C'est aujourd'hui la Journée internationale des gauchers, je lève donc mon verre à la santé de tous les gauchers du monde. Avec ma main gauche, puisque j'en suis un. Vive la gauche !

L'intolérance longtemps manifestée par la société envers les gauchers est un bel exemple de la bêtise humaine. De sa difficulté à accepter la différence, aussi anodine soit-elle. De la peur et de l'agressivité qu'engendre tout ce qui n'est pas exactement comme nous.

Non seulement faut-il que l'autre ait la même origine que nous, la même couleur de peau que nous, la même langue que nous, la même religion que nous, la même culture que nous, les mêmes pratiques sexuelles que nous, le même rang social que nous, mais en plus il faut qu'il se gratte le nez avec la même main que nous. Sinon on le rejette.

Il y a encore des gens aujourd'hui qui sont droitiers parce qu'il y a 50 ans, à la petite école, on les a forcés à tenir leur crayon de la main droite. Belle connerie. On a deux mains. Peut-on au moins être libres de nos mains ? De choisir ce que l'on fait avec l'une et ce que l'on fait avec l'autre ? Qu'est-ce que ça fait si on rédige son examen avec sa main gauche ? L'important, c'est d'avoir les bonnes réponses. Non. L'important, c'est que tout le monde soit pareil. La majorité n'accepte que l'uniformité.

Elle invente donc toutes sortes de fabulations pour que personne ne sorte du rang. La main gauche est la main du diable. Me semble ! Quand on essaie d'imposer un code insensé à une population, rien de mieux que de se servir de la religion. C'est facile de prétendre que le diable est gaucher et que le bon Dieu est droitier, on n'a jamais joué au baseball avec eux. On ne les a jamais vus. Il y a encore des cultures qui contraignent des gens à utiliser la main droite, à cause de cette croyance que la main gauche est le mal. C'est une main. Elle est semblable à l'autre. Et c'est en se servant des deux qu'on gravit des montagnes et qu'on prend des gens dans ses bras.

L'humain a de la difficulté à accepter ses deux mains. Imaginez quand vient le temps d'accepter l'étranger. Il fait la guerre.

Heureusement, aujourd'hui, dans la grande majorité des contrées, le gaucher n'est plus ostracisé. On s'en fout en autant qu'il accepte que tout porte à droite. Les ciseaux, les appareils photo, les ouvre-boîtes, les épluche-légumes, la façon de disposer les couverts, de placer les verres. Le monde, dans ses moindres détails, est conçu pour les droitiers. Le robinet d'eau chaude est placé pour qu'il soit immédiatement accessible à la main droite. Le clic de la souris d'ordinateur est fait en fonction de l'index droit. Et quand le dépassé iPhone 4 a eu des problèmes de réception, on a dit aux clients de le tenir avec la bonne main. La main droite. La main gauche causant de l'interférence avec l'antenne. N'importe quoi.

On fait avec. C'est sûr que lorsqu'on découpe une feuille en tenant la paire de ciseaux à l'envers, ça risque d'être un peu croche. Mais c'est plus artistique. La ligne droite est d'un tel ennui.

Être gaucher, ça développe la débrouillardise. Tout est fait pour permettre aux droitiers d'avoir la vie facile, alors que c'est de la difficulté que naît la créativité. Léonard de Vinci était gaucher. Pas pour rien qu'il a tout inventé !

La liste des gauchers célèbres est longue : Rafael Nadal, Ludwig van Beethoven, Paul McCartney, Kurt Cobain, Jimi Hendrix, Barack Obama, Michel-Ange, Sigmund Freud... Bref, on vit dans un monde de droitiers, mais heureusement qu'il y a eu des gauchers pour le faire avancer !

Je blague. Gaucher ou droitier, ça ne change rien. Il n'y a pas un groupe meilleur que l'autre. L'important, c'est pas la main, c'est le coeur. C'est avec lui qu'on écrit. Avec lui que l'on donne. Avec lui que l'on fait.

Le reste, c'est une question de latéralité. Mais en cette Journée des gauchers, ce qu'il faut le plus célébrer, c'est la liberté des enfants. Laissons-les décider avec quelle main ils veulent ramasser leur jouet, avec quel pied ils veulent frapper leur ballon. Plutôt que de toujours leur imposer notre façon de faire, laissons-les agir de façon naturelle. Laissons-les être ce qu'ils sont. Pas juste avec leurs mains. Avec leur tête, avec leur âme, aussi.

La fête des gauchers, c'est la fête de la spontanéité. On ne décide pas tout dans la vie. Je suis gaucher parce que la porte de ce monde, je l'ai ouverte de la main gauche. C'est venu tout seul. Sans y penser. Il ne faut pas laisser les autres nous contrarier. Il ne faut pas se contrarier soi-même. Il faut laisser notre être nous révéler où est sa force. Moi, c'est à gauche. Alors go, gauche !

Bonne journée à tous les gauchers ! Vous pouvez maintenant tourner la page ou faire glisser l'image. De la main gauche.