L'été commence demain. La saison pas comme les autres. L'automne, l'hiver, le printemps, on vit tous le même quotidien: métro, boulot, dodo. Les adultes travaillent. Les enfants étudient. On produit, on produit. Puis arrive la fin juin, et tout s'arrête. C'est BIXI, piscine, party. Les adultes se reposent. Les enfants fatiguent.

L'été est un pays étranger, même quand on reste chez nous. On ne regarde plus les mêmes émissions. C'est la programmation d'été. On ne lit plus les mêmes livres. Ce sont les lectures d'été. On ne va plus voir les mêmes vues. Ce sont les films d'été. On n'écoute plus les mêmes chansons. Ce sont les tounes d'été. On ne boit plus les mêmes boissons. Ce sont les boissons d'été. Et toutes ces émissions, lectures, vues, chansons, boissons ont le même ADN. Celui de la légèreté. L'été, c'est pas fait pour se prendre la tête. L'été, faut pas que ce soit compliqué. Les chansons font lalala. Les livres font choubidou.

Si les ours hibernent l'hiver, les humains hibernent l'été. Ils s'étendent sur la chaise longue et décrochent. On est fermé. Rien ne nous pèse. Dix mois par année, les cinq principales sources de stress des Québécois sont le politicien, le Canadien, la circulation, la santé et l'éducation.

Or l'été, le politicien ne siège pas. Il ne promulgue pas de loi, ne coupe pas de programme, ne s'engueule pas avec son vis-à-vis. Que fait le politicien durant l'été? Il mange. Il mange des hot-dogs, des hamburgers, du blé d'inde. Et il donne des mains. Rien pour nous stresser. Le politicien est très bon pour manger et donner des mains. Il le fait, très guilleret. On le croise, parfois. On se sourit. On partage un épi. Si le politicien s'occupait de l'État comme il s'occupe du B.B.Q., ça irait sûrement mieux. Tout le monde aurait sa saucisse.

Le joueur du Canadien n'est pas stressant, non plus, durant la saison morte. De septembre à mai, il joue, il frappe, il se blesse, il gagne, il perd. Et nous, on capote tout le temps. Une victoire, on veut le canoniser. Un revers, on veut le mitrailler. Mais l'été, y'en a pas de problème. Le Canadien a une fiche parfaite. Zéro défaite. Les gars sont en voyage. On se désennuie en parlant agent libre, échange et contrat. Rien pour nous empêcher de dormir. Tant qu'on ne touche pas à Carey et PK.

Côté circulation, c'est l'enfer, l'été, mais ça nous dérange moins. Question d'attitude mentale. Un bouchon de juillet rend moins violent qu'un bouchon d'octobre. On n'est pas pressé. On ne s'en va pas faire quelque chose, on s'en va rien faire ailleurs. On s'en va rien faire au chalet, on s'en va rien faire chez des amis ou on s'en va rien faire aux États-Unis. C'est sûr qu'on aimerait y arriver plus rapidement, mais il fait trop chaud pour s'énerver.

L'été, la santé est relaxe. Les urgences débordent toujours autant, mais on s'en sacre un peu. Parce que ce n'est pas nous qui attendons. L'été, y'a seulement les vrais malades qui sont à l'hôpital. Tous les hypocondriaques, les nerveux et les inquiets vont mieux. Il fait beau. Ils se baignent et boivent du punch. Ça soigne tout. Aucune grippe d'homme ne se jette sur eux. Vous me direz que si tous les faux malades restent chez eux, ça devrait désengorger les hôpitaux. Non, parce les relaxes en profitent pour couper des lits, question d'économie. Les patients attendent toujours aussi longtemps mais au moins, ils attendent pour quelque chose. Passer 12 heures sur une petite chaise dans un corridor, quand il fait 30 degrés dehors, faut vraiment se sentir mal. Pauvres malades, ils ne sont jamais aussi seuls que durant la belle saison. Mais pour ceux qui sont en santé, c'est tiguidou.

L'éducation va super bien, l'été. Les écoles sont fermées. Pas d'intimidation, pas de drogues, pas de décrochage, pas d'échec, pas de fouilles à nu. Les enfants poursuivent leur apprentissage de la vie dans des camps de vacances. Ça semble bien aller, on n'en entend presque pas parler. Peut-être devrait-on remplacer les écoles par des camps de vacances à l'année? Tant qu'à faire des réformes, allons-y gaiement.

Conclusion: l'été est une saison bénie où tout va bien. Tout est une question d'éclairage. La cour arrière en hiver, c'est lugubre. La cour arrière sous un chaud soleil de juillet, c'est le paradis. Profitons-en. Tout n'ira pas bien, longtemps. Chacune des saisons est censée durer trois mois. Mais l'été n'en dure que deux. Sur le calendrier, l'été se termine le 23 septembre, mais en réalité, l'été se termine le 20 août. Quand les gamins retournent à l'école. Et les adultes, à l'usine ou au bureau.

Les politiciens prennent le crachoir. Les joueurs du Canadien sautent sur la glace. Le pont nous fait arriver en retard. On ne trouve pas de médecin pour nos petits bobos qui réapparaissent. Et les étudiants pensent à la grève. C'est le retour des problèmes. Trois saisons, à essayer de survivre.

Allez, pour l'instant, c'est derrière nous tout ça. L'été se pointe le museau bronzé. On a fini de se faire du mouron. Notre seul souci, c'est de se mettre de la crème.

Bon début d'été à tous!