J'ai vécu ce moment des dizaines et des dizaines de fois. À Montréal, New York, Paris, Londres, Amsterdam, Stockholm, Johannesburg, Sydney, Pékin, Las Vegas ou Laval. Nous sommes dans une loge, dans un stade, dans une suite d'hôtel, dans un studio, dans une salle de réunion, dans un restaurant, dans une maison. Nous sommes une poignée de personnes ou des centaines de gens. Nous parlons, discutons ou rions.

Et soudain, René arrive. René entre dans la pièce. Doucement. Discrètement. Le pas lent. Sans faire de bruit. Et pourtant, on ne voit que lui. Sa présence vient, d'un seul coup, changer complètement l'ambiance. Le temps se calme. Le temps s'arrête.

René n'arrive pas quelque part avec l'allure pressée du gars qui a réussi. Du gars qui est l'ami de Muhammad Ali, d'Oprah Winfrey, du président des États-Unis. Et qui le sait. Et qui le montre. Il n'a pas la démarche du fier pet. De la star qui connaît son effet. Qui se déplace de façon théâtrale. En se disant : « Regardez-moi. C'est moi, René ! L'homme que vous attendez. Vous êtes chanceux que je sois là. Dépêchez-vous, bientôt je serai ailleurs. » Non. C'est tout le contraire.

René arrive simplement. Bien sûr, il sort d'une limousine. Bien sûr, il a un entourage qui le précède. Souvent, un garde du corps dans sa foulée. Bien sûr, il est grand. Impressionnant. Tiré à quatre épingles. Mais pas une once de prétention dans l'aura qu'il dégage. Que de l'attention pour les gens qui sont déjà là. Quand René arrive dans une pièce, son charisme fait en sorte que tout le monde devient plus attentif. Comme lui.

Le film se met à tourner au ralenti. Comme lorsqu'on veut montrer qu'un moment est important. Que chaque seconde compte. La présence de René quelque part, ça ressemble à la présence de Mario Lemieux sur la glace. On dirait qu'il ralentit l'action, alors qu'il est plus vite que tout le monde. C'est juste que les autres bougent beaucoup pour rien. Avec lui, pas de sparages, que du vrai. Droit au but.

René serre la main de chaque personne présente. En prenant son temps. Les gens qu'il connaît bien, il les étreint. Il les embrasse. Les hommes comme les femmes. Sans jamais expédier aucune marque d'affection. Parce qu'il en a besoin. Lui aussi.

Il ne regarde pas au-dessus des gens. Il regarde dans les gens. Dans les yeux. Et son regard va loin. Jusqu'à la sincérité de qui vous êtes. Vous avez affaire à avoir un regard franc. Vous aussi. Pour le soutenir avec la même intégrité. Avec la même intelligence.

René est un observateur. Un joueur de cartes. Il analyse. Sait que chaque détail compte. Il devine tous les jeux cachés. Un grand émotif avec une poker face.

Il n'a pas dit un mot encore, et pourtant tout le monde l'écoute. On écoute sa présence. On écoute son silence. Et on comprend que les gestes sont toujours ce qu'il y a de plus convaincant. Ça fait cinq minutes que René est dans la pièce, et plus personne ne parle pour rien.

René n'impose pas le respect. Il fait mieux que ça, il le donne. 

Parce que l'homme le plus respecté du show-business est celui qui respecte le plus les autres. Son génie, c'est de penser à tout, sans jamais oublier personne.

Si vous êtes un requin, il sera plus fort que vous. Si vous êtes dans le besoin, il sera fort pour vous. Son pouvoir, il n'a jamais besoin de le flasher. Tout le monde sait ce qu'il a accompli avec l'amour de sa vie. Ça fait partie de son attrait. De sa présence. Son parcours de champion.

Quand René arrive quelque part, sa réputation arrive avec lui. C'est pour ça que sa simplicité impressionne autant. C'est pour ça que sa force tranquille charme autant.

Puis René vous demande comment vous allez. Avec sa voix de parrain. Avec sa voix éteinte qui vous allume. Il ne le demande pas seulement par politesse. Il le demande vraiment. Et si vous n'alliez pas trop bien, vous allez déjà mieux.

La simple présence de René dans une pièce fait sentir tout le monde plus important. Parce que sa simple présence nous fait comprendre que l'important, c'est d'être ensemble. C'est ce qui émane de lui. L'important, c'est la famille. L'important, c'est le monde.

Je ne verrai plus René arriver quelque part. Sauf au ciel. Faut désormais en parler au passé. Mais je n'y arrive pas. Son absence est un terrible chagrin.

Je pense à Céline. Jamais un seul amour n'a pu compter autant dans la vie de quelqu'un que celui de René pour Céline. Et celui de Céline pour René. L'amoureux n'est plus. Mais l'amour est toujours là. En elle. Dans ses enfants. Dans tout ce que son homme a aimé. Son amour est partout.

René Angélil était le plus grand des leaders. Sa seule présence vous donnait envie de donner le meilleur de vous-même. Que son souvenir fasse de même.

Mes condoléances à toute sa famille, à tous ses proches, à tous ceux qu'il a inspirés.

Repose en paix, René.

Merci pour tout.