C'est demain que sera remise, à Québec, la Coupe Memorial, emblème du championnat du hockey junior canadien. On dit que c'est le trophée le plus difficile à obtenir dans le monde du hockey, car pour y avoir droit, il faut d'abord gagner le championnat de sa ligue, au terme d'une longue saison, puis remporter un tournoi à la ronde opposant les champions de toutes les ligues.

L'Océanic de Rimouski a disputé les 68 matchs du calendrier régulier de la LHJMQ, terminant au premier rang du circuit, avec une fiche de 47-16-5, cumulant 99 points. En séries éliminatoires, il a vaincu Victoriaville en quatre parties, Gatineau en cinq matchs, Val-d'Or en quatre matchs, puis les Remparts de Québec en sept parties. Bravo! L'Océanic est devenu champion 2014-2015 de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, méritant ainsi une place au tournoi de la Coupe Memorial, avec les champions de la ligue de l'Ontario et ceux de la ligue de l'Ouest.

Avec donc 88 matchs de hockey dans le corps, les gagnants se présentaient au Colisée, en fiers représentants du hockey de chez nous. Le hic, au tournoi de la Coupe Memorial, c'est que l'équipe de la ville-hôte a aussi la chance de remporter la Coupe Memorial. Peu importe sa fiche durant la saison, elle peut avoir perdu tous ses matchs, ne pas avoir participé aux séries éliminatoires de son circuit, si le tournoi se dispute dans le territoire de son code postal, elle se retrouve avec les trois équipes championnes.

C'est un sens de la justice sportive très contestable, mais la présence de l'équipe locale permet de plus grosses recettes aux guichets. La logique se fait toujours plaquer dans le coin par l'économique.

Cette année, heureusement, l'équipe locale est une puissance du hockey junior canadien. Les Remparts sont les finalistes de la LHJMQ, perdant la Coupe du Président aux mains de l'Océanic, en deuxième période de prolongation d'un septième match.

Un septième match, on appelle ça un match sans lendemain, sauf que pour les Remparts, il y en avait un lendemain: la Coupe Memorial.

Les joueurs ont retrouvé leurs rivaux, ceux de Rimouski, quelques jours plus tard, et ils les ont sortis du tournoi. «Quin toé!»

Mettez-vous à la place des gars de Rimouski. Le 18 mai, vous battez Québec, vous levez la coupe de votre circuit. Vous êtes les meilleurs! Vous êtes meilleurs que Québec, vous êtes meilleurs que tout le monde au Québec. Dix jours plus tard, dans un match de barrage du tournoi de la Coupe Memorial, Québec vous bat 5 à 2. Vous n'êtes plus les meilleurs. C'est ceux que vous aviez défaits qui le sont devenus. Vous avez même pas eu le temps de vous enfler la tête qu'on vous la dessouffle comme un ballon des Patriots.

Au final, quelle est la meilleure équipe québécoise, en ce moment? L'Océanic qui a remporté le championnat de la LHJMQ ou les Remparts, l'équipe québécoise qui s'est rendue le plus loin lors du tournoi du championnat du hockey junior canadien? À Rimouski, on dit l'Océanic. À Québec, on dit les Remparts. Et ailleurs, on est mêlé.

La présence assurée de l'équipe locale dans un tournoi de champions est absurde. Ce n'est pas un tournoi de «tim-bits». Le prochain Super Bowl aura lieu dans le stade des 49ers de San Francisco, mais les 49ers ne sont pas assurés d'y participer. Pour en être, ils devront être les champions de leur conférence. Sinon, ils auront de bons billets pour regarder deux autres équipes jouer.

Cela dit, l'incongruité du tournoi de la Coupe Memorial est, sur le plan philosophique, révélateur d'une grande vérité: la victoire est relative. Celui que vous avez battu la veille peut vous battre le lendemain. Une victoire n'est jamais définitive. Elle est liée au moment où l'on tire le trait.

Le Canadien a perdu sa série 4 de 7 contre Tampa. Mais si cela avait été une série 5 de 9 à la place, ou une série 9 de 17, qui sait? La dominance n'est jamais totale. Elle est toujours tributaire des conditions du moment, de la préparation des joueurs, de leur état physique, de leur appétit de triomphe et de la chance.

Bien sûr, Rimouski est arrivé au tournoi de la Coupe Memorial satisfait. Le club avait toutes les raisons de l'être. Il était le champion du Québec. Tandis que Québec est arrivé au tournoi de la Coupe Memorial avec un désir de vengeance. Le but en deuxième période de prolongation, les joueurs l'avaient sur le coeur. Ils avaient une chance de lui enlever tout son sens en se rendant plus loin que leurs dominateurs et ils l'ont fait. Le désir est toujours plus fort que la satisfaction.

Bien sûr, l'entraîneur de l'Océanic a dû dire à ses ouailles: Oubliez la Coupe du Président, l'important c'est la Coupe Memorial, c'est le championnat canadien. Il a dû tout faire pour que le désir les anime aussi. Et probablement que si on organisait un autre match Rimouski-Québec, Rimouski le gagnerait. À moins que ce soit Québec?

C'est drôle, au Québec, il y a des milliers d'experts en hockey qui inondent les ondes de leurs prédictions. Ils passent des heures et des heures pour nous expliquer pourquoi telle ou telle équipe va gagner. Et toutes ces prédictions sont aussi valables que celles de l'horoscope. On ne le sait pas, ce qui va se passer. Un soir, ça peut être Rimouski, le lendemain, ça peut être Québec. Rien n'est jamais fini. Rien n'est jamais acquis.