Si vous voulez lire une chronique qui vous explique la situation en Syrie et ses répercussions planétaires, allez voir ailleurs. Il y a plein de journalistes compétents dans ce journal pour vous expliquer le tout.

Si vous voulez lire une chronique signée par quelqu'un qui se sent dépassé par l'actualité en Syrie et qui se demande ce qu'il peut faire face à tout ça, restez ici. Et cherchons ensemble.

On a de la misère à savoir ce qui se passe vraiment à l'hôtel de ville de Montréal, alors imaginez, savoir ce qui se passe vraiment en Syrie, c'est une mission impossible. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas essayer de l'accomplir. Au contraire. Ne serait-ce que pour élargir notre rayonnement de sensibilité à autrui.

L'humain est avant tout sensible à lui-même. Une tape, une parole, un regard, tout ce qui vise notre petite personne nous atteint. Nos journées sont remplies de petites joies et de petits drames quotidiens qui font la manchette de nos journaux personnels. Ce que les autres nous font ou ne nous font pas occupe la grande majorité de nos pensées.

L'humain est aussi sensible à ses proches. Ce qui arrive à notre blonde, notre chum, nos enfants, nos parents, nos amis, nous bouleverse nous aussi. On peut être heureux ou malheureux pour eux. On peut se mettre à leur place et ressentir leur douleur ou leur bonheur. La majorité des gens sont ainsi.

L'humain est aussi sensible à sa communauté. La tragédie du Lac-Mégantic en est la plus belle preuve. On s'est senti concerné, interpellé par ce qui arrivait là-bas. On avait beau ne pas connaître personnellement les individus frappés par ce terrible coup du destin, on pleurait avec eux, on rageait avec eux. On appelle ça, la solidarité. Et l'humain est beau quand il en fait preuve.

L'humain n'est pas sensible à ce qui se passe loin de chez lui. À ce qui ne risque pas de l'atteindre. Notre rayon d'humanité se limite à notre territoire. Parfois des images de la souffrance d'âmes éloignées parviennent à faire craquer notre carapace. La famine en Afrique en 1985 y est parvenue. Mais cela a duré le temps d'une chanson. La famine en 1986, 1987, 1988, 1989, 1990, 1991, 1992 jusqu'à 2013 n'a pas empêché personne de manger.

Ce n'est pas de notre faute. La sensibilité aux gens au loin n'est pas dans nos gênes.

Aujourd'hui, nous sommes tous à la portée d'un clic des uns des autres, mais la technologie n'a pas réussi à briser notre indifférence.

Bien sûr, la vue des victimes des armes chimiques en Syrie nous a horrifiée. Sur le coup. Mais après, on est vite retourné à nos chicanes de clochers et de crucifix. Obama songe à attaquer la Syrie à cause de ce massacre, mais est-ce vraiment sa motivation? Si oui, pourquoi l'Amérique ne joue-t-elle pas aussi à Superman pour les milliers de victimes des despotes en Afrique? Parce que l'humain américain est plus sensible au sort des gens habitant un pays pétrolier. Il y va aussi de son intérêt économique. On se sert de la détresse des êtres pour sauver l'argent.

On ne s'en sort pas: loin des yeux, loin du coeur. À moins que ça affecte notre poche.

Comment faire pour que chacun de nous soit plus préoccupés par la scène internationale, pas juste les puissants? Je sais, on en a déjà assez avec nos problèmes, a-t-on vraiment besoin de se rajouter les problèmes d'inconnus hors de notre radar émotif? Et si c'était justement ça la solution. Quand on essaie de régler les problèmes gigantesques des autres, les nôtres deviennent tellement futiles qu'ils disparaissent. Parlez-en à tous ceux qui ont aidé les citoyens de Lac-Mégantic. On ne se sent jamais aussi bien que lorsque l'on fait du bien.

La première chose qu'on peut faire pour aider la Syrie; c'est de s'y intéresser. Tout commence par là. Des fous profitent du désintérêt général pour faire subir les pires sévices à une population. L'intérêt de milliards d'autres personnes est le meilleur soutien.

Je précise; il faut s'y intéresser pour les bonnes raisons. Pas parce que le désordre risque de faire monter le prix du gaz à la station-service au coin de chez nous, mais parce que le désordre ajoute au malheur global de l'humanité. Un magma infini responsable de tellement de morts, de blessés et de brisés. Un magma qui finira bien par nous rouler dessus, un de ces jours. À moins qu'on s'en occupe.

C'est la connaissance de la totalité du monde qui nous entoure qui nous sensibilisera. Et de cette sensibilité naîtra un début de solution. L'homme est ainsi fait, c'est en mode survie, qu'il accomplit les bonnes actions. Quand ce qui se passe en Syrie, en Afrique, en Corée nous minera vraiment, nous trouverons une façon de nous guérir, de les guérir.

Sur ce, allons dévorer tous les articles traitant de l'actualité planétaire, parcourons notre tablette, relions-nous à l'humanité, avant de perdre la notre.

Pour joindre notre chroniqueur: stephane@stephanelaporte.com