J'écris cette chronique au petit matin. Je dois être à Québec, au début de l'après-midi, pour la remise du prix À part entière au Salon rouge du Parlement. L'Office des personnes handicapées du Québec honore des gens et des organisations dont la contribution à la participation sociale des personnes handicapées est jugée exceptionnelle par leurs pairs.

Les gagnants ne feront pas la une des journaux, comme les gagnants des prix qui célèbrent le cinéma, la chanson ou la télé. Leur milieu n'est pas glamour. Leur milieu est juste amour.

Je suis le porte-parole du prix À part entière, et comme on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, même quand on est handicapé, permettez-moi de vous parler des lauréats.

Dans la catégorie individu, la lauréate est Lisette Rioux de la région du Bas-Saint-Laurent. Mme Rioux a travaillé à la Villa de l'Essor de Saint-Anaclet, aux services d'adaptation Osmose de Matane, puis au Centre de réadaptation en déficience intellectuelle de Rimouski. Cette éducatrice spécialisée a consacré sa vie à faire en sorte que les personnes handicapées développent leur plein potentiel. C'était autant son emploi que son bénévolat. Bref, sa raison d'être. Elle a oeuvré pour améliorer le transport adapté, encourager le dépistage précoce de la déficience intellectuelle et baliser la judiciarisation des personnes ayant une déficience intellectuelle.

Si vous googlez le nom Lisette Rioux, vous ne trouverez pratiquement rien. Pourtant, des milliers de personnes vivent mieux grâce à elle. Dans cette époque d'égoportraits, il est bon de parler de ceux et celles qui regardent les autres. Mme Rioux est maintenant à la retraite. Tout ce qu'elle a fait, ce n'était surtout pas dans le but d'obtenir une récompense. Elle en obtient une aujourd'hui. C'est doublement mérité quand on ne l'a pas cherchée. Mme Rioux est plus qu'une gagnante. Elle est quelqu'un qui fait gagner les autres.

Dans la catégorie des organismes sans but lucratif, le prix À part entière est remis à Amalgame MDJ Ouest, une maison des jeunes à Saint-Nicolas, en périphérie de Québec. Ses dirigeants ont compris qu'une maison des jeunes doit être la maison de tous les jeunes. En plus d'offrir les activités normales de ce genre d'établissement, l'aide au devoir, des journées de ski, des partys, Amalgame MDJ Ouest a créé des programmes spéciaux pour améliorer la qualité de vie des jeunes handicapés. Avec le service Flash, on propose aux jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle, un trouble du spectre de l'autisme ou des difficultés d'adaptation un lieu de rencontre où ils peuvent être guidés dans le rôle de citoyen. On les aide à prendre leur place et surtout à la garder. L'organisme offre aussi un service de gardiennage aux parents de handicapés et a mis sur pied un projet pour aider les jeunes à apprendre à communiquer. Simple de même!

Amalgame MDJ Ouest aurait pu se contenter d'organiser des rallyes et des sorties aux Remparts, mais a décidé d'en faire plus. Un exemple pour tous les centres communautaires. Il n'y a pas juste les centres spécialisés qui doivent s'occuper des cas spéciaux. Les centres qui s'adressent à tout le monde doivent être vraiment pour tout le monde. Dans tout le monde, il y a tous les différents aussi.

Dans la catégorie municipalités et MRC, l'honneur revient à la Ville de Gatineau. Plus que bien des endroits au Québec, Gatineau a le souci de rendre ses lieux accessibles. Souci qui devrait habiter toutes les municipalités. Il ne faudrait instituer un défi fauteuil roulant. Tentez de vivre votre vie durant 24 heures en fauteuil roulant. Vous verrez à quoi se butent les gens à mobilité réduite au quotidien. Bonne chance! Et surtout, ne soyez pas pressé. En récompensant Gatineau pour ses efforts, on espère donner le goût de l'accessibilité au Québec en entier. Ce n'est pas compliqué construire un accès en pente. Ce n'est pas compliqué installer des portes qui s'ouvrent automatiquement. Ce n'est pas compliqué se doter d'ascenseurs. On est en 2014, pas en 1608. Un endroit public doit être un endroit accessible à tous les publics.

Dans la catégorie ministères, organismes publics et parapublics, le Centre de protection et de réadaptation de la Côte-Nord remporte la palme. Il a réussi à créer un réseau de partenaires pour permettre aux jeunes qui affichent une différence de décrocher un emploi d'été, d'acquérir des compétences et de l'expérience pour passer de l'école au monde du travail. Cette étape est tellement importante. On est plus enclin à aider les personnes handicapées ou souffrant de déficience intellectuelle durant l'enfance et l'adolescence, mais c'est «débrouille-toi!» lorsqu'elles atteignent la vingtaine. Se débrouiller, ça s'apprend.

Enfin, un prix Coup de coeur est remis à la Commission scolaire de Laval. Oui, vous avez bien lu, un prix coup de coeur à une commission scolaire! Celle de Laval mérite des fleurs pour avoir développé la formation Aide en milieu horticole. Pendant six mois, des personnes ayant des limitations intellectuelles ou physiques apprennent le métier d'aide-fleuriste. L'important, c'est la rose.

Voilà cinq exemples d'initiatives pour inclure les personnes handicapées dans notre beau Québec. Il y en a des centaines d'autres qui mériteraient aussi qu'on encourage leurs efforts. Heureusement, elles n'attendent pas ça pour s'investir corps et âme. Je les remercie de tout coeur.

Quand il y en aura 8 millions, le Québec sera la maison de toutes les personnes de l'horizon.