C'est aujourd'hui votre anniversaire. Vous vous levez, un peu plus stimulé qu'à l'habitude. Il y a quelque chose de spécial dans vos yeux. Vous n'êtes plus un enfant, mais vous espérez quand même recevoir quelques délicates attentions de votre entourage, question de faire des provisions de tendresse pour les temps durs. Vous voulez ressentir le dixième de l'émotion vécue par Guylaine Tremblay quand elle remporte le trophée pour la personnalité de l'année au gala Artis. Pas à en pleurer, mais au moins à se sentir bien.

Vous buvez votre café. Toujours rien. Le téléphone ne sonne pas. Le facteur non plus. Même pas une fois. Vous vous demandez : qui va s'en souvenir, qui va l'oublier ?

Ne vous inquiétez pas, Facebook a pris votre anniversaire en mains. À 6 h 52, ce matin, Mark Zuckerberg a envoyé un courriel à tous vous amis : « Aidez Michel Bédard, Anick Laroche et 3 autres personnes à fêter leur anniversaire. » C'est reçu. Ils ne peuvent pas faire comme s'ils ne le savaient pas, ils le savent. Pour vous et les autres. Ils savent que c'est à votre tour de vous laisser parler d'amour. Ou plutôt de vous laisser écrire des messages d'amour. Alors ils se précipitent sur votre mur Facebook, avant de l'oublier. Et ils vous écrivent de gentils voeux...

Joyeux anniversaire le gros !

Bonne fête, bella !

Amuse-toi et fais le party !

Il y en a déjà une vingtaine d'affichés. Vous vous sentez important. Vous les lisez en souriant. En quelques secondes, c'est réglé. Vous publiez un nouveau statut : « Merci à tout le monde de penser à moi ! Bonne journée à vous aussi ! »

Vos amis plus intimes vous envoient des textos...

Je te souhaite une belle journée remplie de love !

Bonne fête ! Va falloir s'arranger pour se voir !

Happy birthday, le vieux !

Il y en a qui ajoutent des émoticônes de chapeaux pointus, de flûtes et de banderoles. C'est cute. En quelques secondes, c'est réglé, aussi. Vous êtes content. Tout le monde a pensé à vous. Alors pourquoi cette sensation de vide ? Comme s'il manquait quelque chose ?

Tout ce débordement d'affection s'est fait dans le silence total. Pas un son. Que des caractères défilant sur un écran.

Avant, les gens vous appelaient à votre anniversaire. Ça commençait par l'appel de votre mère, et puis il y en avait des dizaines d'autres. Vos meilleurs amis et vos vieilles connaissances, celles qui sont passées dans votre vie, le temps d'une escale, mais dont le souvenir est précieux.

Ça vous occupait une bonne partie de l'avant-midi. Vous donniez et preniez des nouvelles. Échangiez des rires et des souvenirs. Et surtout, il n'y avait pas deux appels pareils. Chacun avait l'empreinte de la voix unique de son appelant. « Hello », quand c'est Adèle qui le dit, c'est pas comme quand c'est Lionel Richie. Quand on le lit, oui. Vous avez beau lire 50 fois « joyeux anniversaire » sur votre page Facebook, ils se ressemblent tous.

Le téléphone est une invention d'un autre siècle, mais elle demeure la plus révolutionnaire. Elle permet de parler directement à quelqu'un, d'être dans sa vie, en même temps, d'entendre sa respiration et ses émotions. L'écriture aussi, c'est génial. Ce n'est pas moi qui vais dire le contraire. On peut dévoiler son âme ou faire partager des réflexions, dresser des listes et donner des informations.

Les messageries écrites sont le véhicule des grandes confidences ou des mémos rapides. C'est aujourd'hui notre façon de communiquer. Regardez les gens dans le métro, sur les terrasses, dans les salles d'attente, ils sont tous au téléphone. Pas pour se parler. Pour s'écrire. Ils ont la bouche fermée et les doigts qui gambadent.

C'est bien. Mais un matin d'anniversaire, si vous voulez vraiment surprendre un ami, appelez-le !

Ça va le sortir du quotidien et lui démontrer que cette journée est spéciale. Pas juste pour lui. Pour vous aussi.

En passant, note à Facebook, on n'aide pas son ami à fêter son anniversaire. On aide son ami à déménager, à peinturer son logement, à se trouver un emploi. Dans l'action d'aider, il y a la notion d'une personne dans le besoin à qui l'on porte assistance. Le jubilaire n'est pas dans le besoin. Lui souhaiter joyeux anniversaire n'est pas un service qu'on lui rend, au contraire, c'est un prétexte, pour lui dire ce qu'on devrait lui dire, tous les jours, et qui fait du bien autant à celui qui le dit qu'à celui qui l'entend : je t'aime.