procédures de United Airlines sont inacceptables. Et si elles sont semblables aux procédures des autres compagnies d'aviation, eh bien ce sont les procédures de l'ensemble de l'industrie aérienne qu'il faut changer.

Il fut un temps où prendre l'avion, c'était déjà le début des vacances. On nous traitait aux petits soins. On voulait nous revoir.

Maintenant, prendre l'avion, c'est traverser l'enfer pour se rendre au paradis. On nous prend pour des valises. Et ils nous égarent comme nos valises.

Je veux bien croire que les temps sont durs et que les transporteurs doivent faire de la surréservation pour rentabiliser les vols. Mais il y a sûrement une façon plus intelligente de procéder. Admettons que l'avion compte 200 sièges. Les 200 premiers voyageurs qui ont payé leur billet ont des places assurées. Et selon la moyenne des annulations, ils peuvent vendre 20 autres places, à coût moindre, en avisant les clients qu'ils courent le risque de devoir céder leur place. C'est ainsi qu'on respecte les gens.

Vendre 220 billets à plein prix pour un vol qui contient 200 places et sacrer dehors les 20 personnes en trop, au hasard, ce n'est pas civilisé. Ils appellent ça l'aviation civile, elle ne l'est pas toujours.

En ce week-end de Pâques, beaucoup d'entre vous voyagent, j'espère qu'aucune compagnie aérienne ne vous fait subir la passion du Christ.

Joyeuses Pâques à tous !