Quelque chose me dit que ça va être une petite fête tranquille. Encore plus tranquille que notre révolution. Les drapeaux ne flotteront pas au grand vent de la liberté. Pas de vibrant serment patriotique à faire frissonner l'habitant. Aucun Moïse pour séparer les eaux du Saint-Laurent en deux, en criant: «Suivez-moi!». Le temps est au party sobre. Pas trop coûteux. Il y a même des endroits où ça ne fêtera pas pantoute. À Sainte-Thérèse, à cause du conflit sur l'entente collective et le régime de retraite, on a carrément annulé les célébrations de la Saint-Jean (et celles du 1er juillet aussi, en passant). Ça n'a pas créé d'émoi. Les citoyens vont rester autour de leur piscine ou de leur table à pique-nique. C'est tout. Pourvu qu'il y ait des hot-dogs.

La fleur de lys n'est pas fanée, mais disons qu'elle a la tige qui courbe vers le sol. La popularité du PQ est anémique. Le projet de souveraineté est encore plus gelé que la caisse de 24. Et le nouveau pont Champlain risque d'être bâti avant le prochain référendum. Bref ces jours-ci, Ginette Reno ne chante pas Un peu plus haut, un peu plus loin, elle chante Ô Canada. C'est comme ça. Les réjouissances de la Saint-Jean-Baptiste ont toujours été au diapason du climat politique. Pourtant, ça ne devrait pas être comme ça.

Que ce soit le PQ, le PLQ, la CAQ, Québec solidaire ou le Bloc pot au pouvoir, on devrait toujours fêter avec la même intensité, ce sont tous des partis québécois, ce sont tous des partis du Québec. La Fête nationale, ce n'est pas seulement la fête de ce que nous deviendrons, c'est la fête de ce que nous sommes. Ce n'est seulement pas la fête d'un rêve, c'est la fête d'une réalité. Et tous ceux qui habitent ce territoire en font partie. Il faut que les fédéralistes cessent de croire que c'est la fête des autres et que les souverainistes cessent de croire que c'est juste leur fête à eux.

Que l'on soit nationaliste ou non, notre chez-soi, qu'on l'appelle pays, province ou canton, c'est là où notre regard porte. Et l'arbre que l'on voit, la maison, le lac, la montagne, la ferme, le gratte-ciel, le champ, la route et les gens, ils sont tous au Québec. C'est leur position, c'est leur adresse. C'est ce qu'indique notre GPS. Le 24 juin, c'est la fête de la terre où l'on marche, de la terre où l'on vit. Qu'on ait grandi ici ou qu'on y soit arrivé déjà grand, c'est notre fête tout autant.

On peut se souhaiter bonne fête Québec en français, en anglais, en chinois, en arabe, en hébreux, en espagnol, en italien, en tout. Faut juste garder l'accent aigu sur le e, parce que c'est cet accent qui a façonné ce coin du monde. Qui l'a fait pousser de cette façon et c'est en le respectant qu'il gardera son essence, ce qui fait sa différence. Ce qui fait que tous ces gens se retrouvent ici. Et ce qui fait qu'ici n'est pas ailleurs, c'est notre culture. Il faut la protéger et la célébrer avec toutes celles des autres autour. Il faut l'enrichir, pas l'appauvrir. C'est une question de survie. Il n'y pas de richesse économique sans richesse de l'esprit.

La Fête nationale n'est pas une fête politique, c'est une fête familiale. Comme l'anniversaire de sa mère ou du petit dernier. Au bout de chacun de nos noms, il y a le mot Québécois. Paul Allard, le Québécois, Sylvie Gosselin, la Québécoise, Jeffrey Smith, le Québécois, Mohamed El-Fassi, le Québécois... Nous sommes des frères et des soeurs de domicile.

Philippe Couillard devrait être aussi excité le 24 juin que Gilles Vigneault, pas parce qu'il ressemble plus à saint Jean-Baptiste que Stéphane Bédard, mais parce que c'est la fête de la province qu'il dirige. Et même si sa province n'est pas un pays et qu'il n'a aucune intention qu'elle le devienne, elle a assez d'histoire, de combat, de résilience et de grandeur pour qu'on soit fébrile de le souligner une journée dans l'année.

Mardi, peu importe nos allégeances, faudrait fêter fort. Avec joie et passion. Parce que le Québec est notre place. Tout n'y est pas parfait, mais l'essentiel, c'est qu'on arrive à s'y endurer sans trop de haine. On arrive à vivre en paix. C'est beaucoup. On devrait en être fier. Huit millions d'êtres humains qui partagent le même chemin, et qui parfois s'aident à avancer, ça mérite une petite soirée à se laisser parler d'amour.

Le 24 juin, peu importe ce que l'on fait, il faut le faire ensemble. C'est ça l'idée. Fêter notre solidarité. Elle est parfois bien éprouvée, mais si nous sommes toujours là, c'est parce qu'elle existe. Évidemment.

Je vous souhaite une bonne Saint-Jean. Et je souhaite au Québec de ne jamais cesser de grandir, pour que ceux qui y vivent grandissent avec lui.